Question de Mme DELATTRE Nathalie (Gironde - RDSE) publiée le 15/11/2018
Mme Nathalie Delattre attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la mobilisation de treize des principales organisations infirmières, mobilisées dans toute la France, devant les préfectures de chaque région, afin de marquer leur mécontentement suite aux annonces faites le 18 septembre 18 septembre 2018 par le Président de la République, dans le cadre du « plan santé ».
Dans ce projet de réforme, les 660 000 infirmiers répartis sur le territoire français n'ont pas obtenu la revalorisation espérée de leur métier, de leurs compétences et de leur tarification. La réforme structurelle annoncée du système de santé semble toujours reposer sur une vision médico centrée de l'offre de soins. En effet, le « plan santé 2022 » n'a pas souhaité inclure une réactualisation du décret d'actes et d'exercice de la profession d'infirmier de 2002 tout en prévoyant la création de 4 000 nouveaux « assistants médicaux », aux frais des collectivités, pouvant effectuer des « actes médicaux simples » en appui des médecins.
Concernant les infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État (IBODE) et les infirmiers puériculteurs diplômés d'État (IPDE), ces derniers n'ont pas obtenu la réingénierie attendue de leurs diplômes, tout comme les infirmiers anesthésistes n'ont pas obtenu la reconnaissance de leurs compétences professionnelles dans l'exercice de leur métier à la hauteur de leur formation de niveau master.
Concernant les infirmiers libéraux, les indemnités forfaitaires de déplacement (IFD) n'ont été revalorisées que de cinquante centimes d'euros en quinze ans. Cette compensation paraît particulièrement faible compte tenu de la hausse concomitante du prix de l'essence. Non comptabilisés par la sécurité sociale, les infirmiers libéraux facturent à taux plein le premier acte médical effectué auprès de la personne souffrante, à 50 % le deuxième acte médical et enfin gratuitement le troisième acte médical. Ainsi, en période de vaccination antigrippale, cette dernière intervention reste le plus souvent non facturée. Il conviendrait de mettre en adéquation la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) avec les actes médicaux réalisés sur le terrain par ce corps de santé. D'autant que ce classement apparaît comme obsolète face à l'apparition de nouvelles pathologies et donc de nouveaux soins et de nouvelles compétences.
Face à l'augmentation du nombre de maladies chroniques et au vieillissement croissant de la population, les professionnels de santé sont les premiers acteurs de terrain à être sollicités en cas d'indisponibilité du médecin généraliste et ce de façon continue, jour et nuit. En se déplaçant à domicile, les infirmiers libéraux accompagnent les patients n'ayant pas besoin de se rendre à l'hôpital, désengorgeant ainsi les services d'urgence et évitant bon nombre d'hospitalisations inutiles.
Les infirmiers représentent un corps médical complémentaire des assistants médicaux et constituent des agents essentiels de prévention et d'éducation des patients.
Elle l'interroge donc sur l'opportunité de revaloriser le métier d'infirmier dans le cadre du « plan santé 2022 » annoncé par le Gouvernement.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 21/11/2018
Réponse apportée en séance publique le 20/11/2018
Mme Nathalie Delattre. Aujourd'hui, à quatorze heures, tous les syndicats de la profession d'infirmier se mobilisent pour faire entendre leur mécontentement à la suite des annonces du Président de la République.
Et pour cause ! Le plan « Santé 2022 » repose sur une vision médico-centrée de l'offre de soins. Les 660 000 infirmiers répartis sur l'ensemble de notre territoire n'ont obtenu ni la revalorisation espérée de leur métier, ni celle de leurs compétences et encore moins celle de leur tarification.
Comment expliquer, madame, que 4 000 nouveaux postes d'« assistants médicaux » seront créés aux frais des collectivités, alors que le plan « Santé 2022 » ne prévoit aucune réactualisation du décret d'actes et d'exercice de la profession d'infirmier datant de 2002 ?
Si l'ensemble de la profession se mobilise, c'est parce qu'aucune spécialisation n'a obtenu gain de cause : ni les infirmiers de bloc opératoire, ni les puériculteurs diplômés d'État, ni les infirmiers anesthésistes dans la réingénierie de leurs diplômes.
Que dire des infirmiers libéraux ? Les indemnités forfaitaires de déplacement n'ont été revalorisées que de cinquante centimes d'euros en quinze ans. Une hausse dérisoire face à l'augmentation du prix de l'essence.
On le voit et on le vit, il existe bel et bien un décalage entre l'exercice, sur le terrain, au quotidien, du métier d'infirmier et la nomenclature générale des actes professionnels, qui ne recense toujours pas un grand nombre d'entre eux.
A contrario, quand ils sont pris en compte, le troisième acte médical dispensé est gratuit. Aussi, le travail de vaccination antigrippale, plan dont vous vous enorgueillissez, reste le plus souvent non rémunéré pour nos infirmiers.
Pourtant, face à l'augmentation du nombre de maladies chroniques et au vieillissement croissant de la population, les infirmiers répondent présent. Ils sont les premiers acteurs de terrain, de jour comme de nuit. En se déplaçant à domicile, les infirmiers libéraux participent notamment au désengorgement des services d'urgence. Ils sont d'ailleurs souvent les derniers au cur du désert médical.
Dès lors, madame la secrétaire d'État, allez-vous répondre favorablement aux attentes de nos infirmiers et, au-delà, à celles des Français, qui sont très attachés à ces femmes et à ces hommes ? Allez-vous adapter votre plan « Santé 2022 » aux réalités du terrain ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question qui me permet de répondre à la déception exprimée par les infirmières et par les infirmiers après la présentation du plan « Ma Santé 2022 » par le Président de la République, le 18 septembre dernier.
Vous évoquez plusieurs de leurs revendications concernant la revalorisation de l'ensemble de la profession infirmière en termes de métier et de tarification conventionnelle et l'absence d'actualisation du décret d'actes et de compétences depuis 2002.
Nous regrettons ces prises de position, alors que la profession infirmière a récemment bénéficié d'avantages notables.
D'abord, grâce au développement de protocoles de coopération, notamment dans le secteur ambulatoire, avec le dispositif Asalée, ou action de santé libérale en équipe.
Et récemment, de façon globale, par la reconnaissance de l'infirmier en pratique avancée, dont le cadre juridique a été fixé par le décret du 18 juillet 2018 que j'ai mentionné dans ma réponse à M. le sénateur Madrelle.
Les premières infirmières en pratique avancée diplômées par les universités accréditées en octobre dernier mettront leurs compétences élargies au service des usagers du système de santé dès septembre 2019.
Au-delà des premiers domaines d'intervention ouverts à la pratique avancée, d'autres champs, tel celui de la psychiatrie, vont faire l'objet de prochains travaux.
Encore plus récemment, le décret et l'arrêté du 25 septembre 2018 ont permis aux infirmières d'élargir leurs compétences en matière de vaccination antigrippale.
Enfin, le processus d'universitarisation se poursuit en lien étroit avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Par ailleurs, et c'est la seconde partie de votre question, vous estimez que la réforme du système de santé engagée pérennise une vision médico-centrée de l'offre de soins. Ce n'est pas notre appréciation.
Différentes mesures annoncées par la ministre des solidarités et de la santé concernent l'exercice pluriprofessionnel et encouragent une organisation en structure regroupée ou au sein d'une communauté professionnelle territoriale de santé. Notre objectif est clair : l'exercice isolé doit devenir une exception.
Ces orientations donnent aux infirmières toute leur place, notamment quand elles exercent dans le secteur libéral. Cette profession est un des acteurs majeurs de la prise en charge préventive et éducative. Nous avons bien conscience qu'elle est un rouage essentiel du système de santé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour répondre à Mme la secrétaire d'État, en dix-huit secondes.
Mme Nathalie Delattre. Madame la secrétaire d'État, si les avancées que vous mentionnez satisfaisaient les infirmières et les infirmiers, ils ne seraient pas dans la rue, dans dix-sept régions de France. Je ne peux que vous encourager à sortir de votre ministère cet après-midi, à sortir de votre bulle, et à aller à leur rencontre : ils ont vraiment besoin de votre écoute et d'une véritable action. (Mme Brigitte Lherbier applaudit.)
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