Question de M. MENONVILLE Franck (Meuse - RDSE) publiée le 12/10/2018

Question posée en séance publique le 11/10/2018

M. Franck Menonville. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre et porte sur les mineurs non accompagnés.

Le nombre de mineurs non accompagnés pris en charge par les services d'aide sociale à l'enfance des départements a considérablement augmenté depuis 2015. On a constaté une forte accélération entre 2016 et 2018, avec plus de 900 % d'augmentation pour les personnes se déclarant mineurs non accompagnés en évaluation, et plus de 74 % d'augmentation pour les mineurs non accompagnés confiés.

À titre d'exemple, dans mon département de la Meuse, nous sommes passés de 14 personnes en 2015 à 415 personnes pour les neuf premiers mois de cette année.

Les mineurs non accompagnés représentent près de 15 % des mineurs pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, avec un coût estimé à 50 000 euros par mineur et par an. En 2017, l'accueil et la prise en charge de 25 000 mineurs s'élevaient à 1,25 milliard d'euros pour les départements.

Pour la Meuse, 1,7 million d'euros ont été mobilisés en 2017, et déjà plus de 3 millions d'euros pour les neuf premiers mois de l'année 2018. Au regard des flux actuels, cette tendance devrait encore s'accroître, rendant impossible l'atteinte des objectifs fixés par la contractualisation.

De plus, le système actuel, régi par la circulaire Taubira, est obsolète et parfaitement inadapté dans un tel contexte. Qu'en est-il des aménagements promis par l'État, tel qu'un fichier central ? La situation est très préoccupante. Les départements ne peuvent anticiper les dépenses et les services agissent dans l'urgence et en ordre dispersé.

Les départements sont aux abois et les charges financières qui leur incombent explosent. Quels moyens comptez-vous engager, monsieur le Premier ministre ? Entendez-vous reconduire les financements exceptionnels de 2017 en les renforçant ? C'est indispensable.

La solidarité nationale doit s'exercer au plus vite, pour accompagner nos départements. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 12/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous posez à juste titre la question des difficultés liées à la prise en charge d'un nombre rapidement croissant de mineurs non accompagnés par l'ensemble des départements. En effet, si cette augmentation concernait auparavant un nombre limité de départements, essentiellement frontaliers, le phénomène s'est généralisé, bien que certains départements restent en première ligne.

Tout d'abord – je pense que nous nous entendrons tous sur ce constat –, il faut dire que la protection des mineurs non accompagnés est un impératif. Personne ne pourrait se satisfaire d'une politique qui renoncerait à s'occuper des mineurs non accompagnés.

Cela étant, nous devons aussi regarder la réalité en face : comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, notre système ne fonctionne plus correctement, en raison d'un afflux considérable de mineurs non accompagnés, mais aussi, reconnaissons-le, parce qu'il est « embolisé » par un certain nombre de demandeurs, qui se prévalent d'un état de minorité alors qu'ils sont majeurs.

Il faut donc intervenir sur l'ensemble des sujets, dissuader les départs depuis les pays d'origine, démanteler les réseaux de passeurs, qui concourent aussi à l'accroissement du nombre de mineurs non accompagnés, et accompagner les départements confrontés à cette difficulté.

Nous les avons déjà aidés l'an dernier au moyen d'un fonds d'urgence. Le Gouvernement s'est ensuite engagé dans une discussion avec l'Association des départements de France. Elle fut d'une très grande fluidité, et nous sommes parvenus à un accord, qui sera évidemment mis en œuvre. Cet accord repose sur deux principes simples : tout d'abord, la protection de l'enfance reste une compétence départementale ; ensuite, l'État doit prendre toutes ses responsabilités dans la politique migratoire et la lutte contre la fraude, qui sont de son ressort.

Sur cette base, l'État renforcera en 2019 le montant des fonds alloués aux départements pour participer au financement de l'accueil de ces mineurs, jusqu'à ce que la question de leur majorité ou leur minorité soit tranchée.

Il mettra aussi en place un fichier national, afin de vérifier que les demandes formulées dans un département ne le sont pas de nouveau quelques mois plus tard par la même personne dans un autre département, engendrant de nouveaux frais d'instruction. Ce fichier sera opérationnel à compter de 2019. Il nous permettra d'éviter les doubles ou triples demandes, qui, vous le savez parfaitement, « embolisent » le système.

Enfin, si la tendance devait se confirmer, l'État prendrait sa responsabilité pour accompagner les départements concernés, sur le fondement des deux principes que j'ai évoqués. Et je parle uniquement de solidarité, et non des mesures visant à dissuader l'arrivée de ces mineurs.

Un certain nombre de départements sont confrontés à des situations particulières, notamment les Hautes-Alpes…

M. Marc-Philippe Daubresse. Le Nord également !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il y en a d'autres, en effet, mais la situation a été particulièrement vive dans ce département. Aussi, comme vous le savez sans doute, mesdames, messieurs les sénateurs, l'État a pris des dispositions spécifiques pour l'accompagner dans l'exercice de ses missions. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

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