Question de M. COURTIAL Édouard (Oise - Les Républicains) publiée le 02/08/2018

M. Édouard Courtial appelle l'attention de Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports sur les enjeux liés aux péages pour les services de secours. Concernant la gratuité des péages pour l'ensemble des déplacements d'une part, y compris hors des interventions, il semble que l'amendement adopté lors de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 ne soit toujours pas applicable et appliqué, ce qui est fort regrettable. Sur les dysfonctionnements aux péages, d'autre part, lorsque ces véhicules de secours d'urgence sont ainsi appelés à intervenir, ils doivent, comme les autres automobilistes, attendre aux barrières de péage aux dépens de leurs passagers ou de leurs missions. Or cette attente pouvant durer de longues minutes peut mettre des vies en danger. Ce cas s'est d'ailleurs présenté au péage d'Arsy après avoir vainement réclamé l'ouverture de la barrière par interphone. Aussi et au regard des répercussions graves que peuvent occasionner ces faits, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles mesures seront prises afin de faciliter le passage des services d'incendies de secours et d'appliquer la gratuité totale des autoroutes à leur égard.

- page 3968


Réponse du Ministère auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports publiée le 20/12/2018

L'article 171 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a inséré dans le code de la voirie routière un article L. 122-4-3 prévoyant que les véhicules d'intérêt général prioritaires en opération sont exonérés de péage lorsqu'ils empruntent l'autoroute, indépendamment de leur lieu d'intervention. L'exposé des motifs vise spécifiquement les « véhicules de secours », c'est-à-dire les véhicules de la police, de la gendarmerie, des pompiers (services départementaux d'incendie et de secours) et du SAMU (SMUR). La définition des conditions d'application de cette mesure est renvoyée à un décret en Conseil d'État. Il convient de rappeler que la règlementation en vigueur, à savoir l'instruction 3-2 du 30 décembre 1980 relative au droit de circulation en franchise sur autoroutes à péage (dite « circulaire Hoeffel ») citée par les articles 25 des cahiers des charges annexés aux conventions de concession d'autoroute, prévoit que les services de secours ne sont pas assujettis au péage lorsqu'ils effectuent une intervention sur autoroute, notamment suite à un accident. Cette différence de traitement vis-à-vis des autres usagers est justifiée par le fait que les services de secours contribuent à la bonne exploitation de l'infrastructure et donc au service rendu à l'usager. L'article L. 122-4-3 précité rompt avec cette logique en exonérant de péage l'ensemble des véhicules d'intérêt général prioritaires, même lorsqu'ils ne sont pas en intervention sur l'autoroute. Désormais, la seule condition pour bénéficier de la franchise de péage est que le déplacement revête un caractère opérationnel. Or pour les sociétés concessionnaires, qui devront appliquer cette exonération, s'assurer du caractère opérationnel du déplacement est techniquement difficile, notamment lorsque les interventions se situent hors du réseau autoroutier concédé. La vérification ne pourra vraisemblablement être effectuée qu'a posteriori, ce qui imposera une charge nouvelle de travail aux services publics de secours et posera la question du recouvrement en cas d'abus. Outre que sa mise en œuvre présente des difficultés pratiques importantes, la définition juridique de l'objectif que le législateur a assigné à cette mesure s'avère d'une grande complexité, plusieurs principes généraux du droit se trouvant en contradiction. En effet, l'exonération de péage pour les véhicules d'intérêt général prioritaires en opération constitue une rupture d'égalité des usagers devant le péage. Le législateur a justifié cette rupture d'égalité par une baisse des charges de fonctionnement des services de secours concernés. La mesure permettrait ainsi de soulager les budgets respectifs des services centraux et déconcentrés de la police et de la gendarmerie nationale, des établissements hospitaliers disposant d'un SAMU, ainsi que des départements, qui contribuent au budget des services départementaux d'incendie et de secours. Toutefois, il s'agit, pour les sociétés concessionnaires, d'une charge nouvelle qui leur est imposée et pour laquelle elles ne pourraient être compensées par une hausse des tarifs de péage. Une telle répercussion dans le péage serait, en effet, doublement inconstitutionnelle : d'une part, parce qu'elle créerait une rupture d'égalité des usagers devant le péage ; d'autre part, parce qu'elle mettrait à la charge des usagers de l'autoroute des dépenses liées à l'exercice de missions régaliennes, lesquelles ont vocation à être financées par l'impôt. Les sociétés concessionnaires pourraient donc se prévaloir d'un préjudice devant le juge du contrat, comme elles l'ont déjà indiqué à l'État. Le concédant – à savoir l'État – serait alors tenu d'indemniser sur fonds publics ses cocontractants pour le manque à gagner représenté par cette mesure dans les conditions fixées par le juge. Cette indemnisation annulerait donc les effets attendus de l'exonération, qui visait à réduire les dépenses de fonctionnement des services publics ayant recours aux véhicules d'intérêt général prioritaires. Une première estimation des pertes de recettes pour les sociétés concessionnaires qui seraient à indemniser sur fonds publics s'élèverait à plusieurs dizaines de millions d'euros par an. Ces considérations expliquent les grandes difficultés rencontrées dans la définition des mesures réglementaires adaptées à la nature de l'habilitation législative. Par ailleurs, il convient de rappeler que la réglementation actuelle prévoit d'ores et déjà l'octroi de facilités de passage aux véhicules de secours et ce, quel que soit leur lieu d'intervention. Les conventions de prise en charge conclues entre les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et les sociétés concessionnaires sur le fondement de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales doivent ainsi, en application des dispositions de l'arrêté du 7 juillet 2004 pris par le ministre de l'intérieur, prévoir les « facilités techniques de passage accordées au profit des SDIS pour les interventions de secours » ainsi que « les modalités de coopération » entre les SDIS et les sociétés concessionnaires. La circulaire Hoeffel précitée prévoit, quant à elle, que « toutes facilités devront […] être assurés pour le passage [des] véhicules lorsqu'ils emprunteront l'autoroute dans des cas d'urgence pour intervenir à l'extérieur de celle-ci. Mais ils ne pourront alors bénéficier de l'exemption et le passage sur l'autoroute leur sera facturé a posteriori  ». Ainsi ces véhicules, bénéficiant de facilités de passage, ne perdent pas de temps aux barrières de péage et la mesure d'exonération introduite par l'article 171 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 ne modifie en rien les conditions techniques d'accès à l'autoroute.

- page 6655

Page mise à jour le