Question de M. DURAN Alain (Ariège - SOCR) publiée le 27/06/2018
Question posée en séance publique le 26/06/2018
M. Alain Duran. Aujourd'hui, le Président de la République a accepté le titre de « premier et unique chanoine d'honneur » et pris possession de la stalle en la basilique Saint-Jean-de-Latran. Ce faisant, il s'inscrit dans les pas d'Henri IV, qui avait inauguré cette pratique en 1604, avant que la Révolution ne la fasse tomber en désuétude jusqu'en 1957.
Il ne s'agit aucunement d'une obligation institutionnelle, puisque l'article 1er de notre Constitution se borne à rappeler que la France est une République laïque, qu'elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de religion et qu'elle respecte toutes les croyances, tandis que l'article 2 de la loi de 1905 énonce que la République ne reconnaît aucun culte.
Il ne s'agit pas non plus d'une coutume, puisque, dans la féconde histoire de notre république, seuls cinq présidents ont pris possession de ce titre Georges Pompidou, François Mitterrand et François Hollande s'en sont tous les trois abstenus, ce qui ne les a pas empêchés d'avoir des relations diplomatiques constructives avec le Vatican.
Il s'agit plutôt d'un énième dévoiement de la laïcité (Exclamations sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.), au profit d'un œcuménisme communautariste qui affaiblit notre république. Le Président, alors candidat, l'avait déjà dévoilé en février 2017, en déclarant regretter que la loi ouvrant le mariage aux couples du même sexe ait humilié une partie des catholiques ou, en avril dernier, en affirmant encore vouloir « réparer le lien qui s'est abîmé entre l'Église et l'État ».
Alors que votre majorité à l'Assemblée nationale se fissure une nouvelle fois à cause de l'opposition de certains de vos députés au souhait du Gouvernement d'exempter les « associations à but cultuel » de l'obligation de déclarer leurs actions de lobbying auprès des décideurs publics, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous expliquer le sens de cette visite, au moment où les fondements de notre république laïque sont affaiblis par les revendications identitaires et communautaristes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Mme Françoise Laborde applaudit également.)
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 27/06/2018
Réponse apportée en séance publique le 26/06/2018
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur Duran, sur la laïcité, le Président de la République et les membres du Gouvernement n'ont jamais changé de ligne, celle d'un attachement profond à la loi de 1905, qu'Aristide Briand avait conçue comme fondatrice d'une laïcité de liberté. Certes, l'État ne reconnaît aucune religion, mais chaque citoyen doit pouvoir exercer son culte dans de bonnes conditions, ou alors ne pas croire, ce qui est une autre liberté.
La visite d'État de ce jour permettra d'abord au Président de la République et au pape, qui est aussi un chef d'État, de se rencontrer pour la première fois et d'entamer un dialogue sur plusieurs thèmes, notamment l'émigration, dont nous avons beaucoup parlé, ici même, ces jours derniers, la lutte contre le dérèglement climatique, l'aide au développement, la situation des chrétiens d'Orient, mais aussi la protection des minorités.
Je tiens également à préciser que le titre de chanoine du Latran, dont le président prendra officiellement possession, est un titre laïque, qui n'a aucune dimension spirituelle, mais possède uniquement une signification honorifique et historique.
C'est une distinction, vous l'avez souligné, qui revient automatiquement au chef de l'État français depuis Henri IV. Pour être très précis historiquement, tous les Présidents de la République l'ont été, même si tous n'ont pas fait le voyage (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain Mme Michèle Vullien applaudit.)
Comme je l'ai dit, le Président de la République et le Gouvernement poursuivent le dialogue avec toutes les religions.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il n'y a pas lieu de polémiquer. L'État dialogue avec toutes les forces vives. Qui peut nier que l'Histoire est l'Histoire et que les religions en font partie ? D'ailleurs, si vous tournez la tête, monsieur le sénateur, vous verrez que la statue de Saint Louis est derrière vous dans cet hémicycle et qu'elle vous protège. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants République et Territoires et du groupe Les Républicains.)
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