Question de M. JOLY Patrice (Nièvre - SOCR) publiée le 24/05/2018
M. Patrice Joly attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les réponses à apporter aux inquiétudes de nos concitoyens, des éleveurs et des agriculteurs sur les négociations actuelles qui ont lieu entre l'Union européenne (UE) et le marché commun du Sud (Mercosur).
L'Accord économique et commercial global (CETA) est en application provisoire depuis le 21 septembre 2017, le temps qu'il soit ratifié par tous les parlements des États membres. En France, le projet de loi de ratification du traité commercial de l'UE avec le Canada ne sera pas déposé avant la fin de l'année 2018.
Ce projet consiste à faciliter l'exportation de produits agricoles du Mercosur vers l'Union européenne (UE). En retour, le Mercosur doit ouvrir le marché sud-américain aux voitures, produits pharmaceutiques, produits laitiers et vins européens et autoriser les sociétés de l'UE à répondre aux appels d'offres publics.
Plus précisément, une distorsion de concurrence à venir pour la filière de l'élevage, et la filière bovine en particulier, est à craindre. L'UE s'apprêterait en effet à autoriser l'importation d'une quantité allant entre 70 000 et 100 000 tonnes de viande bovine sud-américaine avec des droits de douane réduits, qui s'ajouteraient aux 240 000 tonnes que l'UE importe déjà du Mercosur (et des 65 000 tonnes prévues dans le cadre du CETA), cela représenterait la moitié de la production de viande de bœuf en Europe et aurait comme conséquence, selon certaines estimations, la disparition en France de 20 à 25 000 exploitations.
Au-delà de l'impact économique, les éleveurs et une partie de la population s'inquiètent des autorisations d'importation de produits qui pourraient être accordées à des pays dont les méthodes de production sont interdites en France et des conséquences que cela pourrait avoir en matière de sécurité alimentaire. Cela poserait des questions légitimes en termes de traçabilité, de qualité sanitaire et de prise en compte des normes environnementales européennes aujourd'hui appliquées en France et dans toute l'UE. Ces accords posent en effet la question de l'importation de produits issus de pays qui autorisent l'utilisation de farines animales, d'aliments génétiquement modifiés (OGM), d'antibiotiques activateurs de croissance ou d'additifs alimentaires interdits en UE.
Aussi, au regard des inquiétudes et craintes soulevées, il souhaite connaître ce que le Gouvernement français souhaite mettre en place dans les négociations pour préserver l'agriculture française, notre environnement et la qualité de l'alimentation de nos concitoyens.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 05/07/2018
L'Union européenne (UE) négocie actuellement un accord de libre-échange avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) avec un objectif affiché de conclusion en 2018. Les enjeux sont importants pour certaines filières agricoles françaises, notamment la filière bovine, compte tenu de la compétitivité des filières du Mercosur. Pleinement conscient de ces sensibilités, et en cohérence avec les objectifs des états généraux de l'alimentation, le Gouvernement est mobilisé pour assurer la défense des intérêts français et ainsi garantir la préservation du dynamisme économique des territoires. La France, soutenue par d'autres États membres, considère ainsi que la conclusion de l'accord UE/Mercosur est tributaire de l'équilibre entre l'ouverture du marché et la protection des filières sensibles agricoles dans la négociation, en particulier, le buf, l'éthanol, le sucre et les volailles. Concernant la viande bovine, l'UE a proposé à l'automne 2017 un contingent de 70 000 tonnes équivalent carcasse (tec). Face à la pression du Mercosur pour élever ce quota au-delà de 100 000 tec, la France demande que ce contingent soit le plus limité possible et ne s'écarte pas significativement de 70 000 tec. En cohérence avec les actions décidées dans le cadre du plan d'actionsur la mise en uvre de l'accord économique et commercial global (AEGC/CETA), le Gouvernement fait en outre valoir que les concessions tarifaires sur les produits sensibles doivent s'inscrire dans les limites d'une « enveloppe globale », permettant de définir ce qui est soutenable pour les filières au regard du marché, à l'échelle de l'ensemble des négociations en cours ou à venir (Australie, Nouvelle-Zélande, Chili ). Il se mobilise également pour que ces concessions tarifaires soient directement liées à des mesures permettant de rétablir des conditions de concurrence équitables entre les producteurs français et ceux des pays du Mercosur (mécanisme de sauvegarde et conditions liées aux modes de production). Concernant le volet sanitaire et phytosanitaire, des audits ont été réalisés au Brésil par les services de la Commission européenne en 2017 et 2018 pour évaluer la fiabilité de la certification des exportations vers l'UE. Le Gouvernement sera particulièrement vigilant pour que soit garantie la fiabilité du système sanitaire du Mercosur avant la conclusion de l'accord, en cohérence avec les conclusions de ces audits. En tout état de cause, l'ensemble des importations de viande en provenance du Mercosur devront se conformer aux normes sanitaires de l'UE. En outre, les viandes bovines issues d'animaux traités avec des hormones de croissance ou toute autre substance non autorisée dans l'UE comme facteur de croissance resteront strictement interdites. Il reste du travail à mener d'ici la conclusion de cette négociation, le Mercosur devra démontrer qu'il peut proposer à l'UE un accord protecteur de ses sensibilités et synonyme d'avancées pour les secteurs agricoles offensifs. Le Gouvernement sera attentif jusqu'à la conclusion pour préserver les intérêts des filières agricoles françaises.
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