Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SOCR) publiée le 29/03/2018
M. Didier Marie attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de réforme de la carte judiciaire. M. le Premier et la ministre de la justice ont présenté le 9 mars 2018 les grands axes de la réforme de la justice. Lancée à l'automne 2017, cette réforme a été construite autour de cinq priorités, parmi lesquelles l'organisation judiciaire. Ce point renvoie à la volonté du Gouvernement de modifier l'implantation des tribunaux sur le territoire français, dix ans après la dernière vaste modification de l'organisation territoriale de la justice initiée par l'ancienne garde des sceaux. Fondée sur les conclusions du rapport de MM. Raimbourg et Houillon, cette « adaptation du réseau des juridictions » devrait ainsi se traduire par la désignation, dans les régions administratives qui comptent plusieurs cours d'appel, comme la Normandie, d'une cour d'appel dotée d'un rôle de coordination et d'animation régionale et du pilotage de la gestion budgétaire. Est également prévue une spécialisation par compétences de chacune des cours d'appel. Dans le même temps, 307 tribunaux de proximité devraient être absorbés par les 164 juridictions de grande instance. Alors que la réforme de 2007 s'était traduite par la fermeture de nombreux tribunaux, le Premier ministre a assuré qu'aucune juridiction ne serait fermée ; cependant, l'éloignement des juridictions provoquera mécaniquement l'éloignement des professionnels de la justice entraînant, faute d'activité suffisante, la disparition des lieux de justice. Cette réforme aurait donc pour principale conséquence d'éloigner les citoyens de leur justice en créant des déserts judiciaires. Ce sont les droits fondamentaux du justiciable qui sont ici en ligne de mire. Une justice de qualité est une justice de proximité. Mettre fin à un système judiciaire conçu comme service public de proximité serait une régression dans l'accès au droit dont les premières victimes seraient nos concitoyens les plus précaires. Par extension, l'instauration de cette réforme aurait en outre des répercussions sur les droits fondamentaux du justiciable à disposer d'une défense adaptée. Comme cela a déjà été observé suite à la suppression de structures d'instance, l'éloignement des lieux de jugement entraîne en effet l'augmentation des coûts de la défense, au risque que le justiciable ne puisse les assumer, voire qu'ils ne soient pas du tout envisageables pour ceux qui doivent recourir à l'aide juridictionnelle ou la grande majorité de ceux qui se trouvent juste au-dessus du plafond. Nos concitoyens ont droit à un service public équitable. C'est en cela que la réforme de la carte judiciaire, telle qu'elle se dessine, semble aller à l'encontre même de son objectif affiché de « bâtir une justice efficace, rapide et accessible à tous sur l'ensemble du territoire » et de rétablir la confiance des citoyens dans notre justice. Il souhaite connaître ses intentions concernant le choix, entre Rouen et Caen, de la cour d'appel qui sera dotée d'un rôle de coordination et d'animation régionale et du pilotage de la gestion budgétaire ainsi que, d'autre part, les conséquences des fusions des tribunaux de proximité avec les juridictions de grande instance.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 20/09/2018
Le rapport ayant pour objet le « renforcement de l'efficacité de l'organisation judiciaire et adaptation du fonctionnement des juridictions » remis à Madame la Garde des Sceaux, ministre de la justice, contenait plusieurs pistes en vue d'arriver à cet objectif, dont une était d'instituer des cours d'appel de région et des cours d'appel territoriales. Cette proposition n'a cependant pas été retenue par le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice au regard de ses incidences considérables. L'option retenue dans le projet de loi présenté au Conseil des Ministres du 20 avril 2018 maintient toutes les cours d'appel existantes dans la plénitude de leurs compétences. Il prévoit cependant d'expérimenter sur un ressort pouvant s'étendre à plusieurs cours d'appel au sein d'une même région administrative une nouvelle forme d'organisation. Il s'agirait ainsi de confier des pouvoirs d'animation et de coordination aux chefs de cour du ressort élargi, désignés par décret, et de permettre la spécialisation de certaines de ces cours dans un ou plusieurs contentieux civils en vue d'harmoniser la réponse judiciaire. Cette expérimentation, si elle est votée, serait menée dans deux régions pour une durée de trois ans à compter de la publication de la loi. Cela permettra d'évaluer l'efficacité de ce dispositif. L'expérimentation de cours d'appel « de région » vise à limiter le nombre d'interlocuteurs judiciaires dans la conduite des politiques publiques impliquant l'intervention de l'institution judiciaire. Le ministère de la justice souhaite pouvoir mesurer si ce dispositif répond aux besoins exprimés par les services et administrations de l'État qui ont adapté leur organisation à la réforme territoriale des régions administratives. Les territoires, à partir des outils qui seront mis à leur disposition, pourront proposer une organisation plus efficace s'ils l'estiment nécessaire. Ainsi, en spécialisant les cours d'appel sur certains contentieux, seront assurées une meilleure harmonisation des jurisprudences et une plus grande rapidité du traitement des contentieux au bénéfice des justiciables. Aucune décision n'a été arrêtée à ce jour quant au choix des cours d'appel qui seraient retenues pour mettre en uvre l'expérimentation prévue à l'article 54 du projet de loi.
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