Question de Mme FILLEUL Martine (Nord - SOCR) publiée le 08/03/2018

Mme Martine Filleul interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme à venir de la carte judiciaire et ses conséquences, en particulier dans le Nord.

En effet, dans ce cadre, il est notamment envisagé la création de tribunaux départementaux qui concentreront les procédures. Le Nord, département le plus peuplé, qui compte actuellement six tribunaux de grande instance (TGI), n'en comporterait que deux, un nombre très insuffisant au regard du nombre d'habitants. Les autres tribunaux deviendraient des tribunaux de proximité qui traiteraient les contentieux mineurs, au risque de voir diminuer drastiquement voire disparaitre certaines de leurs activités, les vidant en somme de leur substance. Ceux d'Avesnes-sur-Helpe, de Cambrai ou de Dunkerque, par exemple, sont, à ce titre, menacés pour tendre vers une concentration des affaires à Lille. Douai est également concernée, alors même qu'elle compte dans son arrondissement 250 000 habitants, une cour d'appel, une cour administrative d'appel, une faculté de droit ainsi qu'un barreau de cent avocats.

Le regroupement à Lille ne sera pas sans poser de nombreuses difficultés de fonctionnement, notamment pour les magistrats qui craignent de ne pouvoir travailler ensemble de manière efficace à plus de cent. De surcroît, ce scénario pourrait engendrer une augmentation de la dépense publique compte tenu du coût de l'immobilier plus élevé au sein de la métropole que dans les villes moyennes considérées et constituerait, pour ces dernières, un coup dur pour l'ensemble de leur tissu économique, alors que le Gouvernement annonce vouloir les revitaliser.

Aussi, cette refonte ne fera qu'éloigner les justiciables de leurs juges, de leurs prétoires, aggravant l'inégalité des uns et des autres devant la justice, favorisant le renoncement des citoyens à engager des procédures ou à comparaître faute de pouvoir se rendre au futur tribunal départemental, dans les grandes villes. Le travail des avocats sera par ailleurs alourdi par des déplacements réguliers en raison des spécialisations affectées à tel ou tel tribunal.

Aussi souhaiterait-elle attirer son attention sur les effets néfastes de cette réforme mais aussi savoir quelles sont les mesures envisagées dans le Nord pour garantir l'égal accès de tous devant la justice ainsi que la cohésion et l'équité entre les territoires.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 08/11/2018

Le projet de loi de programmation et de réforme de la justice a suscité beaucoup d'interrogations, s'agissant notamment du chantier relatif à l'adaptation du réseau des juridictions. Le rapport consacré à ce sujet, rendu à l'issue des « Chantiers de la Justice », préconisait un certain nombre de mesures. La garde des sceaux, ministre de la justice, a pris la décision de ne pas suivre un certain nombre d'entre elles. Ainsi, contrairement aux choix opérés par de précédents gouvernements, il a notamment été décidé de ne fermer aucune juridiction, de ne pas desserrer le maillage judiciaire existant et de n'affaiblir aucun site judiciaire. Le statu quo n'apparaissait pas acceptable pour autant. Il a donc été décidé de proposer au Parlement une évolution centrée non pas sur des directives venues de Paris mais fondée sur des propositions émanant du terrain. Cette évolution sera articulée autour de grands principes : rendre plus lisible l'organisation des juridictions en proposant une fusion administrative des tribunaux d'instance (TI) et de grande instance (TGI) ; rendre une justice plus efficace en offrant aux juridictions la possibilité de spécialiser des contentieux techniques et de faible volume ; rendre possibles des évolutions pour les cours d'appel dans deux régions expérimentales. La fusion des TGI et TI répond à un souci de simplification des procédures. La répartition des contentieux entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance est aujourd'hui complexe et peu lisible pour le justiciable. Ce dernier ne devrait pas avoir à se demander s'il doit saisir le TI ou le TGI suivant la nature de son litige. Cette interrogation aura d'autant moins de pertinence que le projet de loi prévoit que le justiciable saisira désormais le tribunal par un formulaire unique de requête introductive d'instance. Cette fusion simplifiera la gestion des contentieux pour le justiciable et aura des conséquences positives pour les chefs de juridiction qui disposeront de plus de souplesse pour gérer leurs ressources humaines. Cependant, aucun lieu de justice ne sera fermé. Ainsi, dans les villes où il existe actuellement un tribunal d'instance isolé, celui-ci sera maintenu et ses compétences actuelles seront préservées par décret. Organiquement rattaché à un tribunal de grande instance, il conservera sa dénomination et continuera à juger les contentieux du quotidien identiques à ceux d'aujourd'hui. Les magistrats et fonctionnaires continueront à y être précisément affectés. Il n'y aura donc aucun recul de la justice de proximité. L'article 53 du projet de loi prévoit même que les chefs de cour pourront attribuer au tribunal d'instance des compétences supplémentaires, après avis du président du tribunal de grande instance et du procureur de la République, si cela correspond à un réel besoin des justiciables. En ce sens le maillage juridictionnel national sera maintenu et les contentieux continueront à être jugés dans des conditions rendues encore plus favorables qu'actuellement. Les tribunaux de grande instance ne seront aucunement affectés, conservant leurs présidents et leurs procureurs de la République. Si des projets de spécialisation et de répartition des contentieux très techniques et de faible volume entre ces tribunaux sont proposés par les chefs de cours, ils seront étudiés dans la perspective d'une meilleure efficacité de la justice. Le projet qui sera présenté au Parlement ne vise donc aucunement à mettre en cause la justice de proximité puisqu'aucun site juridictionnel ne sera affaibli. Bien au contraire, l'objectif visé est que, à partir des outils qui seront mis à leur disposition, les territoires puissent, s'ils l'estiment nécessaire, proposer une organisation plus efficace du traitement des contentieux.

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