Question de Mme PEROL-DUMONT Marie-Françoise (Haute-Vienne - SOCR) publiée le 01/03/2018
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'état des lieux établi en octobre 2017 par un panel d'experts internationaux sur la progression inquiétante de la malnutrition et ses conséquences sur le développement humain mondial.
Chacun des 140 pays étudiés connaît au moins une manifestation de malnutrition : retard de croissance chez l'enfant, anémie chez la femme en âge de procréer, surpoids chez l'adulte. Ce sont 88 % de ces pays qui sont touchés par plusieurs facteurs simultanés.
Les chiffres sont éloquents : sur une population de 7 milliards d'êtres humains, 1,9 milliard d'adultes sont en surpoids ou obèses (32 % d'hommes, 40 % de femmes), de même que 41 millions d'enfants de moins de 5 ans. À l'opposé, 155 millions d'enfants de moins de 5 ans, notamment en Afrique et en Asie, présentent un retard de croissance et 52 millions sont dans un état de maigreur extrême. D'après les données de l'organisation des Nations unies et des pays étudiés, une personne sur trois souffrirait de malnutrition aujourd'hui dans le monde.
Plus inquiétant, la tendance s'aggrave : 815 millions de personnes ne mangent pas chaque jour à leur faim, contre 777 millions en 2015. En outre, l'insécurité alimentaire est particulièrement préoccupante pour 38 millions d'entre elles, au Nigeria, en Somalie, au Soudan du Sud, au Yémen, en Éthiopie et au Kenya, souvent en raison de violents conflits armés.
Le rapport insiste sur les conséquences de cette situation sur l'économie et le développement humain. En effet, une bonne nutrition est corrélée à la hausse du produit intérieur brut (PIB) et soutient le développement économique : les enfants ne souffrant pas de malnutrition ont 33 % de chances en plus d'échapper à la pauvreté une fois adultes. Une bonne alimentation développe les capacités cognitives, ce qui permet de meilleures performances scolaires et au final un meilleur accès au marché du travail.
Une meilleure alimentation garantit également une meilleure santé à long terme, donc une charge moindre pour les systèmes de santé des différents pays (moins de maladies chroniques et de cancers).
Les experts indiquent un certain nombre de pistes pour enrayer ce phénomène : production alimentaire durable, réduction du gaspillage alimentaire notamment en améliorant les infrastructures de distribution, lutte contre la pauvreté ou réduction des conflits et des catastrophes, développement des accès à l'eau potable, soutien d'une agriculture familiale, éducation nutritionnelle pour lutter notamment contre l'obésité.
La principale difficulté réside dans le financement de ces mesures et surtout leur suivi. En 2015, 867 millions de dollars ont été alloués à la nutrition, contre les 70 milliards que les experts estiment nécessaires sur dix ans.
Elle lui demande donc son opinion sur ce rapport et les problématiques soulevées, et comment il entend y répondre.
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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 10/01/2019
Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères reste mobilisé par la réalisation de l'objectif de développement durable n° 2 qui vise à éradiquer la malnutrition et à mobiliser les moyens pour faire reculer la faim dans le monde. Le rapport 2018 sur « l'état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde » met en lumière une situation alarmante : pour la troisième année consécutive, la faim dans le monde a progressé. Le nombre absolu de personnes sous-alimentées, c'est à dire celles souffrant d'une carence alimentaire chronique, est passé à près de 821 millions en 2017, contre environ 804 millions en 2016, retrouvant ainsi des niveaux d'il y a presque dix ans. La France a pris depuis plusieurs années la mesure des enjeux et a défini la nutrition comme une priorité de son aide au développement en 2014 (LOP-DSI). Pour traduire cet engagement, une feuille de route pour l'action de la France en nutrition à l'international a été développée. De plus, la France uvre en faveur d'une stratégie française pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l'agriculture durable 2019-2024. Ces deux documents stratégiques traduisent l'approche française multisectorielle des problématiques de sécurité alimentaire. L'aide alimentaire programmée de la France se place dans cette approche, en promouvant des projets renforçant la résilience des populations vulnérables de même que leurs moyens de production et en agissant sur la malnutrition. En 2018, la France a alloué 33,5 millions d'euros dans le cadre de l'aide alimentaire programmée. Cet outil permet à la France de déployer des appuis en faveur de la résilience des populations, que ce soit dans des contextes d'urgence ou d'insécurité alimentaire chronique (régions fortement touchées par les aléas climatiques, comme le Sahel ou la Corne de l'Afrique, ou bien contextes de crises prolongée, par exemple dans les pays riverains de la Syrie). Les achats d'aliments sur les marchés locaux ou régionaux sont encouragés, en cohérence avec la stratégie de l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM). Ce mode d'action est essentiel pour les populations vulnérables, et permet, en parallèle de la fourniture d'aide alimentaire par des moyens innovants, une reprise de l'activité locale de production et de commercialisation, maintenant et même créant des emplois. L'Afrique, la zone de la crise syrienne et le Yémen sont les régions qui concentrent principalement cette aide. Les moyens de l'aide alimentaire programmée vont se renforcer, avec une allocation prévue de 38 millions d'euros en 2019. L'agence française de développement (AFD) contribue aussi à l'action de la France dans ce domaine en mobilisant d'importants financements en faveur de la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne notamment.
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