Question de Mme LABORDE Françoise (Haute-Garonne - RDSE) publiée le 22/03/2018
Mme Françoise Laborde attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'inquiétude des élus locaux concernant les risques pour la santé encourus par les usagers de terrains de sport synthétiques. En effet, ils sont interpellés par leurs concitoyens sur l'impact nocif de ces matériaux, avéré par un faisceau d'indices scientifiques concordants. Le principe de précaution s'impose dans l'attente des conclusions d'un rapport de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) qui doit être publié en juin 2018. C'est pourquoi elle lui demande de mettre en place un fonds d'urgence pour aider les collectivités territoriales à engager les travaux de mise en sécurité qui s'imposent, par exemple, par encapsulement de ces matériaux.
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Transmise au Ministère des solidarités et de la santé
Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 23/05/2018
Réponse apportée en séance publique le 22/05/2018
Mme Françoise Laborde. Madame la secrétaire d'État, ma question a trait aux menaces sur la santé publique et aux problématiques suscitées par la dangerosité des terrains de sport synthétiques.
Depuis le mois de novembre, les médias se font l'écho de risques sérieux pour la santé des usagers de ces gazons artificiels. Des milliers de stades, qui appartiennent le plus souvent aux communes, sont couverts d'une très grande quantité de granulats issus du recyclage de pneus broyés. Ces substances seraient, selon plusieurs études récentes, fortement nocives à la fois pour la santé, du fait de la présence de composés hautement cancérogènes, et pour l'environnement.
Des solutions existent, telles que l'aspiration des billes et le remplacement par des matériaux naturels, ou encore l'encapsulement par résine, mais elles présentent un coût élevé.
En outre, de nombreux terrains sont en commande ou en cours d'installation, et le simple report envisagé par certains élus entraîne lui aussi des frais colossaux.
Interpellée par plusieurs parlementaires, Mme la ministre des sports a répondu en des termes ambigus, pointant à la fois des études rassurantes et des incertitudes, avec pour conséquence la saisine par six ministères de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. L'ANSES devrait rendre très prochainement ses premiers résultats.
Selon les données invoquées, qui ont d'ailleurs été très largement contredites, les risques pour la santé seraient négligeables, du fait d'un seuil de toxicité en accord avec les normes européennes. Or c'est précisément le problème : comme l'ont souligné des chercheurs néerlandais, le règlement européen, bâti en fonction d'un usage normal des pneus automobiles, se révèle tout à fait inadapté s'agissant de ces granulats broyés. En effet, l'exposition aux matériaux toxiques et les sources de contact sont démultipliées pour les personnes : frottements, respiration des émanations, ingestion.
En vertu du principe de précaution, il ne faut pas, en présence d'un risque de dommages graves et irréversibles, que l'absence de certitude scientifique absolue serve de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives.
C'est pourquoi je demande au Gouvernement de mettre en place un fonds d'urgence à destination des collectivités territoriales, afin de les aider à engager des travaux de mise en sécurité de leurs équipements, à reporter leurs marchés publics dans l'attente des conclusions de l'ANSES et à communiquer sur les risques courus.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Françoise Laborde, je vous réponds en lieu et place de ma collègue ministre des solidarités et de la santé, qui s'excuse de ne pouvoir être présente ici ce matin.
Comme vous l'avez souligné, madame la sénatrice, les terrains synthétiques à usage sportif à base de caoutchouc se sont considérablement développés en France à partir des années quatre-vingt-dix. En novembre dernier, à la suite d'un article publié par le magazine So Foot, plusieurs médias se sont interrogés sur les conséquences potentielles de ce type de revêtements sur la santé des utilisateurs.
Ces terrains synthétiques soulèvent des interrogations quant à leurs effets sur la santé et l'environnement en raison de substances dangereuses potentiellement présentes dans des granulés, en particulier dans le cadre de leur utilisation comme terrain de sport ou aire de jeux pour enfants.
L'Agence européenne des produits chimiques, l'ECHA, a conclu à un faible niveau de préoccupation, au vu des concentrations d'hydrocarbures aromatiques polycycliques. Il faut toutefois remarquer que les limites de concentration prévues par le règlement REACH ne sont pas spécifiques à un usage pour des terrains synthétiques, ce qui soulève, il est vrai, des incertitudes.
Face aux préoccupations des pratiquants et des communes, principaux propriétaires de terrains de grands jeux dans notre pays, les ministères de la transition écologique et solidaire, des solidarités et de la santé, de l'économie et des finances, du travail, de l'agriculture et de l'alimentation, et des sports, ont saisi l'ANSES le 21 février dernier.
Dans un premier temps, l'ANSES fera part de son analyse sur les données et études disponibles, ainsi que sur les préoccupations qui pourraient en résulter. La publication de ce premier travail est attendue pour la fin du mois de juin.
Dans un second temps, l'Agence devra compléter son analyse en identifiant et en hiérarchisant les besoins de connaissances supplémentaires qui pourraient justifier une évaluation des risques pour la santé et l'environnement à plus long terme.
Nous ne manquerons pas, madame la sénatrice, de vous communiquer les résultats de ces travaux.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Je vous remercie pour votre réponse, madame la secrétaire d'État, mais je me permets d'insister, parce que je ne voudrais pas que, dans quelques années, on nous accuse, on vous accuse, d'avoir laissé passer un risque sanitaire et environnemental majeur cancers, asthme et autres pathologies respiratoires, mais aussi diffusion dans l'atmosphère dont nous découvrirons sûrement rapidement les effets.
Je voudrais aussi que le soutien du Gouvernement aux élus soit sans faille, avec une aide financière, bien sûr, mais également s'agissant de la conduite à tenir. Vous le savez, chaque élu gère au mieux dans sa commune, selon son propre intérêt sur la question, mais aussi selon ses moyens financiers et les remontées des usagers parents, professeurs, ou associations, de futsal, par exemple.
Enverrez-vous des instructions claires aux communes, en interdisant l'installation de nouveaux terrains à base de billes de pneus, comme l'ont fait la Suède ou deux grandes villes telles qu'Amsterdam et New York, qui appliquent le principe de précaution en attendant des normes plus sévères en la matière ?
Vous n'ignorez pas, madame la secrétaire d'État, qu'il faut des années pour changer la réglementation. Même si l'installation de ces terrains partait d'une bonne idée le recyclage des pneus , nous devons être très attentifs et, peut-être, stopper momentanément la filière, faute de disposer de toutes les études épidémiologiques.
Je vous remercie en tout cas d'avoir répondu à cette question transversale : dans la mesure où elle touche également votre secrétariat d'État, je suppose que vous y serez très attentive.
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