Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRCE) publiée le 14/03/2018
Question posée en séance publique le 13/03/2018
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au terme de cinquante jours d'offensives et de crimes commis en territoire syrien contre le peuple kurde, l'armée turque a déclenché depuis samedi un bombardement intensif de la ville d'Afrine. Au sol, les troupes turques et les forces de Daech repoussées vers le nord de la Syrie convergent pour faire tomber la ville. Tous s'apprêtent à commettre une tuerie irréparable, un massacre contre la population d'Afrine et les civils innocents qui y vivent.
Erdogan vise le nettoyage ethnique de la ville. Au-delà, tous les observateurs l'admettent, et il le revendique d'ailleurs ouvertement, il poussera plus loin ses prétentions de domination régionale, jusqu'à Kobané et en Irak. Erdogan vise aussi à Afrine la remise sur pied d'une nouvelle base arrière de groupes criminels djihadistes, pour qu'ils reprennent leurs agissements terroristes. Les peuples kurdes et ceux de la région, comme nous-mêmes, en paieraient de nouveau le prix très cher.
La cause des Kurdes est donc une nouvelle fois la nôtre. Il y a urgence à stopper Erdogan. C'est une affaire d'heures et de jours. La France doit réagir énergiquement et cesser ses ambiguïtés, au nom de l'appartenance de la Turquie à l'OTAN ou en endossant les discours du dictateur d'Ankara au sujet des prétendues menaces pesant sur la sécurité des frontières turques.
Quelles actions la France compte-t-elle entreprendre, par ses propres moyens, avec ses alliés de l'Union européenne et au Conseil de sécurité de l'ONU, pour interdire le survol d'Afrine par l'aviation turque et exiger que les troupes d'Ankara quittent la Syrie ?
Il est encore temps d'arrêter la folie meurtrière d'Erdogan et de sauver Afrine. Nous demandons au Gouvernement d'agir, et d'agir vite. (Applaudissements nourris.)
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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 14/03/2018
Réponse apportée en séance publique le 13/03/2018
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, l'opération que conduit la Turquie depuis maintenant cinquante jours dans le canton d'Afrine atteint un stade grave et critique, vous l'avez souligné. Plusieurs centaines de milliers de civils, dont beaucoup sont déjà des déplacés, attendent, privés d'eau et d'électricité, un assaut que les Turcs présentent comme imminent. Cela signifie des combats de rue, dont les populations paieront inévitablement le prix.
Je voudrais faire quatre remarques à ce sujet.
Premièrement, le souci de protection des frontières, aussi légitime soit-il, ne peut en aucun cas justifier des opérations militaires aboutissant à des actions contre une population civile.
Deuxièmement, la lutte contre Daech est la première raison de notre engagement militaire au Levant, et c'est une priorité de sécurité nationale. Nous craignons que l'action de la Turquie n'aboutisse à affaiblir la pression contre cette organisation, en raison du déplacement des moyens vers le nord-est de la Syrie.
Troisièmement, la résolution 2401 du Conseil de sécurité, en faveur de laquelle la France a beaucoup uvré et à propos de laquelle elle est tout à fait déterminée, s'applique à toute la Syrie, et non pas uniquement à la Ghouta orientale. Elle s'applique donc à Afrine et à Idlib. Il importe par conséquent que la Turquie, pays membre de l'Alliance, respecte ce qui est désormais, depuis l'adoption de cette résolution, le droit international.
M. Martial Bourquin. Elle ne le fait pas !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Quatrièmement, la France veille au respect de cette résolution, avec ses alliés, avec l'Union européenne, en mobilisant l'opinion internationale sur ce sujet : la trêve doit être respectée par tout le monde, y compris par les Turcs !
Enfin, nous avons, je l'ai déjà dit publiquement à plusieurs reprises, une relation particulière et ancienne avec les Kurdes et leurs alliés arabes, réunis au sein des forces démocratiques syriennes dans le nord-est de la Syrie.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous sommes tout à fait conscients du rôle important qu'ils ont joué dans la campagne contre Daech et dans la reprise de Raqqa. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
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