Question de M. MOHAMED SOILIHI Thani (Mayotte - LaREM) publiée le 09/03/2018
Question posée en séance publique le 08/03/2018
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le Premier ministre, voilà plus de trois semaines que la population de Mayotte, lasse des violences au quotidien, manifeste contre l'insécurité, bloque les routes. Les fonctionnaires et les transporteurs exercent leur droit de retrait. Les services municipaux et départementaux sont fermés, en solidarité.
La journée d'hier a été marquée par une forte mobilisation populaire.
Il ne s'agit pas seulement des caillassages dont sont victimes les lycéens, des agressions sur les routes, dans les villages et les maisons, ni de l'insuffisance de la réponse pénale.
Les violences, c'est aussi l'embolie du système éducatif ; ce sont, dans un contexte de forte pression migratoire, les difficultés considérables d'accès aux soins, le manque de logements décents, la faiblesse des infrastructures, l'absence des services et de l'encadrement qui existent partout ailleurs en France.
La maternité de Mamoudzou est celle qui enregistre le plus de naissances en France. Quel avenir les parents qui ont défilé en si grand nombre hier peuvent-ils offrir à leurs enfants sur un territoire où la moitié de la population a moins de dix-huit ans ?
Des premières mesures ont été annoncées, dont le renforcement des forces de l'ordre, la création d'une brigade de prévention de la délinquance juvénile et un plan de sécurisation des établissements et des transports scolaires.
Mme la ministre des outre-mer a affirmé avec justesse que la seule réponse sécuritaire ne suffisait plus et propose la tenue d'une conférence pour l'avenir de Mayotte, après les résultats des assises. Vous comprendrez bien que la population ne puisse pas attendre jusque-là, car les besoins sont connus et appellent des mesures urgentes, globales et concrètes.
Tiendrez-vous compte des propositions adressées au Président de la République par l'ensemble des forces vives du département, qui appellent unanimement à un plan de développement ambitieux ?
Monsieur le Premier ministre, le groupe La République En Marche et les sénateurs mahorais, en cette journée particulière où, dans mon département, on se souvient de la lutte des chatouilleuses pour le choix de la France, vous le demandent solennellement : que répondez-vous à ceux qui pensent que la République a abandonné Mayotte ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 09/03/2018
Réponse apportée en séance publique le 08/03/2018
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Mohamed Soilihi, les Mahorais font entendre leur colère : ils sont inquiets pour leur sécurité, en premier lieu pour celle de leurs enfants, pour la sécurité dans les écoles.
Ils attendent des réponses. La première consiste évidemment à sécuriser les écoles, dès la rentrée de lundi prochain.
Toutes les dispositions ont été prises pour qu'aucun élève, aucun enseignant ni aucun agent travaillant dans les établissements ne soit menacé : trois escadrons de gendarmerie mobile sont en cours de déploiement sur l'île, ainsi que des agents de sécurité et des médiateurs de l'éducation nationale ; des forces supplémentaires arriveront mardi. Avec Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur, nous avons prévu une mobilisation totale des forces de l'ordre.
Cela n'est toutefois pas suffisant vous avez raison. Il faut aller plus loin, car nos compatriotes attendent des réponses à la fois urgentes et rapides en matière de sécurité, mais aussi de lutte contre l'immigration clandestine, de santé, de logement et de transport.
Des réponses rapides et urgentes, monsieur le sénateur, à des problèmes qui ne sont pas récents. Je me suis procuré les chiffres, que j'ignorais, de l'explosion démographique que connaît Mayotte. Probablement trop méconnus, ils soulignent très clairement la difficulté considérable que nous avons à être à la hauteur de ces enjeux.
Ces chiffres, monsieur le sénateur, vous les connaissez bien, mais permettez-moi d'en mentionner quelques-uns pour l'ensemble de la représentation nationale : en 1918, voilà un siècle, Mayotte comptait un peu moins de 15 000 habitants ; en 1958, à l'avènement de la Ve République, l'île en comptait légèrement plus de 67 000 ; en 2002, 160 000, en 2007, 186 000 et en 2012, 212 000 ; en 2017, il y avait 254 000 habitants à Mayotte.
La vérité, monsieur le sénateur, vous la connaissez parfaitement, pour la vivre : l'explosion démographique à Mayotte, sous l'effet à la fois de l'augmentation du solde naturel et de l'immigration clandestine, est absolument considérable et tout à fait sans équivalent. En termes d'équipements publics, elle impose un effort véritablement inouï.
Je ne veux pas dire, monsieur le sénateur, que rien ne pourrait être fait ; simplement, je crois utile de rappeler que le mécontentement qui s'exprime aujourd'hui, et qui doit être entendu, parce qu'il est légitime, ne naît pas d'une situation récente, mais de la construction d'une situation qui donne le sentiment de ne plus être maîtrisable.
Comment nous proposons-nous d'y apporter des réponses ? En travaillant avec les élus sur l'organisation institutionnelle et l'organisation des politiques publiques qui permettent de définir des solutions.
Nous voyons bien la question, que vous avez mentionnée, de la maternité, qui enregistre plus de 10 000 naissances par an, soit deux fois plus que la plus grande maternité parisienne. Comment traiter cette question ? Doit-on s'autoriser à travailler sur un nouveau statut de cette maternité ? Réfléchir aux transformations qu'il faudrait opérer en matière de droit et d'accès à la nationalité à cet endroit ?
M. Christian Cambon. Voilà !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je mets tout sur la table, monsieur le sénateur, mais je veux dire que les appels au « décasage », non plus que les barrières ou les barrages qui seraient installés sur les routes, n'apporteront rien aux habitants de Mayotte (M. Guillaume Arnell s'exclame.) : ils ne permettront rien !
Notre objectif est de travailler avec les élus, et Mme la ministre des outre-mer se rendra sur place pour installer la conférence que nous voulons lancer avec eux. Il nous faudra formuler des propositions en assumant les difficultés spécifiques auxquelles est confronté ce cent unième département français.
Pour terminer, monsieur le sénateur, je voudrais dire un mot en réponse aux élus, aux maires, que j'ai entendus exprimer leur intention de ne pas participer à l'organisation des élections législatives, dont la date a été fixée. Je ne crois pas une seconde que des maires, des élus de la République, puissent entrer dans un jeu consistant à ne pas participer à l'organisation d'un scrutin national. L'État prendra toutes ses responsabilités, car il n'est pas envisageable que des élections législatives ne se tiennent pas à la date prévue ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur quelques travées du groupe Union Centriste. M. Robert del Picchia applaudit également.)
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