Question de Mme GUIDEZ Jocelyne (Essonne - UC) publiée le 09/03/2018
Question posée en séance publique le 08/03/2018
Mme Jocelyne Guidez. Madame la garde des sceaux, en cette Journée internationale de la femme,
Mme Éliane Assassi. C'est la Journée internationale des droits des femmes !
Mme Jocelyne Guidez.
je veux appeler votre attention sur une population souvent oubliée et parfois abandonnée : les femmes incarcérées. Au 1er janvier 2018, nous en comptions près de 3 000.
Dans un premier temps, je tiens à saluer la décision visant à installer, au mois de septembre prochain, une crèche pour accueillir les bébés à Fleury-Mérogis. Cette mesure de bon sens mérite d'être généralisée.
Cependant, comme un arbre qui cache la forêt, cette bonne nouvelle masque une situation plus contrastée. Les défis à relever sont encore immenses, en particulier pour ce qui concerne les conditions de détention des femmes.
En effet, dans certains établissements, notamment à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, un accès limité et non quotidien aux douches est à déplorer, tandis que les hommes ont des douches à leur disposition dans leur cellule. Cette triste réalité conduit le personnel soignant à prescrire des « douches médicales ». Cette inégalité de fait est inacceptable.
Par ailleurs, d'autres difficultés sont à souligner : les faibles activités proposées, qui sont souvent limitées aux seules activités ménagères ; la localisation géographique des établissements, complexifiant ainsi le maintien des liens familiaux ; sans oublier l'accès aux soins, notamment les soins gynécologiques.
Comme l'a si bien rappelé la Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans son avis du 25 janvier 2016, « le principe d'égalité entre les hommes et les femmes doit s'appliquer dans l'intégralité de la société, celle du dehors comme celle du dedans, et les personnes privées de liberté doivent également en bénéficier sans restriction ».
Mes chers collègues, il y a donc urgence !
En conclusion, les exigences en matière d'égalité et de respect de la dignité humaine ne peuvent nous laisser insensibles.
Madame la garde des sceaux, comment le Gouvernement entend-il pallier ces injustices ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur quelques travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 09/03/2018
Réponse apportée en séance publique le 08/03/2018
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, il m'est difficile de répondre à votre question sans penser à Olympe de Gouges et à sa déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Au fond, si, aujourd'hui, nous parlons ici, vous, moi-même et tant d'autres, c'est aussi parce qu'elle a dit : « La femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune ». Mais je pense plus précisément à elle parce qu'elle a également explicité dans cette même déclaration que la rigueur de la loi pénale devait s'appliquer de la même manière aux hommes et aux femmes ; c'est une autre version du principe d'égalité.
Or la question que vous soulevez a précisément à voir avec ce principe d'égalité. Aujourd'hui, vous le savez, les femmes sont certes évidemment moins nombreuses que les hommes en détention 3 000, avez-vous dit, sur 70 000 détenus, mais ce chiffre s'accroît constamment. Nous leur devons à la fois la dignité, le suivi du parcours de détention et la sécurité, bien sûr, pour la société, comme à tout détenu.
Nous héritons d'une situation que nous devons prendre en charge et à laquelle nous devons bien entendu trouver des réponses.
Cette situation est de nature immobilière. Vous l'avez relevé, à juste titre, les quartiers des femmes sont souvent situés dans des endroits vétustes c'est aussi certes le cas pour les hommes, mais cela vaut particulièrement pour les femmes. Nous devons donc améliorer cet état de fait.
Par ailleurs, nous devons prendre en charge les questions spécifiques aux femmes, c'est-à-dire assurer le suivi, lorsque cela s'avère nécessaire, en période d'accouchement, puis dans les cellules mères-enfants le temps où les enfants leur sont laissés et nous préoccuper, enfin, du lien avec la famille bien entendu et de la réinsertion. Il convient donc d'opérer des évolutions majeures ; nous le savons et nous les prendrons en charge, dans le cadre de la réponse apportée il y a deux jours par le Président de la République à Agen.
Nous apporterons des réponses de nature immobilière. Je puis d'ores et déjà vous indiquer que, dans le nouvel établissement pénitentiaire qui ouvrira en 2020 à Lutterbach, un lieu sera réservé aux femmes, avec des conditions d'accueil tout à fait décentes.
Mme la présidente. Merci, madame la garde des sceaux !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous multiplierons ce type de réponses sur l'ensemble du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur plusieurs travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. M. Loïc Hervé applaudit également.)
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