Question de M. DURAIN Jérôme (Saône-et-Loire - SOCR) publiée le 15/02/2018
M. Jérôme Durain attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur le financement des petits projets des communes sur le territoire et particulièrement en Saône-et-Loire. Le Gouvernement a proposé au Parlement la suppression de la réserve parlementaire dans le cadre de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.
Si la suppression de la réserve parlementaire pouvait se justifier par certaines dérives clientéliste observées par le passé, de nombreux parlementaires ont alerté très tôt sur la nécessité de prévoir un mode de financement pouvant s'y substituer afin de ne pas pénaliser l'investissement des petites communes. Le Gouvernement avait évoqué la création d'un « fonds d'action pour les territoires ruraux et les projets d'intérêt général ».
Pourtant, de nombreux maires témoignent aujourd'hui des difficultés qu'ils rencontrent lorsqu'ils souhaitent obtenir des financements pour des projets d'échelle modeste. En Saône-et-Loire, quand les réserves parlementaires permettaient de financer une variété de projets pour des montants très divers (à partir de 1 000 euros), l'État précise dans les conditions permettant de déposer une demande de dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) que « pour éviter l'attribution d'aides à de trop petites opérations, le montant minimum de subvention susceptible d'être accordé est fixé à 5 000 euros ». Ce seuil peut être justifié par les montants alloués à la DETR, tant que les financements auparavant dédiés à la réserve parlementaire ne sont pas réattribués.
Il lui demande donc de lui indiquer quelles solutions sont envisagées pour permettre le financement de projets auparavant éligibles à la réserve parlementaire.
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 07/03/2018
Réponse apportée en séance publique le 06/03/2018
M. Jérôme Durain. Madame la ministre, le 15 septembre dernier, dans le cadre de l'examen de la loi organique pour la confiance dans la vie politique, le Parlement a voté la fin de la réserve parlementaire. Celle-ci permettait aux élus d'apporter une aide financière à leur territoire d'élection afin de financer des projets d'utilité publique, nécessaires à la vie des territoires.
La suppression de la réserve parlementaire se justifiait par des raisons de forme, notamment l'opacité, le manque de transparence, le soupçon de clientélisme. Toutefois, le Gouvernement devait renouveler la manière dont serait assuré le soutien aux projets des petites communes dans les territoires. Alors, quand, en Saône-et-Loire, département dont je suis l'élu, nous avons appris que le dispositif de 2018 de la dotation d'équipement des territoires ruraux, la DETR, prévoyait de ne plus financer les projets de petite envergure, c'est-à-dire inférieurs à 5 000 euros, nous avons été surpris et interpellés à nombreuses reprises !
Cette problématique touche d'ailleurs plusieurs départements et je crois, madame la ministre, que des sénateurs d'autres groupes vous interrogeront à ce propos ce matin. De nombreux maires témoignent aujourd'hui des difficultés qu'ils rencontrent lorsqu'ils souhaitent obtenir des financements pour des projets d'échelle modeste.
Si les fonds qui étaient auparavant octroyés à la réserve parlementaire ne sont pas accessibles via la DETR pour financer des projets, les petites communes ne pourront plus faire face aux demandes des citoyens et devront ainsi délaisser des projets essentiels et attendus de leurs habitants. Si l'on ajoute les suppressions de classes dans les territoires ruraux et les inquiétudes qui pèsent sur les petites lignes ferroviaires, vous comprendrez, madame la ministre, qu'une certaine France attend des engagements clairs de la part du Gouvernement.
Convaincu que vous êtes personnellement consciente des enjeux de cette France rurale, j'aimerais savoir comment vous allez répondre aux attentes de ces maires, qui ont déjà proposé des solutions d'assouplissement, comme le passage du seuil de financement de 5 000 euros à 3 000 euros, la création d'une enveloppe spécifique aux petits projets ou encore une augmentation du taux de subvention pour les projets des communes en dessous d'un seuil de population qui serait à définir.
Je n'aborde pas ici la question des subventions destinées aux associations, qui ont été supprimées, elles aussi par souci de lutter contre le clientélisme, pratique critiquable qui pourrait bien revenir à travers les dispositifs privés que semblent mettre en place certains députés de La République En Marche.
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, que je salue.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Jérôme Durain, vous avez raison de rappeler que la loi organique pour la confiance dans la vie politique a supprimé la réserve parlementaire. Pour que cela ne fragilise pas les projets des petites communes rurales, le Gouvernement avait pris un engagement très clair sur ce point : les crédits auparavant dédiés à la réserve parlementaire s'inscriraient désormais dans le cadre du droit commun des dotations d'investissement.
Le Gouvernement a sécurisé le montant des dotations d'investissement sur le quinquennat à un niveau exceptionnel : les trois dotations principales d'investissement dotation de soutien à l'investissement local, ou DSIL, dotation d'équipement des territoires ruraux, ou DETR, et dotation politique de la ville, ou DPV s'élèveront à 1,811 milliard d'euros en 2018. Je vous rappelle que ce montant est supérieur à celui des années précédentes et sera sécurisé dans les années à venir. Au total, près de 8,9 milliards d'euros seront consacrés au soutien à l'investissement local sur la durée du quinquennat, alors même que la dotation globale de fonctionnement reste stable, soit deux fois et demie le niveau de la dotation de 2012.
Au cours des débats sur le projet de loi de finances pour 2018, un accord a été trouvé entre le Gouvernement et le Parlement pour que 50 millions d'euros de crédits viennent abonder la DETR, de manière à ce que les communes et les petites intercommunalités rurales disposent de tout le soutien nécessaire à la réalisation de leurs projets. Je rappelle que le Gouvernement a tenu j'y ai veillé personnellement , en ce qui concerne l'éligibilité des projets, à ce que la loi ne fixe aucun seuil : toutes les communes métropolitaines dont la population est inférieure à 20 000 habitants sont éligibles et peuvent bénéficier d'une subvention de la DETR.
Toutefois, dans chaque département, il revient à une commission d'élus composée de maires, de présidents d'EPCI et, désormais, de quatre parlementaires de fixer le règlement d'utilisation de la dotation. La commission décide des catégories d'opérations prioritaires qu'elle souhaite retenir et détermine les taux minimaux et maximaux applicables à chacune d'entre elles.
En Saône-et-Loire, la commission d'élus a décidé que le montant minimal de subvention susceptible d'être accordé était fixé à 5 000 euros, afin d'éviter une forme de « saupoudrage » de la dotation. Cette décision relève des pouvoirs de la commission elle-même, qui, je le rappelle, est composée d'élus locaux. Même si, par l'intermédiaire du préfet, l'État peut encourager certains projets ou les orienter, cette décision revient à la commission départementale : le Gouvernement a pris soin de ne fixer aucun seuil dans la loi.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse et ai bien compris que vous étiez consciente des difficultés existantes.
Je comprends votre souci d'avoir une dotation globale importante pour l'ensemble des collectivités c'est tout à fait capital , comme je comprends le choix du Gouvernement de laisser aux commissions départementales la capacité de fixer le montant minimal des dotations à attribuer aux communes.
Madame la ministre, je vous donnerai quelques exemples, mais vous les connaissez. Sur ma réserve parlementaire, j'ai attribué des subventions de 2 000 euros pour l'aménagement d'une aire de jeu, de 1 000 euros pour un cheminement piéton, de 4 500 euros pour la rénovation du système de chauffage d'une salle municipale. Pour les communes concernées, ces petites subventions sont importantes, car les budgets sont très serrés. Souvent, on ne peut réaliser qu'un ou deux projets de cette nature au cours d'un mandat. Faute de ces subventions, qui paraissent anecdotiques quand on est dans une grande collectivité, les petites communes se trouvent bien démunies.
Les commissions départementales, au sein desquelles les élus siègent, ont toute latitude pour moduler les seuils. Si cela ne passe pas par la voie réglementaire ou législative, peut-être pouvez-vous user de votre pouvoir d'influence, madame la ministre, pour inciter les préfets à baisser le niveau des seuils, ce qui aiderait grandement les maires ruraux. (Sourires.)
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