Question de M. MOUILLER Philippe (Deux-Sèvres - Les Républicains) publiée le 08/02/2018
M. Philippe Mouiller attire l'attention de Mme la ministre du travail sur l'avenir des services de santé au travail interentreprises (SSTI). Il convient de rappeler que les 250 SSTI sur le territoire national doivent assurer le suivi de 1,5 million d'entreprises représentant 15 millions de salariés, avec 15 000 collaborateurs dont 5 000 médecins du travail, 1 300 infirmiers du travail, 1 200 intervenants en prévention des risques professionnels, 1 000 assistants techniciens en santé du travail et 4 500 assistants et secrétaires médicaux.
Depuis le 1er janvier 2017, le cadre juridique de l'activité des SSTI s'est modernisé.
À la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et de la publication du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la médecine du travail, les modalités d'action des SSTI évoluent en phase avec le monde du travail et les besoins de prévention des risques professionnels inhérents.
Si les dispositions législatives et réglementaires aménagent le suivi individuel de l'état de santé des travailleurs, elles ne modifient pas les quatre missions confiées au service de santé au travail qui consistent à mener des actions de santé en entreprise, dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs, à conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d'éviter ou de diminuer les risques professionnels et d'améliorer les conditions de travail, à assurer la surveillance de l'état de santé des travailleurs et à participer au suivi et à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire.
Toutefois, les représentants des SSTI craignent que la pérennité de ceux-ci ne soit menacée compte tenu de la disparition progressive des médecins du travail qui risque de s'accélérer dans les cinq prochaines années.
Ils constatent que l'ensemble des SSTI subissent une démographie médicale défavorable, plus ou moins forte, selon l'attractivité géographique du service. La moyenne d'âge des médecins du travail est élevée : 57 ans. Par ailleurs, les facultés de médecine ne sont plus en capacité d'assurer la spécialité « médecine du travail » avec le départ des enseignants qui ne sont pas remplacés. Ainsi, les facultés de médecine de Poitiers, Tours et Nantes n'ont plus d'enseignants. De plus, le nombre de postes ouverts en médecine du travail est en baisse significative : 194 postes en 2015-2016, 157 postes en 2016-2017 et 138 postes en 2017-2018. On constate également que tous les postes proposés en médecine du travail ne sont pas pourvus : à l'examen classant national 2017, 39 postes n'ont pas été pourvus.
Les représentants des SSTI proposent que soient prises d'urgence un certain nombre de mesures ayant pour objet d'ouvrir des postes d'enseignants dans les facultés de médecine afin de permettre aux étudiants en médecine de s'orienter vers cette spécialité, de valoriser la spécialité « médecine du travail » qui est délaissée par les étudiants en médecine et de faciliter l'intégration des collaborateurs médecins dans les services de santé en réduisant la durée de formation à deux ans au lieu de quatre actuellement.
Il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'elle entend prendre afin de répondre aux préoccupations et aux attentes des représentants des SSTI.
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Réponse du Ministère du travail publiée le 21/03/2018
Réponse apportée en séance publique le 20/03/2018
M. Philippe Mouiller. Ma question, qui s'adresse en effet à Mme la ministre du travail, porte sur les préoccupations exprimées par les représentants des services de santé au travail interentreprises, les SSTI.
Aujourd'hui, quelque 250 SSTI, regroupant 15 000 collaborateurs, assurent le suivi d'environ 15 millions de salariés sur l'ensemble du territoire national. Depuis le 1er janvier 2017, le cadre juridique de l'activité de ces services de santé s'est modernisé.
Si les dispositions législatives et réglementaires aménagent le suivi individuel de l'état de santé des salariés, elles ne modifient pas les missions confiées aux services de santé au travail, qui consistent notamment à mener des actions de prévention en entreprise, à assurer la surveillance de l'état de santé des salariés et à participer au suivi et à la traçabilité des expositions professionnelles, ainsi qu'à la veille sanitaire.
Toutefois, les représentants des SSTI craignent que la pérennité de ceux-ci ne soit menacée, compte tenu de la disparition progressive des médecins du travail, laquelle risque de s'accélérer dans les cinq prochaines années. Ils constatent que l'ensemble des SSTI subit une démographie médicale défavorable, plus ou moins forte selon l'attractivité géographique du service. La moyenne d'âge des médecins du travail est élevée, puisqu'elle est de cinquante-sept ans environ.
Par ailleurs, les facultés de médecine ne sont plus en capacité d'assurer la spécialité « médecine du travail » avec le départ des enseignants qui ne sont pas remplacés. Ainsi, les facultés de médecine de Poitiers, Tours et Nantes n'ont plus d'enseignants.
De plus, le nombre de postes ouverts en médecine du travail est en baisse significative, avec 138 postes en 2017. Paradoxalement, on constate également que tous les postes proposés en médecine du travail ne sont pas pourvus : à l'examen classant national de 2017, quelque 39 postes n'ont pas été occupés.
Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu'il serait urgent d'ouvrir des postes d'enseignants dans les facultés de médecine, afin de permettre aux étudiants en médecine de s'orienter vers cette spécialité, de valoriser la spécialité « médecine du travail », qui est délaissée par les étudiants en médecine, et de faciliter l'intégration des collaborateurs médecins dans les services de santé, en réduisant la durée de formation à deux ans, au lieu de quatre actuellement ?
Je vous remercie de bien vouloir nous préciser les mesures que vous entendez prendre afin de répondre aux préoccupations et aux attentes des représentants des SSTI et, d'une façon générale, du monde du travail.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail, à laquelle je souhaite la bienvenue.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur Mouiller, je vous remercie de votre question relative à la santé au travail, un sujet très important qui, comme vous l'avez souligné, est confronté à plusieurs problèmes, notamment ceux du recrutement des médecins du travail et de la formation initiale et continue.
Vous le savez, un nouveau cadre permet aux services de santé d'agir plus efficacement tel est en tout cas l'objet de la réforme , en faveur de la prévention des risques professionnels et du maintien en emploi ; tel est bien l'objectif.
Cette réforme, aussi nécessaire qu'elle soit, répondra en principe, lorsqu'elle sera pleinement opérationnelle, aux enjeux que vous avez évoqués. Néanmoins, la question démographique et l'attractivité de la profession peuvent être la pierre d'achoppement de la rénovation de la santé au travail.
Aujourd'hui, comme vous l'avez relevé, on note une baisse des effectifs, qui ne tient pas à des questions budgétaires ; là n'est pas le problème. On comptait 4 800 médecins du travail en 2016, contre plus de 6 000 en 2007. On le voit, la perte d'attractivité de la profession est réelle et continue, année après année. De plus, vous l'avez rappelé, la pyramide des âges est une légitime source d'inquiétude. En effet, si nous n'agissons pas, la situation s'aggravera encore.
C'est le tout le sens du rapport d'août 2017 de l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, l'IGAEN, sur l'attractivité et la formation des professions de santé au travail.
Les recommandations qu'il contient alimenteront les travaux de la mission que j'ai confiée en novembre dernier, conjointement avec ma collègue Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, à la députée Charlotte Lecocq, à Henri Forest et à Bruno Dupuis sur l'évolution du système de prévention des risques professionnels, au sein duquel les services de santé au travail occupent une place centrale. Les conclusions de cette mission sont attendues pour la fin du mois de mai prochain, et nous en rendrons évidemment compte tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
Plus qu'une simple évolution, c'est une question de fond que nous devons nous poser : comment avoir un système de santé au travail attractif, pour qu'il joue son véritable rôle, un rôle que tout le monde s'accorde à reconnaître, avec une mission accrue en matière de prévention dans les années à venir ?
Pour ce faire, il convient de partir de la base, c'est-à-dire de la formation, initiale et continue, ainsi que de l'attractivité de ce métier. En effet, cette profession est en partie mal connue dans ses évolutions et ne fait pas assez l'objet de promotion. Elle n'est pas considérée comme valorisante par les jeunes médecins. Aussi, nous avons un travail commun à faire en ce sens.
Le rendez-vous est fermé, si j'ose dire. Le constat est bien connu, et les conclusions qu'Agnès Buzyn et moi-même attendons nous permettront de faire des propositions en profondeur sur ce sujet, pour régler le problème.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous l'avez dit, nous attendons avec impatience les conclusions du rapport.
Le chantier est, il est vrai, important. Au-delà de l'attractivité de la profession se pose la question de la définition des missions de ces services de santé. D'autres professionnels de santé peuvent-ils intégrer les missions de prévention ? Nous avons un travail important à réaliser, en prenant en considération le regard que portent les professionnels de santé, mais aussi le monde de l'entreprise. Nous sommes tous mobilisés pour ce travail commun.
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