Question de M. PACCAUD Olivier (Oise - Les Républicains) publiée le 01/02/2018
M. Olivier Paccaud attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la suppression de classes en milieu rural. Ces dernières semaines, de nombreux élus ont été informés par les services de l'éducation nationale que des fermetures de classes étaient envisagées dans leurs écoles et regroupements scolaires, y compris là où les effectifs n'ont pas diminué.
Une telle décision a des conséquences importantes sur l'avenir d'une école et plus largement sur la dynamique du service public nécessaire au développement d'un territoire.
Ce choix politique a lieu concomitamment avec le dédoublement des classes dans les zones prioritaires. Malheureux hasard ? C'est difficile à croire. Les écoles rurales ne peuvent être dépouillées pour optimiser les conditions des urbains. Chez les ruraux, il existe aussi beaucoup de difficultés sociales, des problèmes de comportements, de l'illettrisme... Les enseignants y éprouvent également des difficultés à intéresser les élèves.
Cette mesure est d'autant plus incompréhensible qu'elle va à l'encontre des promesses du Président de la République qui, dans son discours du 17 juillet 2017, lors de la conférence des territoires, avait indiqué : « ce qui est sûr c'est que les territoires en particulier les plus ruraux ne peuvent plus être la variable d'ajustement d'économie. C'est pourquoi d'ici là en particulier il n'y aura plus de fermeture de classes dans les écoles primaires ».
Il souhaite donc savoir si la parole donnée par le Président de la République engage aussi le Gouvernement et si ce ministère entend accélérer la désertification rurale y compris dans l'éducation des enfants.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 21/03/2018
Réponse apportée en séance publique le 20/03/2018
M. Olivier Paccaud. Monsieur le ministre, « les territoires, en particulier les plus ruraux, ne peuvent plus être la variable d'ajustement d'économies. C'est pourquoi il n'y aura plus de fermeture de classes dans les écoles primaires ».
Ainsi parlait le Président de la République, ici même au Sénat, le 17 juillet dernier, dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.
« Il n'y a aucun endroit en France où on ferme une classe quand il y a une augmentation du nombre d'élèves. »
Ainsi parlait le ministre de l'éducation nationale le 14 mars dernier sur le plateau de France 2, au journal télévisé.
Des milliers de parents d'élèves, d'enseignants et d'élus de communes rurales ont cru les paroles présidentielle et ministérielle. Aujourd'hui, ils sont en colère.
D'abord parce qu'on leur ment. Ensuite, car « en même temps » que l'on ferme des classes en zone rurale selon une logique mathématique, on ouvre dans certains quartiers sensibles des classes dédoublées de 12 élèves en cours préparatoire, selon une logique mathématique totalement inverse.
Ce qui est bon pour les écoliers des quartiers sensibles ne le serait donc pas pour ceux des zones rurales ?
Est-il cohérent, monsieur le ministre, est-il surtout républicain d'avoir, d'un côté, des classes de 12 élèves et, de l'autre, des classes de 20, 22, 25 élèves à double, triple ou quadruple niveau ?
Pis, est-il cohérent de fermer des classes là où les effectifs sont stables ou augmentent, comme dans l'Oise, mon département, à Abbecourt-Saint Sulpice, Villers-Saint-Sépulcre, Cauvigny, Saint-Félix ? Je pourrais citer d'autres noms.
La ruralité se sent oubliée, négligée, méprisée ; il faut lui envoyer un signal fort.
Aussi ai-je proposé au Président de la République, voilà un mois, via une lettre ouverte cosignée par une cinquantaine de mes collègues, l'expérimentation de classes de cours préparatoire dédoublées en zone rurale à revitaliser.
J'attends toujours sa réponse. Peut-être pourrez-vous me la donner ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, votre question sur l'école en milieu rural est essentielle. Vous parlez de ruralité méprisée, outragée ; vous pourrez bientôt en faire le panégyrique, car, selon la formule bien connue, la ruralité sera bientôt libérée, avec les actions que ce gouvernement est en train de conduire.
La préparation de la rentrée scolaire 2018 est marquée par un soutien budgétaire incontestable en faveur du premier degré. À la rentrée 2018, il y aura 32 657 élèves de moins dans le premier degré, et, dans le même temps, nous allons créer 3 880 emplois de professeurs des écoles. Si la baisse démographique avait été strictement appliquée, 1 400 postes auraient été supprimés.
Cet effort budgétaire se traduit concrètement par un meilleur taux d'encadrement sur l'ensemble du territoire dans le premier degré. Le ratio du nombre de professeurs pour 100 élèves sera de 5,55 à la rentrée 2018, alors qu'il était de 5,46 à la rentrée 2017 et de 5,20 à la rentrée 2012.
À la rentrée 2018, chaque département comptera donc plus de professeurs par élève dans le premier degré. En outre, alors que votre département de l'Oise enregistrera 618 élèves de moins dans le premier degré en raison de la démographie, 55 emplois d'enseignants seront pourtant créés. Dans le département, le ratio du nombre de professeurs pour 100 élèves sera de 5,61 à la rentrée 2018, contre 5,50 à la rentrée 2017. Ces taux sont aujourd'hui supérieurs à la moyenne nationale.
Pour combattre les difficultés scolaires, monsieur le sénateur, il faut agir à la racine, et vous le savez bien. Le choix a ainsi été fait de cibler les efforts sur l'éducation prioritaire où les besoins sont les plus importants, en desserrant les effectifs de manière significative avec le dédoublement des classes de CP et de CE1 qui sera échelonné sur les rentrées 2017 à 2019. Cette mesure ambitieuse est intégralement financée par des créations de postes, car nous nous donnons les moyens de notre ambition, qui, je le sais, est également la vôtre, celle de la réussite des élèves, notamment des plus fragiles.
Cet effort particulier et significatif en faveur de l'éducation prioritaire ne se fait pas du tout au détriment des territoires ruraux, qui restent une autre priorité.
Les services académiques de l'éducation nationale sont sensibilisés à la situation des écoles rurales et veillent à éviter les fermetures d'écoles, conformément à l'engagement pris par le Président de la République lors de la Conférence nationale des territoires.
Néanmoins, des fermetures de classes restent possibles dans le cadre de la carte scolaire, lorsque les effectifs d'élèves ne sont plus suffisants pour un enseignement de qualité. Les fermetures doivent être fondées sur des éléments qui sont totalement objectivés et partagés avec les élus, comme la constitution d'un regroupement pédagogique intercommunal RPI , la mise en uvre d'un projet territorial en cours de réalisation, l'incapacité à maintenir des conditions d'enseignement minimales pour les élèves. Ces situations sont examinées au cas par cas dans les différentes instances de concertation locales.
Mme la présidente. Il va falloir conclure, monsieur le ministre !
M. Stéphane Travert, ministre. Je conclus, madame la présidente. Le sénateur Alain Durand a été chargé par le Premier ministre d'une nouvelle mission pour améliorer encore la couverture des départements ruraux, avec pour objectif la signature d'une vingtaine de nouvelles conventions. Dans votre département, une convention ruralité est même en cours de négociation. Je vous invite à venir soutenir cette démarche de contractualisation.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Merci, monsieur le ministre. J'ai bien entendu votre réponse, mais j'ai un peu l'impression que nous sommes dans un dialogue de sourds, si j'en crois les nombreux élus et parents d'élèves des communes concernées par ces fermetures de classes j'en ai rencontré beaucoup ces dernières semaines. En effet, ils ne comprennent pas cette nouvelle logique, contraire à ce qui se passait les années précédentes, consistant à fermer des classes à certains endroits alors que les effectifs ne baissent pas je tiens les chiffres à votre disposition ; je rencontrerai l'inspecteur d'académie la semaine prochaine et à en ouvrir ailleurs avec de très faibles effectifs.
Monsieur le ministre, dans mon département, l'Oise, où la ruralité est très profonde, les zones d'éducation prioritaire sont exclusivement urbaines. Il y a encore quatre ans, certaines zones rurales se trouvaient en éducation prioritaire ; ce n'est plus le cas aujourd'hui, alors que la situation sociale ne s'y est guère améliorée.
Les difficultés sociales, les problèmes de discipline et d'illettrisme ne se concentrent pas dans les quartiers sensibles et existent aussi beaucoup dans les zones rurales, vous le savez très bien. Ces écoles rurales ne peuvent pas être « dépouillées » de leurs moyens pour optimiser les conditions d'apprentissage des petits urbains.
La République, monsieur le ministre, c'est l'égalité des droits et des chances partout sur le territoire. Les écoliers des champs ne valent pas moins que ceux des villes. Une logique de discrimination positive ne peut pas reposer sur une logique de discrimination négative.
En venant, vous êtes passé, dans la galerie des bustes, devant le buste de Jules Ferry, ancien sénateur, ancien ministre de l'instruction publique, ancien président du Conseil, et surtout, fondateur de l'école publique gratuite obligatoire moderne. Certes, c'était dans les années 1880, et le monde a beaucoup changé. Mais je pense sincèrement que Jules Ferry doit aujourd'hui se retourner dans sa tombe.
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