Question de Mme PEROL-DUMONT Marie-Françoise (Haute-Vienne - SOCR) publiée le 28/12/2017

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur la lutte contre le cyberharcèlement et les moyens qu'il serait possible de mettre en œuvre pour l'améliorer.
Intimidations, insultes, menaces, moqueries, propagations de rumeurs, usurpations d'identité, publication de photos humiliantes : le harcèlement en ligne peut aller très loin, poussant parfois jusqu'au suicide. Subi au quotidien souvent par les adolescents et les femmes, ce phénomène peine à être neutralisé par une réponse pénale dissuasive.
De nombreuses victimes soulignent les difficultés rencontrées pour porter plainte pour cyberharcèlement, un délit pourtant passible de deux ans de prison et de 30 000 euros d'amende voire, en cas de menaces de mort, de trois ans de prison et 45 000 euros d'amende maximum. Même après une plainte, les enquêtes sont souvent très difficiles à mener. Le directeur général de la gendarmerie a ainsi demandé aux militaires de porter « une attention particulière à la détection et la matérialisation des cyber violences ou des victimes exprimant leur détresse sur Internet ».
Elle lui demande donc son opinion sur ce phénomène qui a tendance à s'amplifier, et quels moyens il entend mettre en œuvre pour y faire face.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 17/05/2018

La lutte contre la cybercriminalité constitue une priorité gouvernementale, qui mobilise les forces de sécurité intérieure. Pour lutter contre ces agissements, la gendarmerie et la police ont structuré un dispositif national cohérent et en constante adaptation afin de faire face aux évolutions perpétuelles de l'utilisation de l'outil informatique pour la commission d'infractions. La lutte contre les atteintes aux personnes sur internet, notamment la lutte contre le cyber-harcèlement, est ainsi une préoccupation ancienne et quotidienne des forces de police et de gendarmerie. Les efforts de la gendarmerie pour répondre à l'avènement de la délinquance informatique ont été constants dès le début des années 1990 : création d'un département spécialisé au sein de l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale en 1992, création d'une cellule de surveillance d'internet en 1998, création d'enquêteurs spécialisés au sein des sections de recherches (SR) cette même année. Par ailleurs le centre national de formation à la police judiciaire a initié une formation d'enquêteur en technologies numériques (NTECH) en 2003. En outre, la gendarmerie a développé un véritable réseau d'enquêteurs (« Cybergend ») afin de répondre au mieux aux demandes des victimes et faciliter l'enregistrement de leur plainte. Ce réseau s'appuie sur 130 enquêteurs sur internet (disposant d'une formation comprenant trois modules de cinq jours) affectés dans les unités de police judiciaire spécialisées (SR et organismes centraux), sur 260 enquêteurs spécialisés NTECH (titulaires d'une licence professionnelle) et sur plus de 3 000 enquêteurs qualifiés CNTECH (correspondants en technologie numérique disposant d'une formation de cinq jours). Ces derniers sont répartis sur l'ensemble du territoire national et en outre-mer et irriguent la quasi-totalité des unités de gendarmerie départementale. Ils permettent un véritable maillage territorial d'enquêteurs sensibilisés à ces problématiques. De plus, pour les cas les plus complexes ou les plus graves, la gendarmerie dispose de sept groupes spécialisés dans la lutte contre la cybercriminalité implantés au sein des sections de recherche chef-lieu d'une juridiction interrégionale spécialisée et d'une unité implantée au niveau central (le centre de lutte contre les criminalités numériques constitué de trente-huit cyber enquêteurs). L'ensemble des enquêteurs du réseau « Cybergend » sont ainsi en mesure de matérialiser des infractions commises sur internet et peuvent ainsi parvenir à identifier les auteurs avec, le cas échéant, l'appui d'unités de gendarmerie spécialisées. En outre, la gendarmerie a créé une opération de sensibilisation et de prévention dès le plus jeune âge par le biais du permis internet. Il s'agit d'un programme pédagogique de prévention pour un usage d'internet vigilant destiné aux scolaires. Créé par la gendarmerie en 2013, il bénéficie du soutien de l'éducation nationale et de la société Axa France. Les gendarmes affectés dans les brigades territoriales ou au sein des brigades de prévention de la délinquance juvénile interviennent ainsi chaque année au sein des établissements scolaires. La cérémonie de remise solennelle du 1 000 000e permis internet présidée par le directeur général de la gendarmerie a eu lieu le 7 novembre 2017 dans le Val-d'Oise. Au-delà, des communications au grand public sont régulièrement organisées (flyers disposés dans les brigades de gendarmerie, communication sur les réseaux sociaux, intervention dans la presse audiovisuelle et écrite). Par ailleurs, dans un souci de modernisation et d'amélioration du contact avec le citoyen, la gendarmerie a décidé de s'engager dans une démarche de proximité numérique en créant début 2018 une brigade numérique. Sa mission est de remplir sur internet toutes les fonctions d'une brigade territoriale, à savoir un accueil en ligne sous forme d'interaction dématérialisée (formulaire de contact, dialogue sur les réseaux sociaux) 24h/24h et 7 jours/7. Les internautes, quel que soit leur lieu de résidence, peuvent ainsi interagir instantanément avec un gendarme spécialement formé à cet effet. Les gendarmes de la brigade numérique peuvent dispenser des conseils de prévention, enregistrer des mains courantes gendarmerie ou orienter les internautes vers les plates-formes de signalement et les télé-services disponibles. Enquêteurs dotés d'une compétence judiciaire, ils réalisent, dans les cas le nécessitant, des procès-verbaux d'investigation qui permettent aux unités locales de disposer d'éléments de preuve dans de futures enquêtes. Acteurs de la prévention numérique, ils peuvent également intervenir de façon proactive sur certains espaces numériques (forums, réseaux sociaux) pour aller à la rencontre de certains publics particulièrement ciblés. Ce dispositif novateur est par conséquent particulièrement adapté pour répondre aux besoins des victimes de cyber-harcèlement. Enfin, par des directives spécifiques diffusées en novembre 2017 à l'ensemble des militaires de la gendarmerie, le directeur général de la gendarmerie nationale a rappelé la nécessité et l'importance de lutter contre les violences faites aux femmes, notamment par le biais des dispositifs de lutte contre les cyber-violences. S'agissant de la police nationale, il a été créé dès 2006 le système PHAROS (plate-forme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements), placé au sein de l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC). Cet office central relève de la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité (SDLC) de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). La plate-forme PHAROS compte aujourd'hui vingt-trois enquêteurs (policiers et gendarmes). Elle exploite, en particulier, le portail www.internet-signalement.gouv.fr, qui permet depuis 2009 aux internautes et aux acteurs d'internet de signaler les contenus illicites du web. PHAROS mène également une veille proactive sur internet pour de détecter des contenus illicites ou contribuer à la résolution d'enquêtes. Pour son traitement judiciaire, le cyber-harcèlement relève toutefois principalement des services territoriaux « généralistes » de la direction centrale de la sécurité publique, ainsi que de la préfecture de police qui dispose de brigades dédiées en matière de lutte contre la cyberdélinquance. Les affaires de cyberharcèlement ne justifient en effet pas d'être centralisées par la plateforme PHAROS, en tant qu'elles confrontent des victimes isolées à des auteurs qui figurent souvent dans leur entourage proche (scolaire, professionnel, etc.) De fait, PHAROS ne reçoit des signalements dans le domaine du cyber-harcèlement que de façon très marginale, par exemple quand une vidéo révèle les risques encourus par un mineur (défis morbides de type « Blue Whale Challenge » etc.) Le cas échéant, ces signalements sont transmis aux services territorialement compétents pour les traiter.  Pour apporter une réponse judiciaire au « cyber-harcèlement », la formation continue et les moyens en matière d'enquête numérique mis à la disposition des services territoriaux de police sont donc essentiels. La police nationale mène une politique active en la matière. En lien avec la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale, la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité de la DCPJ contribue ainsi à la mise en place d'une véritable pyramide de compétences « cyber » : stage « enquêter sur Internet et les réseaux sociaux » (EIRS), tronc commun de connaissances de base et de techniques d'enquête sur le « web » et les réseaux sociaux ; formation des primo-intervenants en cybercriminalité, centrée sur la préservation d'une « scène de crime numérique » etc. Les enquêteurs qui bénéficient de ces formations sont en mesure de réaliser les actes afférents à une enquête de cyber-harcèlement : constatations en ligne, obtention puis identification d'une adresse IP, etc. En cas de difficulté, ils peuvent solliciter les investigateurs en cybercriminalité (ICC) - formés par la SDLC et notamment déployés dans les services territoriaux de la DCPJ - et accéder aux laboratoires d'investigation opérationnelle du numérique (LION) déployés par la SDLC. Par exemple afin d'analyser l'ordinateur saisi chez un individu suspecté de cyber-harcèlement. Sont ainsi aujourd'hui opérationnels environ 1 400 enquêteurs sur internet et les réseaux sociaux (EIRS), environ 2 000 primo-intervenants en cybercriminalité (PICC) (dont 200 ayant bénéficié d'une formation dispensée depuis 2017), ainsi qu'un peu plus de 500 investigateurs en cybercriminalité (ICC) répartis dans les services territoriaux des différentes directions centrales de police et relayés par les « premiers intervenants ». Ces enquêteurs peuvent également obtenir l'aide de la SDLC, par exemple pour obtenir des données d'identification de la part des gestionnaires de réseaux sociaux. Ainsi, la lutte contre le cyber-harcèlement mobilise-t-elle l'ensemble des services du ministère de l'intérieur, qui s'adaptent en permanence pour prendre en compte ces atteintes, en interpeller les auteurs et mettre en place des actions de prévention auprès du plus grand nombre.

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