Question de M. GROSDIDIER François (Moselle - Les Républicains) publiée le 07/12/2017

M. François Grosdidier attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur la possibilité d'étendre aux agents des collectivités publiques, autres que les policiers municipaux, la possibilité d'utilisation de caméras piétons individuelles.

Les récentes évolutions législatives autorisent et encadrent « le traitement des données à caractère personnel provenant des seules cameras individuelles fournies aux agents de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie nationale au titre de l'équipement des personnels » selon article L. 214-1 du code de la sécurité routière, créé par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016. Cette possibilité a été étendue aux policiers municipaux, aux agents de la SNCF et de la RAPTP par décret n° 2016-1861 du 23 décembre 2016.

Ces textes ont entériné une pratique déjà mise en œuvre dans des polices municipales, parfois depuis plusieurs années comme à Woippy (Moselle), considérant que ce qui n'est pas interdit est autorisé, à la satisfaction des policiers municipaux (qui évitaient ainsi des mises en causes injustifiées), des administrés et même des contrevenants (garantis contre tout éventuel excès), de la hiérarchie (garantie contre d'éventuels débordements des subordonnés) et des magistrats (disposant d'éléments tangibles et objectifs). La caméra joue aussi un vrai rôle préventif. On observe qu'elle calme souvent l'individu irascible, qui mesure que ses propos ou ses gestes engagent alors sa responsabilité pénale. Lorsque cette dissuasion n'a pas fonctionné, les images permettent aux juges d'éviter la difficulté de « la parole contre la parole ».

Autorisant cet usage aux policiers nationaux et gendarmes, la loi a failli le restreindre aux seuls policiers municipaux en zone de sécurité prioritaire (ZSP). Un amendement sénatorial a heureusement ouvert cette possibilité à tous les policiers municipaux sur l'ensemble du territoire.

Aujourd'hui, de nombreux agents des collectivités locales et des transports publics (autres que ceux de la SNCF et de la RATP) sont victimes d'agressions verbales ou physiques. Beaucoup d'agents d'entretien des espaces verts et de la voirie, ou de collecte des déchets ménagers, sont ainsi exposés en permanence dans l'espace public.

Il lui demande donc si, en l'état actuel du droit, les maires, présidents d'établissements publics de coopération intercommunale, de départements ou de régions, ainsi que les responsables de transports publics locaux, peuvent équiper leurs agents de caméras individuelles dans le but de fournir des images à la justice en cas d'agression verbale ou physique.

Dans l'hypothèse ou un texte législatif ou règlementaire serait nécessaire, il lui demande si le Gouvernement envisage de prendre une initiative à court terme.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 04/07/2019

L'usage des caméras mobiles est autorisé pour certaines catégories d'agents publics et privés, à titre pérenne ou à titre expérimental, par des dispositions législatives spécifiques. Les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale sont ainsi autorisés, à titre pérenne, à faire usage des caméras mobiles dans le cadre de leurs interventions par l'article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure, créé par l'article 112 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale. Les agents de la police municipale y sont également autorisés à titre pérenne par l'article L. 241-2 du code de la sécurité intérieure, créé par l'article 3 de la loi n° 2018-697 du 3 août 2018 relative à l'harmonisation de l'utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique. L'article 1 de la loi du 3 août 2018 susmentionnée autorise par ailleurs, à titre expérimental, l'utilisation des caméras mobiles par les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires et les militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et du bataillon des marins-pompiers de Marseille, tandis que son article 2 prévoit la même expérimentation au profit des personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire. Les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP sont également autorisés, à titre expérimental, à faire usage des caméras mobiles par l'article L. 2251-4-1 du code des transports, résultant de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.  Ces autorisations d'usage de caméras mobiles ont systématiquement nécessité l'adoption d'une disposition législative spécifique. En effet, d'une part, en ce qu'il est de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée, le dispositif des caméras mobiles affecte les garanties apportées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. D'autre part, en ce qu'il est utilisé en tant que moyen de preuve dans le cadre de procédures pénales ultérieures, ce dispositif se rattache à la procédure pénale. À ce double titre, le principe d'une captation d'images et de sons par un dispositif de caméras mobiles relève par conséquent des matières réservées au législateur par l'article 34 de la Constitution. Compte tenu des atteintes portées au droit au respect à la vie privée par le dispositif des caméras mobiles, celui-ci doit être limité à certaines catégories d'agents, au regard de leurs missions, et ne peut faire l'objet d'une extension à des catégories d'agents de plus en plus nombreux. En effet, si l'usage des caméras mobiles a pu être autorisé pour certaines catégories d'agents, c'est en raison du caractère nécessaire et proportionné de l'atteinte ainsi portée au droit au respect de la vie privée, eu égard au but poursuivi. Ainsi, l'atteinte au droit au respect de la vie privée doit être justifiée par la poursuite de l'un des objectifs énoncés à l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et être nécessaire. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) juge que la nécessité est considérée comme satisfaite si l'ingérence répond à un « besoin social impérieux », est « proportionné au but légitime poursuivi » et repose sur « des motifs pertinents et suffisants » (CEDH, 18 septembre 2014, Brunet c/ France, n° 21010, §33). Les agents actuellement autorisés à faire usage des caméras mobiles sont, dans le cadre de leurs missions de sécurité publique ou de sécurité civile, en contact direct avec les administrés justifiant l'autorisation légale qui leur a été délivrée de s'équiper de caméras mobiles. L'un des objectifs de ce dispositif est, en effet, l'apaisement des relations entre les agents et les administrés lors de l'exercice de missions de sécurité publique ou civile, revêtant par leur nature un caractère sensible. En revanche et en dépit des agressions physiques ou verbales dont ils font l'objet, ni les agents d'entretien des espaces verts et de la voirie, ni les agents de collecte des déchets ménagers ne sont en charge de missions de sécurité permettant de considérer comme justifié et proportionné leur équipement en caméras mobiles. En l'absence de dispositions légales, les maires, présidents d'établissements publics de coopération intercommunale, de départements ou de régions ne peuvent équiper ces catégories d'agents de caméras mobiles. S'agissant des agents des transports publics autres que ceux des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, la question d'une éventuelle extension de l'usage des caméras mobiles apparaît, à l'heure actuelle, prématurée. En effet, l'expérimentation des caméras mobiles par les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP est toujours en cours et n'a pas encore fait l'objet d'un bilan. Par conséquent, il convient d'attendre les conclusions du bilan de cette expérimentation avant d'envisager toute extension de l'usage des caméras mobiles à d'autres agents des transports publics. 

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