Question de M. CABANEL Henri (Hérault - SOCR) publiée le 07/12/2017
M. Henri Cabanel attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur l'émotion manifestée par de nombreux citoyens suite à diverses atteintes à l'intégrité morale d'une journaliste, réalisant l'émission « Cash investigation » et de son équipe, lors de leurs enquêtes. Une pétition de soutien circule sur internet afin de les soutenir. Les enquêtes sont effectivement très réalistes, mais l'investigation ne peut s'accommoder de petits arrangements pour masquer une réalité que certains veulent aseptiser voire nier et donc cacher. La liberté d'expression comme la liberté de la presse sont des marqueurs essentiels de la santé de notre démocratie. Il s'agit d'une liberté et d'un principe fondamentaux. Que les atteintes qui leur sont portées soient directes, à travers des mises en cause contre l'intégrité personnelle, ou indirectes, à travers des choix budgétaires qui supprimeraient des moyens indispensables à un travail de qualité et peuvent présenter l'apparence de défiance, ne change rien. Il lui demande quelles dispositions le Gouvernement entend mettre en œuvre pour garantir les émissions d'investigation poussée contre toute atteinte ou menace qui aboutiraient à un muselage.
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Transmise au Ministère de la culture
Réponse du Ministère de la culture publiée le 27/09/2018
La liberté d'expression et de communication, proclamée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Le législateur a ainsi posé le principe de la liberté de communication audiovisuelle à l'article 1er de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 qui dispose que son exercice ne peut être limité que par des motifs prévus par la loi. Il a confié au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), autorité publique indépendante, le soin de garantir l'exercice de cette liberté et de s'assurer que les éditeurs de services respectent les principes énoncés par la loi. Il dispose à cette fin d'un pouvoir de sanction en cas de non-respect des dispositions de la loi du 30 septembre 1986. Les éditeurs de services, publics comme privés, sont ainsi libres de diffuser les programmes qu'ils souhaitent dans les limites qui viennent d'être rappelées et qui sont contrôlées et sanctionnées par l'instance de régulation indépendante. Spécifiquement pour le secteur audiovisuel public, la loi du 30 septembre 1986 a posé le principe de son indépendance et a confié au CSA le soin de la garantir. Parmi les missions de service public qui incombent aux sociétés nationales de programme, le législateur a souhaité inscrire celle tenant à l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information. Le Gouvernement a précisé ces missions dans les cahiers des charges de ces sociétés. Plus récemment, le législateur a décidé de renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias. La loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 a ainsi introduit un article 2 bis dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse reconnaissant aux journalistes un droit d'opposition : « tout journaliste ( ) le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources et de refuser de signer un article, une émission, une partie d'émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à sa conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique de son entreprise ou de sa société éditrice ». De plus, est imposée aux entreprises ou sociétés éditrices de presse ou audiovisuelles, l'adoption obligatoire de chartes déontologiques. Cette charte est rédigée conjointement par la direction et les représentants des journalistes. Cette loi a renforcé la mission générale du CSA de garantir l'honnêteté, l'indépendance, le pluralisme de l'information et des programmes qui y concourent. L'autorité de régulation doit notamment veiller à ce que les intérêts économiques des actionnaires des éditeurs de services et de leurs annonceurs ne portent aucune atteinte à ces principes. La loi a enfin prévu la mise en place de comités relatifs à l'honnêteté, l'indépendance, le pluralisme de l'information et des programmes au sein des services de radio généralistes à vocation nationale ou de télévision par voie hertzienne terrestre qui diffusent des émissions d'information politique et générale. Composés de personnalités indépendantes, ces comités ont pour mission de contribuer au respect des principes d'honnêteté, d'indépendance et du pluralisme de l'information et des programmes. Ces comités peuvent se saisir de leur propre initiative ou être consultés à tout moment par toute personne de manière à informer le CSA, afin de lui permettre d'en tirer toute conséquence utile sans qu'il soit porté atteinte à la capacité de l'instance de régulation d'exercer directement ses compétences propres. Le décret n° 2017-363 du 21 mars 2017 a modifié les cahiers des charges des sociétés nationales de programme France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France afin d'y fixer les règles de fonctionnement applicables à ces comités. S'agissant des magazines d'investigation, la ministre de la culture considère que l'information doit être une priorité pour l'audiovisuel public dans les cinq prochaines années, au même titre que la transformation numérique des entreprises et le soutien à la création audiovisuelle et cinématographique. À ce titre, il est attendu que le service public audiovisuel propose une information de référence, indépendante des pouvoirs économiques et politiques, et qu'il puisse investiguer sur tous les sujets sans tabou ni contrainte. L'investigation a pris un place croissance dans la programmation de France Télévisions au cours des dernières années, et s'affirme comme un facteur distinctif du service public. Les moyens consacrés aux magazines d'information de France Télévisions ont ainsi progressé de 4,2 % entre 2011 et 2015. Cette mission est plus que jamais indispensable, dans un contexte de profusion d'information et des dérives associées. Cette mission fait la fierté de France Télévisions et de ses salariés. Par ailleurs, l'audiovisuel public, et donc France Télévisions, ne peuvent être exonérés des efforts budgétaires demandés à l'ensemble de la sphère publique. Pour autant, les principes d'indépendance et de qualité des programmes ne sont pas négociables, et les réductions de crédits inscrites dans la loi de finances pour 2018 ne sauraient conduire à affaiblir le rôle joué par le service public de l'audiovisuel en matière d'information et d'investigation. En outre, la ministre de la culture tient à rappeler que les moyens de France Télévisions consacrés à l'information ont été préservés et même renforcés. En effet, les dépenses allouées à l'information nationale en 2018 (258,9 M) progressent de 2,9 M par rapport au budget 2017 et de 16,6 M par rapport à 2016.
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