Question de M. DELCROS Bernard (Cantal - UC) publiée le 21/12/2017
M. Bernard Delcros attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les conditions d'implantation des officines de pharmacie en zone rurale.
En effet, aux termes des dispositions de l'article L. 5125-11 du code de la santé publique, l'ouverture d'une nouvelle pharmacie dépend du nombre d'habitants recensés dans la commune où elle va être située (« numerus clausus »).
L'ouverture d'une officine, par transfert ou création, est ainsi possible dans les communes qui comptent plus de 2 500 habitants. L'installation de nouvelles pharmacies dans la commune est ensuite autorisée pour chaque tranche de 4 500 habitants supplémentaires.
L'implantation d'une pharmacie dans une commune de moins de 2 500 habitants n'est pas autorisée, sauf si la commune disposait précédemment d'une officine.
Il résulte de cette situation que dans certaines communes en zone rurale ne comptant pas suffisamment d'habitants, aucune nouvelle pharmacie n'est autorisée à s'implanter alors même que les spécificités de leur territoire en termes d'isolement ou de temps de trajet justifieraient la présence d'une nouvelle officine.
À l'heure actuelle, un processus de délivrance d'autorisation plus rapide est bien prévu pour les officines situées dans des zones de revitalisation rurale (ZRR), mais il n'existe aucune dérogation au minimum légal de 2 500 habitants pour l'implantation d'une pharmacie dans une commune. Dans des territoires ruraux, où le réseau d'officines est peu dense, des conditions d'implantation plus souples sont donc nécessaires afin de renforcer ce service indispensable pour les habitants.
Aussi, dans le cadre de l'ordonnance ministérielle visant à simplifier les procédures d'installation d'officines en préparation, il souhaiterait savoir quels ajustements pourraient être prévus à ce seuil de population afin de permettre un meilleur déploiement d'officines de pharmacie dans les territoires de montagne isolés et ainsi répondre à une demande légitime des populations locales.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 14/02/2018
Réponse apportée en séance publique le 13/02/2018
M. Bernard Delcros. Monsieur le ministre, aujourd'hui, le code de la santé publique rend impossible l'ouverture d'une pharmacie dans une commune comptant moins de 2 500 habitants. Cette règle n'est pas du tout adaptée aux réalités des territoires ruraux, particulièrement en zone de montagne. Et le nombre d'habitants, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, ne peut pas être le seul critère retenu.
Dans ces territoires, des communes de 2 000, 1 000, parfois 800 habitants jouent souvent un véritable rôle de bourg-centre et de pôle de services pour tout un bassin de vie. Il faut aussi tenir compte des difficultés de déplacement inhérentes à l'altitude, au relief, à l'enneigement ou aux distances à parcourir dans ces territoires vastes, mais à faible densité de population.
Certes, l'ordonnance du 3 janvier dernier apporte un début de réponse en introduisant de nouvelles dispositions. Elle permet notamment de prendre en compte la population de communes contiguës, mais à condition que l'une au moins de ces communes atteigne le seuil des 2 000 habitants.
Pourquoi ce seuil de 2 000 habitants ? Il ne correspond pas à la réalité du terrain dans les zones rurales.
Prenons le cas concret de la commune de Vézac, dans le Cantal. Elle compte seulement 1 200 habitants. Pourtant, elle offre un ensemble de services pour un bassin de vie de 4 300 habitants répartis sur neuf communes contiguës.
Grâce à sa politique de développement, Vézac compte aujourd'hui plusieurs commerces, un cabinet d'infirmiers, un cabinet de kinésithérapeutes, et porte un projet de cité des aînés et de construction de nouveaux logements. Elle a également engagé la construction d'un bâtiment pour accueillir deux médecins et une pharmacie. Trois candidats trois candidats, monsieur le ministre ! se sont fait connaître pour ouvrir cette pharmacie.
Malgré cela, Vézac s'est vue refuser par l'agence régionale de santé l'installation d'une pharmacie au motif d'un nombre d'habitants insuffisant. Monsieur le ministre, ce n'est pas acceptable, particulièrement au moment où nous devons au contraire tout faire pour lutter contre les déserts médicaux et maintenir l'offre de soins en milieu rural !
Ce cas illustre parfaitement le fossé qui existe entre la théorie d'une règle et les besoins du terrain.
Aussi, monsieur le ministre, ma question est simple : êtes-vous prêt à reconsidérer le cas de la commune de Vézac et, plus généralement, à faire prévaloir le bon sens en adaptant les critères d'ouverture des pharmacies aux réalités du terrain au bon sens, allais-je dire , notamment en milieu rural ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur Bernard Delcros, Mme Agnès Buzyn m'a chargé de vous transmettre sa réponse, ce que je fais avec grand plaisir.
Le Gouvernement est bien évidemment soucieux de préserver le maillage territorial et officinal afin d'éviter l'apparition de territoires trop fragiles et de garantir à la population un égal accès aux médicaments sur l'ensemble du territoire.
Vous le savez, la pharmacie joue un rôle central par ses missions de service public de proximité. Ainsi, l'ordonnance n° 20183 du 3 janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie, issue de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, présente des mesures qui peuvent répondre aux besoins de la population dans les communes rurales. Certaines de ces mesures visent à assouplir les règles applicables aux transferts et au regroupement des officines, notamment dans les territoires ruraux. En effet, dans des zones susceptibles de connaître des difficultés d'approvisionnement préalablement identifiées par les agences régionales de santé, les ARS, des dispositions particulières prévoient la possibilité de prendre en compte les populations de plusieurs communes contiguës de moins de 2 500 habitants, si au moins l'une des communes atteint 2 000 habitants. Ainsi, l'ordonnance permet de prendre en compte un ensemble de communes ne comptant pas suffisamment d'habitants, afin d'atteindre un seuil ouvrant droit à l'implantation d'une officine. Les ARS pourront alors autoriser, par voie de transfert ou de regroupement, l'ouverture d'une officine au sein de ces communes.
Par ailleurs, l'implantation ou le maintien d'une pharmacie dans les territoires ruraux seront facilités par la prise en compte des flux de population et non d'une seule population résidente, ce qui permettra à une pharmacie de se rapprocher d'une maison de santé ou d'un centre commercial de proximité pour mieux répondre aux besoins de la population. Le cas échéant, en application de l'ordonnance, des mesures d'aides pourront être enfin prévues dans le cadre de la convention signée entre les pharmaciens et l'assurance maladie à l'intention de ces territoires.
De nouveaux leviers sont ainsi mis en place pour soutenir le maillage officinal, en particulier dans les zones rurales. Les services du ministère des solidarités et de la santé travaillent actuellement sur les textes d'application nécessaires de l'ordonnance, dont la publication est prévue à l'été 2018. Il vous sera donc possible, monsieur le sénateur, d'interroger à nouveau Mme la ministre à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse.
Vous avez rappelé le contenu de l'ordonnance du 3 janvier dernier à laquelle j'ai fait référence dans mon intervention et que j'ai bien évidemment analysée de près. Certes, elle apporte des assouplissements, mais ceux-ci ne répondent pas complètement aux besoins du terrain, l'exemple de la commune de Vézac dans le Cantal l'atteste. L'exigence d'un seuil de 2 000 habitants est maintenue, ce qui, encore une fois, ne correspond pas à la réalité de la taille des bourgs-centres en milieu rural.
Par conséquent, monsieur le ministre, je vous demande de prendre en considération cette problématique et d'en faire part à la ministre concernée. (M. le ministre opine.) Il reste un petit pas à franchir il n'est pas grand pour assouplir l'ordonnance afin que le dispositif soit en totale adéquation avec les réalités de la ruralité, particulièrement en zone de montagne.
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