Question de Mme ROBERT Sylvie (Ille-et-Vilaine - SOCR) publiée le 15/12/2017
Question posée en séance publique le 14/12/2017
Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, le Président de la République a déclaré qu'il ne voulait plus, « d'ici la fin de l'année, avoir des femmes et des hommes dans les rues », avant d'ajouter que « la première bataille, c'est de loger tout le monde dignement. »
Il s'agit bien de dignité, en effet, tant la dignité des demandeurs d'asile que la nôtre, celle de la France, terre d'asile séculaire qui a accueilli, entre autres, Chagall, Nabokov, et Noureev, mais aussi tous ces anonymes, qui ont pour seul point commun d'avoir fui les persécutions et les massacres, et pour seule boussole la recherche de la liberté. La France n'est pas le pays du renfermement, elle est le pays des belles destinées.
Cette dignité découle de l'humanisme le plus élémentaire, et il est de notre responsabilité collective de faire perdurer la tradition française en matière d'asile, qui fait la fierté et la richesse de notre pays, tout en l'adaptant bien sûr aux réalités contemporaines complexes du monde. En un mot, il faut conjuguer humanisme et réalisme.
Cet équilibre semble avoir été rompu la semaine dernière, lorsque le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a évoqué, avec les associations, l'épineuse question du traitement administratif des demandeurs d'asile au sein des centres d'hébergement. Le Gouvernement ne peut remettre en cause l'accueil inconditionnel dans ces centres, qui résulte du code de l'action sociale et des familles.
Pour être juste, la politique de l'asile doit nécessairement reposer sur un équilibre entre humanisme et réalisme et se nourrir du dialogue entre tous les acteurs qui y prennent part, l'État, bien sûr, mais aussi les collectivités, sans oublier les associations. Le Gouvernement a-t-il l'intention de renouer le dialogue avec ces dernières ?
Par ailleurs, que contient la circulaire établissant les équipes mobiles chargées du suivi administratif des personnes migrantes accueillies dans les centres d'urgence ? Ne craignez-vous pas qu'un tel dispositif n'aboutisse précisément au contraire de l'objectif du Président de la République ?
Enfin, mes chers collègues, gardons à l'esprit qu'une politique de l'asile humaine, efficace et cohérente ne peut voir le jour sans une action concertée et solidaire des pays membres de l'Union européenne, sans oublier la dimension internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Réponse du Ministère de la justice publiée le 15/12/2017
Réponse apportée en séance publique le 14/12/2017
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame Robert, vous l'avez souligné dans votre question, le Gouvernement souhaite effectivement instaurer des équipes mobiles, composées d'agents des préfectures et d'agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui seraient chargées d'examiner la situation administrative des personnes accueillies dans les dispositifs d'hébergement d'urgence.
Il ne s'agit pas d'effectuer un tri parmi des migrants concernés, puisque ce projet ne remet pas en cause le principe d'inconditionnalité de l'accueil, qui exige, je le rappelle, que toute personne sans abri et en situation de détresse de tout ordre ait accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence.
Toutefois, le fait d'être hébergé ne confère pas en lui-même un droit à rester sur le territoire. De trop nombreuses personnes sont aujourd'hui dans une situation d'indétermination. Ceux qui remplissent les conditions nécessaires pour être régularisés doivent l'être, mais ceux qui sont en situation irrégulière ont vocation à quitter le territoire.
Il y a, dans ces centres d'hébergement, de nombreuses personnes qui devraient pouvoir accéder à d'autres dispositifs. Il y a ainsi des demandeurs d'asile, que notre tradition, vous le soulignez à juste titre, nous impose d'accueillir, et qui devraient être hébergés, à ce titre, en centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Il y a également des réfugiés, que nous devons aider à accéder au logement.
Il n'est pas demandé aux travailleurs sociaux ni aux associations qui administrent ces centres d'hébergement de faire le travail de l'État.
Un sénateur du groupe socialiste et républicain. Des départements !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. En revanche, il est embarrassant que des associations fassent obstacle à l'application de la loi, en l'occurrence celle du droit au séjour. Le dialogue doit donc sans doute se poursuivre avec ces associations.
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Les préfets devront mettre en uvre ces orientations et, comme vous le disiez, trouver un équilibre entre humanisme et pragmatisme.
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