Question de Mme BERTHET Martine (Savoie - Les Républicains) publiée le 16/11/2017

Mme Martine Berthet attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire sur les conséquences dramatiques à attendre de la disparition progressive du pastoralisme sur la biodiversité ainsi que sur l'économie agricole et du territoire en général, du fait de la présence importante de loups dans nos territoires et du manque de solutions apportées aux éleveurs qui sont de plus en plus nombreux à vouloir mettre un terme à leur activité. Le pastoralisme disparaît peu à peu de nos zones de montagne alors qu'il est, comme on le sait, un acteur majeur de la prévention des risques d'avalanches et d'incendies de forêt. Aujourd'hui, la seule réponse faite aux éleveurs reste la protection des troupeaux ; or celle-ci s'avère insuffisante, voire inutile, au regard des attaques de loups qui continuent de se multiplier. Le département « sciences pour l'action et le développement » de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et Montpellier SupAgro (UMR Selmet, Montpellier) a, en effet, analysé, en collaboration avec le CERPAM (Centre d'études et de réalisations pastorales Alpes Méditerranée, Manosque), les conséquences éventuelles de l'adoption des moyens de protection des troupeaux sur la viabilité des élevages ovins au sud du département de l'Aveyron (périmètre de 45 communes sur les Causse du Larzac, le Causse Noir et les Avant-Causses). Outre les résultats spécifiques à la situation, la recherche produit une démarche et des connaissances à valeur générique pour des paysages et des systèmes d'élevages ovins avec pâturage, déjà confrontés ou ayant à anticiper le risque de prédation par les loups. L'étude montre notamment que la mise en œuvre de la protection modifierait le fonctionnement et les performances des élevages, les plus pâturants étant les plus impactés ; elle alourdirait le travail des éleveurs et nécessiterait le recours à du salariat. Par ailleurs, les scenarii de repli important ou total en bergerie impacteraient très fortement la viabilité économique des élevages et la dynamique agricole du périmètre d'étude serait affectée (installations compromises, filière laitière AOP Roquefort touchée). À l'échelle du périmètre et pour protéger tous les lots d'animaux au pâturage, 3 400 kilomètres de clôtures fixes, 2 850 chiens et 74 salariés seraient nécessaires : cette mise en œuvre de la protection dans les élevages aurait des conséquences néfastes sur les paysages et la biodiversité inféodée aux milieux ouverts. Enfin, le coût annuel moyen de la protection par élevage serait de 24 000 euros (scenario conduite de troupeau non modifiée) ou 20 000 euros (conduite de troupeau modifiée a minima, afin de réduire les coûts de protection). Compte tenu de la prise en charge partielle par le plan loup 2013-2017 du coût de protection, entre 25 et 40 % des élevages laitiers se trouveraient sous le seuil de viabilité économique. L'étude, initiée par la préfecture de l'Aveyron, précise par ailleurs que ces résultats ne prennent pas en considération la perte du sens que les éleveurs donnent à leur activité. De ce fait, au-delà de la question de la protection, le risque de prédation, qui demeure, induit une charge mentale importante pour les éleveurs et affecte leurs conditions de vie. Les risques sur la biodiversité d'un arrêt de l'activité sont donc réels et très importants. Elle lui demande quelles suites il entend donner à cette étude et quelle sont les mesures concrètes qui vont être prises en faveur des éleveurs afin que le pastoralisme ne disparaisse pas bel et bien de nos territoires de montagne.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 15/02/2018

Le ministre est bien conscient que la présence des loups génèrent des dommages qui ont un impact considérable pour les éleveurs confrontés aux attaques de loup sur leurs troupeaux. Le loup est toutefois une espèce « strictement protégée », inscrite à l'annexe II de la Convention de Berne, mais aussi aux annexes II et IV la Directive 92/43/CEE dite « Habitats, Faune, Flore », où il est classé « prioritaire d'intérêt communautaire ». Cette protection implique un bon état de conservation de la population, qui ne doit pas régresser et une expansion de son territoire dans tous les habitats qui lui sont favorables. La population de loups connaît d'ailleurs une augmentation régulière depuis son retour naturel en France en 1992. C'est une bonne nouvelle pour la biodiversité, qui est un bien commun de l'humanité mais c'est aussi un véritable défi pour les éleveurs, qui font face à la prédation des loups sur les troupeaux. Pour remédier à cette situation, le Gouvernement se fixe un double objectif : le premier est la viabilité de l'espèce sur notre territoire, conformément à nos engagements pour la biodiversité. Le deuxième est le soutien aux éleveurs pour soulager leur détresse quand ils sont confrontés aux conséquences des attaques sur leur troupeau. Une nouvelle méthode s'appuyant sur les dernières données scientifiques à été élaboré avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et l'ensemble des parties prenantes concernées, afin de sortir de la confrontation entre les acteurs et de co-construire des solutions viables pour tous sur le long terme. L'étude de l'Institut nationale de recherche agronomique (INRA) et Montpellier SupAgo est consacrée à l'Aveyron qui constitue un des plus importants bassins d'élevage ovin et de production fromagère (Roquefort). Il s'agit donc d'un territoire présentant un contexte très particulier où les mesures de protection ne sont pas encore amplement mises en place, l'arrivée du loup étant récente. L'étude confiée au cabinet Terroïko en 2016 a conclu à l'efficacité de ces moyens de protection, notamment lorsqu'ils sont cumulés (chien et aide-berger ou clôture et aide-berger, par exemple). Dans le nouveau plan national Loup en cours d'élaboration (2018-2023), la protection et la défense des troupeaux sont privilégiées. Les conditions de tirs de défense vont être assouplies et les mesures de protection renforcées. L'effort devrait être porté sur les « foyers d'attaque » où les troupeaux sont victimes d'attaques fréquentes. Toutefois, le nombre de loup pouvant être tués ne pourra pas dépasser 10 à 12 % de la population lupine afin de respecter son bon état de conservation, tel que le recommande les scientifiques. Le plan laissera aussi la possibilité aux collectivités territoriales de financer des brigades loup sous réserve qu'elles soient contrôlées par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Il sera également proposé des brigades de bergers mobiles pour soulager les éleveurs lors des recrudescences d'attaque. En outre, la création d'une filière « chien de protection » permettra de s'assurer de la fiabilité des chiens et un partage apaisé des espaces naturels. Enfin, le plan maintient le financement à 80 % de la mise en place de mesures de protection des troupeaux domestiques. Constituées de crédits nationaux et de cofinancements européens FEADER, elles visent l'embauche de bergers ou la rémunération à l'éleveur du surcoût engendré par le gardiennage renforcé de son troupeau (74 % des montants), l'achat et l'entretien de chiens de protection, l'achat de clôtures et la réalisation d'analyse de vulnérabilité de l'exploitation agricole au risque de prédation. L'embauche de bergers peut contribuer à lutter contre la désertification rurale. Par la suite, des études continueront à alimenter la réflexion et à approfondir la politique mise en œuvre. Ainsi, l'étude sur les nouveaux moyens de détection et d'effarouchement des loups, sur la résilience du pastoralisme confronté aux prédations du loup, sur l'impact des tirs sur la régulation de la prédation et sur la démographie et les comportements de l'espèce seront autant d'éléments qui nous donneront des clés pour renforcer l'efficacité de l'action publique.

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