Question de M. KENNEL Guy-Dominique (Bas-Rhin - Les Républicains) publiée le 02/11/2017

M. Guy-Dominique Kennel attire l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur les politiques foncières locales. Dans un contexte de renforcement annoncé des prérogatives de l'État en matière d'aménagement, notamment dans les zones dites tendues, les collectivités ont de plus en plus de difficulté à établir leur propre politique foncière de façon cohérente avec les intérêts de leurs habitants. Cela est dû notamment à la diminution constante des ressources publiques des communes et intercommunalités. De plus, la multiplication des réformes législatives en matière d'urbanisme, confrontée à la réorganisation de la carte intercommunale et des transferts de compétences organisée par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, complexifie encore la tâche des élus locaux en charge de l'urbanisme. L'objectif national de densification urbaine peut ne pas être adapté à tous les territoires. De plus, les communes et intercommunalités font parfois face à bien d'autres enjeux fonciers, concernant le maintien des terres agricoles, de leurs commerces en centre-ville, à l'aménagement de leurs zones d'activités en périphérie. Il lui demande comment les communes peuvent répondre à l'injonction contradictoire incitant les collectivités à construire des logements en zone tendue tout en étant astreints à une consommation économe de l'espace et à une sanctuarisation des zones naturelles et agricoles.

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Transmise au Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales


Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 13/12/2018

Les politiques foncières constituent, depuis la loi n° 2017-86 du du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, l'un des enjeux des programmes locaux de l'habitat (PLH) établis au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). L'article L. 302-1 du code de la construction et de l'habitation dispose désormais que le diagnostic du PLH comporte notamment une analyse des marchés fonciers, de l'offre foncière et de son utilisation, de la mutabilité des terrains et de leur capacité à accueillir des logements. La loi qui a eu pour ambition de renforcer les stratégies foncières au service des territoires a mis en place un dispositif d'observation foncière permettant d'identifier les gisements fonciers en recyclage urbain, économes de l'espace, pour ainsi lutter contre l'artificialisation des sols. Les établissements publics fonciers d'État ou les établissements publics fonciers locaux, s'ils sont présents, peuvent appuyer les collectivités territoriales ou leurs groupements en matière d'observation foncière. Ces établissements publics fonciers (EPF) interviennent principalement en renouvellement urbain et en particulier dans les centres-villes. Par leurs actions de portage foncier en amont de la construction, les EPF participent ainsi au renforcement de l'offre en logements au service des collectivités. Le Gouvernement accorde la plus grande importance aux politiques foncières, notamment dans le cadre du programme « Action cœur de ville » lancé en mars 2018 et destiné à revitaliser et redynamiser les centres-villes ou la stratégie logement présentée en septembre 2017. Cette dernière s'articule autour de trois objectifs visant à construire plus, mieux et moins cher, répondre aux besoins de chacun, notamment les ménages les plus fragiles, et améliorer le cadre de vie sur tout le territoire. Ces objectifs ont fait l'objet de la plus large prise en compte dans la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) qui porte une réforme ambitieuse et des solutions concrètes et opérationnelles en matière d'aménagement, pour répondre aux besoins de logement de tous les Français. Les enjeux auxquels font face les collectivités, tels que « le maintien des terres agricoles, de leurs commerces en centre-ville, et l'aménagement de leurs zones d'activités en périphérie », ne s'opposent pas à une réduction de la consommation des espaces naturels et agricoles. Au contraire, l'intensification urbaine des polarités urbaines existantes favorise la préservation des centres-villes et le renouvellement des périphéries de ville, tout en maintenant l'activité agricole. La lutte contre l'étalement urbain et la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers constitue l'un des objectifs dévolus aux collectivités territoriales au titre de leur action en urbanisme et contribue au respect des engagements de la France dans le cadre de l'accord de Paris (COP 21). En cohérence avec ces objectifs, les zones naturelles, agricoles et forestières sont par nature inconstructibles, sauf pour y accueillir des exploitations agricoles, y faire évoluer des bâtiments existants ou délimiter dans le plan local d'urbanisme (PLU) des secteurs de construction exceptionnels (STECAL). Toutefois, si le diagnostic territorial le justifie, notamment au regard d'une anticipation d'une hausse de la démographie nécessitant de nouvelles capacités d'accueil, la législation en urbanisme n'interdit pas aux collectivités d'ouvrir de nouvelles zones à urbaniser. Selon les cas, ces ouvertures seront effectuées par modification du PLU, dès lors qu'une délibération motivée de l'organe délibérant de l'établissement public compétent, ou du conseil municipal, justifie l'utilité de cette ouverture au regard des capacités d'urbanisation encore inexploitées dans les zones déjà urbanisées et la faisabilité opérationnelle d'un projet dans ces zones, ou par révision du document pour les zones à urbaniser de plus de neuf ans n'ayant pas fait l'objet d'acquisitions significatives directes ou indirectes de la collectivité. Les stratégies foncières doivent aussi pouvoir trouver leur traduction dans les PLU qui ont vocation à constituer de véritables plans d'aménagement des territoires. Ainsi la réorganisation de la carte intercommunale opérée par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a donné lieu à des mesures d'ajustement dans la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 précitée à même de simplifier le travail des élus dans la réalisation de leur plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). Ainsi, les EPCI issus d'une fusion « mixte », entre des EPCI détenant la compétence en urbanisme et d'autres ne la détenant pas, peuvent pendant une période de cinq ans maximum à partir de leur création, prescrire la révision générale d'un PLU (ou d'un PLUi) existant sans être obligées de ce fait d'engager l'élaboration d'un PLUi couvrant l'intégralité de leur périmètre. Ce sont environ 150 communautés nouvelles qui se sont retrouvés dans ce cas de figure depuis le 1er janvier 2017. Cette mesure est destinée à laisser du temps à ces communautés pour s'organiser et à l'ensemble des communes concernées pour s'acculturer à la situation, nouvelle pour certaines, de l'exercice de la compétence au niveau intercommunal, avant de lancer l'élaboration du PLUI. Pour faciliter l'exercice de la compétence PLU dans les communautés de communes, d'agglomération ou les communautés urbaines de très grande taille comportant plus de 100 communes, la loi « égalité et citoyenneté » a également introduit un chapitre spécifique dans le code de l'urbanisme consacré aux PLU, intitulé « Dispositions particulières aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de grande taille ». Ce chapitre crée un régime particulier facultatif pour l'exercice de la compétence « plan local d'urbanisme ». Ce régime dérogatoire au droit commun permet à ces communautés, sous réserve de remplir certains critères et après accord du préfet, de pouvoir réaliser, de manière échelonnée dans le temps ou concomitamment, plusieurs PLU « infra-communautaires » assurant la couverture de la totalité de leur territoire. En outre, afin de permettre aux EPCI d'achever sereinement leurs procédures de transformation de plan d'occupation des sols en PLUi, la loi « égalité et citoyenneté » a également mis en place un report généralisé de leur caducité au 31 décembre 2019 pour l'ensemble des démarches de PLUi engagées avant le 31 décembre 2015. Enfin, en zone tendue, la législation en matière d'urbanisme permet à l'autorité chargée de délivrer les permis de construire de déroger à diverses règles du PLU afin d'autoriser la surélévation de constructions visant à créer du logement. À ce titre, la loi Elan précitée prévoit que la transformation de constructions, notamment de bureaux, en logements pourra être autorisée en accordant un bonus de constructibilité de 30 % par rapport au gabarit de la construction existante, indépendamment des règles prévues par le PLU. De telles dérogations permettent, dans l'attente d'une éventuelle évolution du PLU, de densifier la ville par reconstruction sur elle-même tout en préservant les espaces agricoles, naturels et forestiers.

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