Question de M. ROGER Gilbert (Seine-Saint-Denis - SOCR) publiée le 23/11/2017
M. Gilbert Roger attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le projet de loi fondamentale qui définit l'Etat d'Israël comme le « foyer national du peuple juif ».
Ce texte, qui a été approuvé par la commission ministérielle israélienne des lois le 7 mai 2017, puis au Parlement par 48 voix contre 41 en vote préliminaire, devrait être examiné prochainement en séance plénière en première lecture à la Knesset.
Ce projet de loi, fortement soutenu par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, dispose qu'Israël est « l'État-nation du peuple juif » avec Jérusalem pour capitale et l'hébreu comme seule langue officielle. Le texte précise également que le droit à l'autodétermination est réservé au seul peuple juif. La langue arabe, parlée par 20 % d'Israéliens issus de la minorité arabe, perdrait ainsi son statut officiel et ne serait plus une langue officielle de l'État. Une disposition du projet de loi légalise enfin une ségrégation raciale en autorisant un groupe d'une même religion à vivre en communauté séparée des autres, permettant l'établissement des communautés exclusivement juives.
Ce projet de loi, qui risque d'aggraver grandement le statut de la minorité arabe des citoyens d'Israël, va à l'encontre des principes démocratiques et institutionnalise les discriminations raciales.
Aussi il lui demande de bien vouloir lui indiquer la position du Gouvernement français sur ce texte, qui intégrera les lois fondamentales israéliennes tenant lieu de Constitution en cas d'adoption à la Knesset.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 17/01/2018
Réponse apportée en séance publique le 16/01/2018
M. Gilbert Roger. J'attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le projet de loi fondamentale qui vise à définir l'État d'Israël comme le « foyer national du peuple juif ».
Ce texte devrait être examiné prochainement en séance plénière, en première lecture, par la Knesset. Fortement soutenu par le Premier ministre Benjamin Netanyahou, il dispose qu'Israël est « l'État-nation du peuple juif » avec Jérusalem pour capitale et l'hébreu comme seule langue officielle. Il précise également que le droit à l'autodétermination est réservé au seul peuple juif.
La langue arabe, parlée par au moins 20 % d'Israéliens issus de la minorité arabe, perdrait ainsi son statut et ne serait plus une des langues officielles de l'État.
Enfin, une disposition de ce texte définit et légalise une ségrégation ethnique en autorisant un groupe d'une même religion à vivre en communauté, séparé des autres. Cette mesure permet l'établissement de communautés exclusivement juives.
Non seulement ce projet de loi risque d'aggraver grandement le statut de la minorité arabe des citoyens d'Israël, mais il va à l'encontre des principes démocratiques et institutionnalise des discriminations raciales.
Aussi, je vous demande de bien vouloir m'indiquer la position du gouvernement français sur ce texte et sur les conséquences internationales qui découleraient de son adoption.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur Gilbert Roger, comme vous l'avez indiqué, un projet de loi sur le caractère juif de l'État d'Israël est actuellement examiné par le législateur israélien.
Il s'agit d'un projet de loi fondamentale en ce sens que ce texte aurait valeur constitutionnelle en cas d'adoption. Il rappelle un certain nombre d'éléments, que vous avez mentionnés. Il introduit notamment la reconnaissance d'Israël comme « foyer national du peuple juif » et accorde à ce dernier l'exclusivité du droit à l'autodétermination dans l'État.
Vous comprendrez qu'il n'appartient pas à la France de se prononcer sur les discussions de parlementaires étrangers. De même, il nous serait sans doute difficile d'accepter le regard d'autres États sur nos propres débats.
Le parlement israélien débat de cette question avec intensité. D'ailleurs, de nombreux amendements ont été déposés sur ce texte. Ainsi, je crois comprendre que des progrès sont en train d'être accomplis pour que le statut de la langue arabe ne soit pas remis en cause.
Pour autant, il est vrai que ce texte suscite des préoccupations de notre part.
Notre première préoccupation tient au risque de discrimination à l'encontre des citoyens arabes. À cet égard, je rappelle le profond attachement de la France au principe de non-discrimination, conformément aux engagements internationaux que nous avons pris, à l'instar, d'ailleurs, d'Israël, et conformément au droit international, lequel a vocation à s'appliquer à tous.
Notre seconde préoccupation porte sur la conformité de ce projet à la solution à deux États. En effet, la résolution de cette situation passe par la mise en place des deux États. Toute mesure susceptible de créer des discriminations entre citoyens juifs et arabes en Israël constituerait un obstacle supplémentaire sur cette voie.
Vous connaissez, en outre, la position constante de la France au sujet de Jérusalem. Au mois de décembre dernier, le chef de l'État a dit les choses très clairement. La France est naturellement l'amie du peuple palestinien, comme elle est l'amie du peuple israélien, et ce lien d'amitié nous permet aussi de dire les choses très franchement.
Ainsi, en accueillant le Premier ministre israélien, le Président de la République a pu évoquer un certain nombre de points relatifs, en particulier, à la colonisation. La France ne porte pas ses convictions dans un mouchoir, mais, bien au contraire, sur un étendard !
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Pour conclure, il importe également de prendre garde au moment. Aujourd'hui, le climat est tendu. Mieux vaut y regarder à deux fois avant de risquer de le tendre un peu plus.
Voilà ce que peut dire le gouvernement français à ce stade.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Monsieur le secrétaire d'État, merci de votre réponse. Le Sénat, notamment à travers ses deux groupes d'amitié France-Israël et France-Palestine, est extrêmement attentif à cette situation.
Nous avons récemment reçu, à leur demande, des parlementaires de la Knesset, membres de ce que j'appellerais la partie arabe de cette assemblée, alors qu'ils faisaient une tournée européenne. Ils ont également été reçus, me semble-t-il, par l'un des directeurs de votre ministère.
Ces parlementaires nous ont fait part de leurs préoccupations, notamment quant au statut de la langue arabe, car cette réforme risque d'entraîner de grandes complications pour un certain nombre de citoyens israéliens de langue arabe. Ils ont exprimé la même inquiétude auprès des instances de l'Union européenne.
Nous devons donc rester dans notre rôle vous l'avez rappelé avec raison et, en même temps, nous montrer extrêmement positifs, afin que de telles lois ne puissent pas remettre en cause les relations internationales et les règles internationales que les pays se donnent.
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