Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SOCR) publiée le 10/11/2017

Question posée en séance publique le 09/11/2017

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le Premier ministre, de nouveau, si tant est que cela ait cessé un jour, le journal Charlie hebdo est victime de menaces et d'attaques, aussi bien à l'égard de sa rédaction que dans son esprit. Ces menaces sont physiques à l'encontre des journalistes ; elles sont aussi idéologiques.

Alors que Charlie Hebdo n'épargne aucun intégrisme, qu'il se réclame du Coran, de la Torah ou de la Bible, alors que Charlie Hebdo traite avec la même férocité les prêtres pédophiles et les prédicateurs prédateurs, la même injonction au silence, le même procès en prétendue « islamophobie » se poursuit.

Comme après la publication des caricatures danoises, nous entendons les mêmes phrases : « Charlie en fait trop », « Charlie provoque », « Charlie ne respecte rien ».

« Je ne suis pas Charlie » revendiquaient, après la tuerie de janvier 2015, ceux qui considéraient que par leurs excès, somme toute, les journalistes de Charlie l'avaient sans doute un peu cherché.

Face à la confusion, nous devons réaffirmer plus que jamais : « Nous sommes Charlie, nous restons toujours Charlie ».

Nous devons répéter que la France ne tolère ni le racisme, ni l'antisémitisme, ni l'homophobie, ni la misogynie.

Et nous devons rappeler aux intellectuels égarés que combattre le fanatisme islamiste est la première responsabilité que nous ayons à l'égard des musulmans de France. Nous devons rappeler aussi que le plus intolérable des amalgames est celui qui, au prétexte de les défendre, assimile les musulmans aux islamistes.

Monsieur le Premier ministre, vos prédécesseurs Manuel Valls et Bernard Cazeneuve, avec le Président François Hollande, ont inscrit la laïcité dans le combat moderne de la République.

Comment entendez-vous poursuivre cette action et mobiliser les Français contre la haine, contre l'antisémitisme et contre l'obscurantisme ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 10/11/2017

Réponse apportée en séance publique le 09/11/2017

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, si j'osais, je vous dirais que je ne sais pas si je suis Charlie. Mais je sais que je suis Français, et je sais que je suis républicain,…

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Très bien !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … au sens le plus noble du terme (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.), comme vous, madame la sénatrice ! Et parce que je suis français, parce que je suis profondément attaché à la République, je suis profondément attaché à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

L'article XI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que j'ai déjà eu l'occasion de citer - mais je le fais de nouveau avec plaisir, car on ne le répète jamais assez –, dispose : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Nous sommes, parce que nous sommes attachés à la République, libres de penser, libres de nous exprimer, libres de publier et libres de caricaturer. Et Charlie Hebdo s'est fait une spécialité de la caricature.

Vous avez dit, madame la sénatrice, à juste titre, que cet hebdomadaire satirique était féroce. Il l'est, avec tout le monde. De ce point de vue, personne n'est épargné. On peut ne pas trouver drôles les caricatures publiées dans cet hebdomadaire satirique. On peut les trouver parfois savoureuses, mais on peut ne pas les trouver drôles. On peut même les trouver choquantes ; il m'arrive de les trouver choquantes. Cependant, ce sont des caricatures : elles sont donc l'expression d'une liberté fondamentale, et il faut défendre cette liberté, et la défendre à tout prix.

Les journalistes, les caricaturistes, les personnels qui travaillent à Charlie Hebdo ont payé un tribut très lourd à ce droit à caricaturer. Vous étiez sans doute, madame la sénatrice (Un sénateur s'exclame.),… Je ne vois pas ce qu'il y a d'insultant à appeler Mme la sénatrice : madame la sénatrice ! Vous étiez sans doute, madame la sénatrice, comme moi, comme beaucoup d'autres Français, dans ces manifestations où un très grand nombre d'anonymes ont témoigné de cette solidarité puissante, de cette volonté puissante du peuple français de ne jamais se résigner, de ne jamais accepter.

Aujourd'hui, ces menaces recommencent. Des mesures de protection extrêmement fermes et importantes ont été prises pour préserver la sécurité des lieux et des personnes qui concourent à la publication de cet hebdomadaire satirique. Elles sont d'ailleurs prises depuis longtemps, comme vous le savez.

Au-delà de ces mesures de protection, je voudrais insister sur un point que j'ai eu l'occasion d'évoquer avec Mme la garde des sceaux et que je crois indispensable : non seulement nous devons être fermes face à ces menaces, mais nous ne devons pas accepter l'impunité ou la prétendue impunité qui se cache derrière l'anonymat que permet trop souvent l'utilisation des réseaux sociaux. Je suis frappé comme vous du nombre de menaces, d'insultes qui sont publiées sur les réseaux sociaux par ceux qui font preuve d'un courage considérable en se cachant derrière des pseudonymes, pensant qu'ils ne seront jamais démasqués et peuvent donc dire tout ce qu'ils veulent.

Il faut combattre l'expression de ces menaces sous couvert d'anonymat. Nous y sommes déterminés. Et je veux dire avec vous, madame la sénatrice, combien je suis attaché à la liberté d'expression, combien celle-ci est consubstantielle de ce que nous sommes, un élément de la démocratie, un élément de la République. Nous devons tous ensemble, dans la lignée de ce qui a été engagé précédemment - vous avez cité le Premier ministre Manuel Valls, je lui rends bien volontiers hommage ; vous avez cité l'action de Bernard Cazeneuve, je lui rends bien volontiers hommage ; vous auriez pu citer l'action du Président Nicolas Sarkozy, je lui rends bien volontiers hommage (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.) –, sans polémique, continuer à nous engager dans ce domaine sans aucune faiblesse, avec beaucoup de détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le Premier ministre, pour ma part, je n'ai aucune hésitation, justement parce que je suis républicaine et française, à dire que je suis Charlie…

M. Jacques Grosperrin. Ça ne veut rien dire !

Mme Laurence Rossignol. … et que les caricatures de Charlie sont indispensables à la liberté d'opinion en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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