Question de M. GROSPERRIN Jacques (Doubs - Les Républicains) publiée le 01/11/2017
Question posée en séance publique le 31/10/2017
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a suscité beaucoup d'espoir chez tous ceux qui déplorent que l'université française n'arrive plus à se hisser au même niveau que ses homologues à l'étranger.
Le taux d'échec des étudiants grandissant ils sont moins d'un tiers à réussir leur licence en trois ans , le Président de la République n'a-t-il pas déclaré : « Il faut arrêter de croire que l'université est la solution pour tout le monde » ?
Les Français, à plus de 66 %, sont conscients également de l'absurdité d'un système éducatif qui tourne le dos au mérite. Ils sont prêts à entendre la vérité. Aussi, pourquoi éviter les mots « prérequis » et « sélection » ? Nos compatriotes sont prêts à entendre, monsieur le Premier ministre, que l'université n'est pas la solution pour tout le monde, car la pire des sélections est la sélection sociale.
M. Jean-Claude Carle. C'est vrai !
M. Jacques Grosperrin. Votre idée, c'est vous qui le dites, n'est pas de dire « oui ou non », mais de dire « oui ou oui si » et de donner le dernier mot aux étudiants. Bel exercice sémantique qui fleure bon la prudence, peut-être même le compromis
Ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre, que le mérite, que je qualifie de républicain, doit être le critère déterminant pour orienter les étudiants et assurer l'égalité entre les citoyens ? Ne pensez-vous pas qu'en euphémisant votre projet initial et en cédant devant ceux dont l'idéologie a mis à mal notre système éducatif depuis de trop longues années,
M. David Assouline. C'est vous qui l'avez mis à mal !
M. Jacques Grosperrin.
vous risquez de faire rater à la France, à l'université et à ses étudiants une belle occasion de réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 01/11/2017
Réponse apportée en séance publique le 31/10/2017
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Grosperrin, j'ai le sentiment que, pendant très longtemps, on s'est demandé avant tout si c'était les mots ou la réalité qui comptait le plus. Et l'on tranchait souvent la question en disant que c'était les mots, les principes, et en examinant peut-être moins qu'il ne le fallait la réalité de l'enseignement supérieur.
La réalité de l'enseignement supérieur, quelle est-elle aujourd'hui ? Elle est une sélection massive par l'échec ; elle est une sélection injuste par le tirage au sort. En disant cela, je décris une réalité qui n'est pas satisfaisante et qui même, à certains égards pardon d'employer ce terme , n'est pas glorieuse.
Elle n'est pas glorieuse collectivement, s'agissant d'un dispositif qui est pourtant essentiel à l'avenir de notre pays, à la formation de sa jeunesse, au relèvement du défi de l'intelligence collective, au relèvement du défi individuel de l'épanouissement par l'intelligence. Au total, nous obtenons des résultats qui ne sont pas glorieux.
Certes, il y a encore de remarquables résultats à l'université et dans l'ensemble de l'enseignement supérieur français, bien entendu, mais 60 % de ceux qui entrent à l'université n'obtiennent pas leur licence au bout de quatre ans. C'est cela la sélection par l'échec, avec en outre un système de tirage au sort qui est évidemment d'une très grande injustice.
J'ai voulu, avec la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et avec le ministre de l'éducation nationale, concevoir un système qui permettrait d'apporter des réponses crédibles à ces dysfonctionnements, en faisant le pari de l'orientation et de l'association des enseignants du second degré et des enseignants du supérieur à la définition de ce qui est nécessaire pour que l'étudiant réussisse. Nous avons fait le pari de la réussite pour les étudiants !
Cela passe par une meilleure orientation lors du second cycle et par une meilleure information sur la réalité des filières, sur leurs succès et sur ce qui est attendu d'un étudiant. Ainsi celui-ci aura-t-il les meilleures chances de réussir dans la filière qu'il aura choisie.
Vous l'avez dit à juste titre, monsieur le sénateur, le dispositif que nous proposons prévoit que l'étudiant aura le dernier mot dans le choix de la filière, mais que l'établissement aura le dernier mot en matière de définition du parcours de l'étudiant.
Mme Esther Benbassa. Cela s'appelle de la sélection !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Cela signifie que, lorsqu'un étudiant a un projet, lorsqu'il est motivé pour s'inscrire dans une filière, il pourra le faire, mais il sera accompagné si l'établissement, qui fera une analyse individuelle de chacun des dossiers, considère qu'il n'a pas suffisamment d'éléments pour dire de façon crédible qu'il va réussir dans cette filière.
Mme Esther Benbassa. Cela s'appelle de la sélection !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. C'est donc de l'orientation, de l'accompagnement, des moyens supplémentaires aussi, à savoir un milliard d'euros si l'on additionne les fonds au titre du grand plan d'investissement et les crédits budgétaires mis à disposition des établissements d'enseignement supérieur dans les cinq années qui viennent.
À côté de ce pari de l'orientation, nous avons la volonté d'améliorer la situation matérielle des étudiants, de transférer vers eux du pouvoir d'achat, pour faire en sorte que leur parcours s'effectue dans de meilleures conditions. C'est le sens de la suppression de la cotisation de sécurité sociale étudiante et du rattachement de l'ensemble des étudiants au régime général de la sécurité sociale, pour rendre un meilleur service, pour avoir de moindres frais de gestion et pour récupérer du pouvoir d'achat au bénéfice des étudiants. Il s'agit donc d'un vaste plan d'ensemble.
Comme j'ai dépassé mon temps de parole et que je sens le président Larcher bouillir derrière moi (Sourires.), je ne peux pas aller beaucoup plus loin, mais sachez, monsieur le sénateur, que ce qui est en jeu, dans cette réforme, c'est la réussite des étudiants.
Il ne s'agit pas de grands mots ou de grands principes ; il s'agit, tout simplement, de la réussite de chaque étudiant. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. Merci, monsieur le Premier ministre. Je maîtrise ma température (Sourires.)
La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le Premier ministre, derrière les mots, il y a parfois aussi des maux. À mon sens, il est important de dire les choses. « Prérequis » et « sélection » signifient aussi que, à un moment donné, des lycéens doivent se rendre compte qu'il est compliqué d'entrer à l'université, qu'il leur faut travailler et qu'il y a un certain niveau d'exigence à respecter.
Enfin, il est important de prêter attention aux signaux que l'on envoie. Ainsi, on entend beaucoup dire que le Président de la République voudrait célébrer Mai 68 Ce serait à mon sens catastrophique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. David Assouline. Quel est le rapport ?
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