Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 12/10/2017

Sa question écrite du 4 août 2016 n'ayant pas obtenu de réponse sous la précédente législature, M. Jean Louis Masson attire à nouveau l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le fait que les travailleurs handicapés accueillis dans les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) n'ont pas le statut de salariés et ne sont donc pas régis par le code du travail. Ils relèvent du code de l'action sociale et des familles (CASF) dont l'article R. 243-11 dispose qu'ils ont le droit à un congé annuel égal à deux jours et demi par mois passé au sein de l'établissement, dans la limite de 30 jours par an. Cette situation entraîne une difficulté particulière lorsqu'un travailleur handicapé est victime d'un accident du travail car il ne peut alors pas reporter les congés après la date de reprise du travail si cette reprise intervient après la fin de l'année concernée. Or, sur le fondement d'une directive européenne n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, la jurisprudence considère que les congés payés acquis par un salarié qui s'est trouvé dans l'impossibilité de les prendre en raison d'un accident du travail doivent être reportés après la reprise du travail, y compris au besoin d'une année sur l'autre (Cass. soc., 9 mars 2011, n° 09-66134). Par ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), saisie d'une question préjudicielle par la Cour de cassation, a jugé (arrêt n° C-316/13 du 26 mars 2015) que les personnes handicapées accueillies en ESAT sont des travailleurs au sens de la directive du 4 novembre 2003. Toutefois, le CASF n'a pas été modifié en conséquence pour tenir compte des décisions de la CJUE. De ce fait, le directeur d'un ESAT est fondé à refuser le report des congés payés au-delà de l'année en cours, qu'un travailleur handicapé ne peut pas prendre au motif qu'il était en arrêt pour accident du travail. Certes, si un tribunal était saisi d'un recours contre une telle décision, cela conduirait à l'application de la jurisprudence susvisée de la CJUE ou à la saisine de la CJUE et, donc à la reconnaissance aux travailleurs des ESAT du droit au report de leurs congés payés jusqu'après la reprise d'un accident du travail. Il est profondément regrettable que, faute d'introduction explicite de la jurisprudence de la CJUE dans la législation française, les travailleurs handicapés accueillis dans des ESAT soient victimes d'une injustice car ils n'ont pas les moyens d'engager les sommes nécessaires pour une procédure judiciaire, qui ferait constater une incohérence du droit français par rapport aux règles européennes. Il lui demande donc quelles sont les mesures qu'elle envisage de prendre pour remédier à cette situation.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées


Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées publiée le 18/10/2018

L'arrêt Fenoll rendu par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) le 26 mars 2015, suivi de l'arrêt du 16 décembre 2015 de la chambre sociale de la Cour de cassation qui l'avait saisie par la voie préjudicielle sur la question des droits des personnes handicapées en établissements et services d'aide par le travail (ESAT), n'ont pas substantiellement modifié le régime juridique du travail protégé, dans la mesure où le juge français n'a pas remis en cause le statut d'usagers qu'ont, en droit national, les travailleurs handicapés en ESAT, tel qu'il est défini par le code de l'action sociale et des familles (CASF), confirmant en cela sa jurisprudence antérieure suivant laquelle les travailleurs handicapés des ESAT ne sont pas des salariés régis par le code du travail faute d'avoir un contrat de travail. Ainsi, leur régime de congés payés est fixé par le CASF qui comporte un ensemble de dispositions sur ce point, et non par le code du travail. Dans l'arrêt rendu le 26 mars 2015, la CJUE a jugé que les travailleurs handicapés des ESAT sont « des travailleurs au sens du droit de l'UE », catégorie juridique autonome du droit de l'UE plus large que celle des salariés en droit national. Elle couvre également les stagiaires qui ne sont pas des salariés, mais aussi les apprentis. En tant que travailleurs au sens du droit de l'UE, les usagers des ESAT bénéficient donc notamment des dispositions relatives au congé annuel de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. Toutefois, du moment que l'article 7 de ladite directive est respecté, la reconnaissance par la CJUE du statut de travailleur au sens du droit de l'UE n'entraîne pas nécessairement l'application aux usagers des ESAT des dispositions de notre droit national régissant des catégories différentes de travailleurs, en particulier les salariés dont les droits sont issus du code du travail, complétés le cas échéant par des dispositions de nature conventionnelle (conventions et accords collectifs). S'il ne conduit pas à remettre en cause le « modèle ESAT » et le cadre juridique qui le régit, l'arrêt de la CJUE soulève la question de l'application aux personnes handicapées en ESAT de certaines dispositions de la Charte des droits fondamentaux de décembre 2000 qui a acquis valeur obligatoire au moment de l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne auquel elle est annexée, soit au 1er décembre 2009. Cette Charte énonce plusieurs droits dans son « chapitre IV Solidarité », concernant les travailleurs au sens du droit de l'Union européenne, qui ont donc vocation à s'appliquer aux personnes handicapées en ESAT, dont l'article 31 (conditions de travail justes et équitables – durée maximale de travail, périodes de repos et congés payés). L'application de l'article 31 de la Charte relatif entre autres aux congés ne soulève pas de difficultés particulières dans la mesure où le CASF comporte des dispositions portant sur le temps de travail et le droit à congés pour les usagers d'ESAT. Ces dispositions sont fixées notamment par les articles R. 243-11 à R. 243-13 du CASF entrés en vigueur le 1er janvier 2007. Celles-ci ne prévoient pas aujourd'hui de report de plein droit des congés annuels.

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