Question de M. JOYANDET Alain (Haute-Saône - Les Républicains) publiée le 26/10/2017
M. Alain Joyandet attire l'attention de M. le Premier ministre sur différentes mesures fiscales relatives au logement inscrites dans le projet de loi n° 235 (Assemblée nationale, XVe législature) de finances pour 2018. La première mesure consiste à concentrer le prêt à taux zéro pour les constructions neuves (« PTZ neuf ») dans les secteurs immobiliers en tension, au détriment des zones moins tendues. Or, l'exclusion de ces dernières, constituées principalement de territoires ruraux, aura pour effet d'exclure de ce dispositif les populations qui y vivent, alors qu'elles en bénéficient actuellement le plus. Par ailleurs, l'annonce effectuée par le président de la République sur ce sujet, selon laquelle le PTZ neuf serait prolongé pendant deux années en zones moins tendues, n'est pas satisfaisante. En effet, cette prolongation est limitée dans le temps. En outre, elle sera assortie d'une diminution du plafond du PTZ neuf de 40 à 20 %. Cela n'est pas acceptable, car cela institue une ségrégation entre les candidats à l'accès à la propriété selon le territoire où ils souhaitent s'établir. De la même manière, la deuxième mesure, qui s'inscrit totalement dans la philosophie de la première, correspond au recentrage de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi Pinel, aux mêmes zones tendues, ce qui aura pour effet de concentrer encore plus les investissements immobiliers locatifs dans les territoires très urbains. Le cumul de ces deux mécanismes aura pour effet d'accentuer un peu plus la fracture territoriale dans notre pays et d'annihiler davantage la politique d'aménagement du territoire de la République. En concentrant la politique fiscale relative aux investissements immobiliers (résidentiels ou locatifs) dans quelques grandes villes, on y concentrera inévitablement les populations et l'activité économique, alors qu'il faudrait plutôt orienter les politiques publiques en faveur du développement des territoires qui sont naturellement les moins dynamiques démographiquement et économiquement. La troisième mesure consiste, d'une part, à sortir les changements de menuiseries du crédit impôt pour la transition énergétique (CITE) à compter du 27 mars 2018, elle-même précédée de la réduction, pour ces mêmes équipements, du taux applicable de 30 à 15 % à partir du 27 septembre 2017, mais surtout, d'autre part, à remplacer l'actuel CITE par une prime à partir de 2019. À la différence du CITE, qui avait une portée universelle, c'est-à-dire qu'il bénéficiait sans distinction de ressources à toutes les personnes qui avaient réalisé des travaux d'isolation ou d'amélioration du chauffage de leur résidence principale, la prime pour la transition énergétique ne s'adressera plus qu'aux ménages aux revenus les plus modestes. Or, une nouvelle fois, c'est la classe moyenne qui va être lourdement pénalisée avec cette mesure. C'est également cette même classe moyenne, en grande partie propriétaire de son logement, a fortiori en zone rurale, qui pâtira de l'augmentation inévitable à moyen terme des taxes foncières, avec la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages, et de la potentielle suppression de l'universalité des allocations familiales. La concentration des politiques publiques au profit des plus modestes se fera incontestablement au détriment des classes moyennes. Enfin, ces dernières, qui se trouvent en grande partie dans les territoires ruraux, devront supporter en outre le rattrapage du prix du litre de diesel sur celui de l'essence. Parallèlement, alors que le bâtiment semble aller beaucoup mieux depuis le début de l'année, ces différentes mesures fiscales en matière de logement affecteront le nombre de mises en chantier et, en conséquence, l'emploi dans ce secteur. Dans ce contexte d'augmentation sensible de la pression fiscale sur les classes moyennes, il souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage de revoir ou de corriger ces différentes mesures.
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Transmise au Ministère de la cohésion des territoires
Réponse du Ministère de la cohésion des territoires publiée le 06/12/2017
Réponse apportée en séance publique le 05/12/2017
M. Alain Joyandet. Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre présence.
Le projet de loi de finances pour 2018 est actuellement débattu au sein de la Haute Assemblée. Il comporte plusieurs mesures fiscales relatives au logement qui sont de nature à susciter de l'inquiétude, tant pour les classes moyennes et les territoires ruraux que pour l'emploi.
La première de ces mesures, figurant à l'article 40, consiste à recentrer le prêt à taux zéro pour les constructions neuves sur les secteurs les plus en tension sur le plan immobilier. Or l'exclusion des zones les moins tendues, constituées principalement de territoires ruraux, aura pour effet de priver du bénéfice de ce dispositif les populations qui y vivent, alors que ce sont celles qui en bénéficient le plus actuellement.
Parallèlement, le recentrage du prêt à taux zéro pour les logements anciens sur les secteurs les moins en tension n'est pas davantage acceptable. Conjugué au recentrage du prêt à taux zéro pour les constructions neuves, il institue une ségrégation entre les candidats à l'accès à la propriété selon le territoire où ils souhaitent s'établir.
Avec cette première mesure, aux territoires urbains, des logements neufs, et aux territoires ruraux, des logements anciens !
La deuxième mesure, inscrite à l'article 39, relève de la même philosophie que la première. Il s'agit du recentrage de la loi dite « Pinel » sur les mêmes zones tendues, ce qui aura pour effet de concentrer encore davantage les investissements immobiliers locatifs dans les territoires urbains, voire très urbains.
La prorogation des prêts à taux zéro et du dispositif Pinel jusqu'au 31 décembre 2021 prévue par le projet de loi de finances pour 2018 va dans le bon sens. Néanmoins, leur recentrage global sur les zones les plus urbanisées aura pour effet d'accentuer un peu plus encore la fracture territoriale dans notre pays et d'affaiblir encore davantage la politique d'aménagement du territoire de la République.
En centrant la politique fiscale relative aux investissements immobiliers, résidentiels ou locatifs, sur quelques grandes villes, on concentrera inévitablement dans celles-ci les populations et l'activité économique, alors qu'il faudrait plutôt orienter les politiques publiques en faveur du développement des territoires qui sont naturellement les moins dynamiques.
La troisième mesure consiste à remplacer l'actuel crédit d'impôt pour la transition énergétique, le CITE, par une prime éponyme à partir de 2019. Cette mesure, si elle n'est pas prévue en tant que telle par le projet de loi de finances pour 2018, est anticipée, notamment, par l'exclusion des chaudières à fioul et des menuiseries du champ du CITE d'ici au 30 juin 2018.
Monsieur le ministre, toutes ces mesures cumulées inquiètent terriblement nos territoires. Je suis impatient d'entendre votre réponse.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vos observations, certes pertinentes, ne correspondent pas tout à fait à la réalité de ce que le Gouvernement est en train de faire.
En effet, concernant le prêt à taux zéro, nous allons aboutir à une solution qui me paraît au contraire parfaitement équilibrée. Ce dispositif est maintenu, alors qu'il devait prendre fin le 31 décembre 2017, tout comme le dispositif Pinel. Le Gouvernement a pris la décision de prolonger le dispositif Pinel pour quatre années dans les zones tendues et de reconduire celui du prêt à taux zéro, dans les zones dites « détendues », pour quatre années pour l'ancien et deux années pour le neuf. Cela permettra de donner de la visibilité aux constructeurs et à ceux qui veulent investir dans le secteur du logement.
S'agissant du CITE, nous envisageons de le remplacer en 2019 par une prime. Cela constituera pour les personnes concernées un avantage beaucoup plus simple à mobiliser.
Il ne faut pas faire au Gouvernement le procès de laisser les territoires ruraux ou les classes moyennes de côté, car ce n'est pas le cas. Au contraire, je suis en train de mettre en uvre un plan spécifique pour les villes moyennes, ce qui n'avait pas été fait depuis les années soixante-dix. Ce dispositif permettra de rétablir un équilibre qui a été pour le moins fragilisé par la métropolisation.
J'ai récemment signé un protocole d'accord avec Action Logement, qui investira 1,5 milliard d'euros dans les villes moyennes au cours des cinq prochaines années. L'État va intervenir sur le plan de l'ingénierie et développer, en coordination avec la Caisse des dépôts et consignations, un certain nombre de dispositifs à destination de ces villes moyennes qui irriguent les territoires ruraux situés dans leur périphérie. Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement partage vos préoccupations.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Pour avoir siégé avec vous sur ces travées, je sais que vous êtes sensible à l'équilibre des territoires. Il ne doit donc pas toujours être facile pour vous de défendre les textes actuels
J'ai bien compris que vous alliez lancer de nouveaux projets pour contrebalancer la politique suivie jusqu'ici. Toutefois, pour l'instant, en l'état du droit, nous n'en sommes qu'au stade des intentions.
Je veux vraiment insister sur l'inquiétude qui règne dans nos territoires ruraux, où les classes moyennes subissent souvent une double peine. Je tiens à vous remercier pour votre annonce relative aux villes moyennes, mais il faudra tout de même rester très attentifs à la situation du logement, car les professionnels du bâtiment ont eux aussi des raisons d'être inquiets.
Nous attendons de prendre connaissance des textes qui seront soumis au Parlement dans les mois qui viennent. Nous serons évidemment à vos côtés pour vous aider à atteindre l'objectif d'instaurer un meilleur équilibre de nos territoires, au bénéfice de ceux de nos concitoyens qui ont fait le pari d'y vivre avec leurs enfants.
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