Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 19/10/2017
M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'impact économique, social et environnemental du projet EuropaCity sur le nord-est parisien (Seine-Saint-Denis, Val-d'Oise et Seine-et-Marne).
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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 22/11/2017
Réponse apportée en séance publique le 21/11/2017
M. Fabien Gay. Le projet immobilier et commercial EuropaCity, dont l'implantation est prévue sur le triangle de Gonesse, menace l'équilibre des territoires concernés de Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise. Son impact économique, social et environnemental sera en effet important, et même désastreux.
Ainsi, parmi les nombreuses problématiques soulevées, celle de la concurrence avec les centres commerciaux ou de loisirs et les commerces de proximité plus ou moins proches est centrale, de même que celle de l'emploi.
EuropaCity occupera quatre-vingts hectares de terres agricoles fertiles. Ces terres cultivables permettraient d'encourager en Île-de-France le développement des circuits courts et d'une production locale respectueuse de l'environnement, comme le propose notamment les auteurs du projet alternatif CARMA. Surtout, elles constituent un puits de carbone, qui favorise l'équilibre et la régulation de la température sur le territoire, notamment dans la capitale, en cas de canicule.
Nous sommes très préoccupés par les risques d'accroissement de la pollution et par l'allongement des temps de trajet, car les autoroutes A1 et A3, déjà surchargées, seront complètement saturées. L'autorité environnementale indique que le temps de trajet entre Paris et l'aéroport de Roissy passerait de 50 à 90 minutes : c'est un sévère problème tant pour les habitants que pour le fonctionnement de cet aéroport.
La mobilisation citoyenne grandit, à juste titre, contre EuropaCity et M. le ministre d'État Nicolas Hulot s'est lui-même prononcé contre la réalisation de ce projet incompatible avec le plan Climat , tout comme le commissaire enquêteur. Nous les rejoignons sur ce point : nous ne souhaitons pas la réalisation de ce projet, qui véhicule un modèle de société contribuant à la mise à bas des objectifs de la France en matière de préservation de l'environnement, objectifs qu'il est pourtant vital de réaliser de manière urgente et cohérente.
Madame la secrétaire d'État, l'État français va-t-il prendre ses responsabilités et mettre un terme à ce projet nocif pour l'environnement et nos territoires, comme il en a la possibilité, pour aller vers un projet d'aménagement qui soit respectueux des engagements de la France en matière environnementale ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, ne pouvait malheureusement être présent aujourd'hui. Il m'a chargée de vous répondre à sa place.
Le projet d'extension urbaine de très grande ampleur que vous évoquez pose la question de la refondation de notre modèle d'aménagement commercial, pour le rendre plus respectueux de la préservation des espaces agricoles et naturels.
En effet, la construction de 800 000 mètres carrés de bureaux supplémentaires interviendrait alors même que la région dispose aujourd'hui de près de 3,5 millions de mètres carrés vacants. Ce projet prévoit également la création de 250 000 mètres carrés de commerces à proximité immédiate d'un centre commercial qui connaît lui-même des difficultés. De plus, la création de ces nouvelles surfaces commerciales ne pourrait se faire qu'au détriment des commerces de proximité.
La desserte de ce complexe, malgré le projet de création d'une gare du futur Grand Paris Express, requerra de façon majoritaire le recours à la voiture. Cet aménagement contribuera donc à la congestion du trafic, déjà très dense dans ce secteur, à la dégradation de la qualité de l'air, mais aussi à l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, l'implantation du projet est incompatible avec les objectifs de préservation des terres agricoles et de lutte contre l'artificialisation des sols inscrits notamment dans le schéma directeur de la région d'Île-de-France, le SDRIF. Le projet EuropaCity consommerait à lui seul 80 hectares de terres agricoles, qui sont les plus fertiles d'Île-de-France et sont nécessaires à la satisfaction des besoins alimentaires de la capitale dans le cadre de circuits courts d'approvisionnement.
Malgré plusieurs avis défavorables, le plan local d'urbanisme de la ville de Gonesse, révisé en octobre dernier, autorise l'ouverture à l'urbanisation du triangle de Gonesse. Le commissaire enquêteur a également rendu des conclusions défavorables, relayant des préoccupations de la population exprimées lors de la concertation.
Pour toutes ces raisons, je ne peux que m'interroger sur la compatibilité du projet, dans son état actuel, avec les politiques de transition écologique et solidaire que Nicolas Hulot et moi-même soutenons.
Nous avons néanmoins conscience que ce projet pourrait contribuer au développement économique régional, le triangle de Gonesse ayant été identifié comme un territoire stratégique pour le Grand Paris. Ce projet a été soutenu par le précédent gouvernement et continue d'être accompagné par un opérateur de l'État. Aussi semble-t-il nécessaire d'engager, sur ce dossier, un travail interministériel, en tenant compte des attentes des collectivités concernées, pour redéfinir la position du Gouvernement et étudier quelles pourraient être les alternatives ou évolutions possibles.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d'État, je prends bonne note de votre réponse et de votre engagement. Je constate que nous nous rejoignons sur plusieurs points, notamment sur la question environnementale.
Ce projet, qui est d'intérêt régional et même national, nous amène à nous interroger sur notre vision de la société dans laquelle nous voulons vivre. Voulons-nous, demain, de grands ensembles d'immobilier commercial où le consumérisme et l'argent sont rois ? Ou souhaitons-nous plutôt tendre vers un autre modèle de développement, plus respectueux de l'environnement et des citoyens, privilégiant les circuits courts en matière d'alimentation et les commerces de proximité ?
En tant qu'élu de Seine-Saint-Denis, département qui connaît un taux de chômage élevé, j'entends aussi qu'un grand projet de ce type est source d'emplois. Pour autant, si l'on évalue à 12 000 le nombre d'emplois qui pourraient être créés avec ce projet, d'autres études dignes d'intérêt montrent que, en parallèle, plusieurs milliers d'emplois pourraient être détruits dans les centres commerciaux, les parcs de loisirs et commerces existants. Le gain d'emplois n'est donc pas garanti.
C'est pourquoi il est nécessaire de poursuivre le débat, et j'espère que les élus locaux et les associations qui se mobilisent sur le terrain y seront associés.
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