Question de M. PATRIAT François (Côte-d'Or - LaREM) publiée le 27/10/2017
Question posée en séance publique le 26/10/2017
M. François Patriat. Monsieur le Premier ministre, lundi dernier, à l'issue d'une très longue journée de concertation, les ministres des affaires sociales de l'Union européenne ont abouti à un compromis historique sur la révision de la directive « travailleurs détachés ». Il s'agit là d'une avancée importante, répondant aux vœux du Président de la République, qui voulait que l'on modifie le cadre juridique applicable aux travailleurs détachés de façon à construire une Europe qui protège.
C'est à l'issue d'un long tour des capitales européennes que le chef de l'État a réussi à convaincre ceux qui étaient jusqu'à présent réticents, aboutissant ainsi à ce que, demain,
M. Jacques Grosperrin. Dans combien de temps ?
M. François Patriat.
sur notre territoire, on ne puisse plus profiter des différences de protection sociale et salariale existant entre les pays membres et qui pouvaient aller de un à trois dans l'Europe à quinze et de un à dix dans l'Europe à vingt-huit.
M. Jacques Grosperrin. Surtout chez les transporteurs !
M. François Patriat. Vous comprendrez que les travailleurs se sentiront un peu mieux protégés et que les entreprises subiront moins la concurrence internationale.
Nous aboutissons ainsi à quatre avancées majeures.
En premier lieu, dans tous les pays d'Europe, les salariés seront payés au tarif du pays où ils sont détachés. En deuxième lieu, la fraude sera mieux contrôlée. En troisième lieu, la durée du travail détaché ne pourra excéder douze mois, au lieu de vingt-quatre, voire plus, aujourd'hui. En quatrième lieu, la voie est maintenant ouverte à des améliorations dans le domaine routier, qui relèvera de la directive, au cours des six prochains mois.
Voici ma question, monsieur le Premier ministre (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) : quelles suites voyez-vous à cette décision historique, que mes collègues salueront tous, je l'espère, avec moi ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 27/10/2017
Réponse apportée en séance publique le 26/10/2017
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Patriat, je vous remercie de vos propos, qui saluent l'investissement du Président de la République, du Gouvernement et de l'ensemble de la diplomatie française.
Je veux, si vous me le permettez, remercier notamment de leur travail exceptionnel Mmes Muriel Pénicaud, ministre du travail, et Nathalie Loiseau, ministre chargée des affaires européennes (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.), qui ont toutes les deux parcouru de façon incessante les capitales européennes, pour expliquer la position française et convaincre de son bien-fondé.
Revenons un peu en arrière, mesdames, messieurs les sénateurs. Personne ici, je crois, ne considérait, voilà trois ans, que la situation prévalant sous l'empire de la directive telle qu'elle existait à l'époque, était une bonne situation.
M. François Patriat. Exactement !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je n'ai jamais vu aucun parlementaire, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat, se lever pour affirmer : « Cette directive est vraiment parfaite, surtout ne la changeons pas ! ».
M. André Gattolin. Absolument !
M. Jacques Grosperrin. C'est vrai !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. La solution n'était donc pas satisfaisante.
Il y a un peu plus d'un an, lorsque la Commission européenne a déposé sur la table sa proposition, peu de gens imaginaient que celle-ci serait susceptible de rencontrer rapidement un accord, parce que de très nombreux pays disaient ne pas vouloir d'une modification de la directive « travailleurs détachés ».
Lundi dernier, après un travail très important de conviction, après que nos partenaires les plus proches eurent décidé de se rallier à nous et que d'autres partenaires, plus lointains je pense à un certain nombre de pays qui se trouvent à l'est de l'Europe et que l'on n'espérait pas forcément de notre côté sur ce sujet eurent décidé de nous rejoindre, nous avons obtenu un accord. J'ai la conviction, et elle est largement partagée, que l'accord que nous avons obtenu sur la directive « travailleurs détachés » crée une situation bien meilleure aujourd'hui qu'hier.
M. André Gattolin. C'est bien mieux !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Est-ce que cela signifie qu'elle est parfaite ? Peut-être pas. Est-ce que cela signifie qu'elle est meilleure qu'hier ? Évidemment oui. (Marques de doute sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.) Mais si, vous verrez, vous-mêmes, vous le direz.
M. Martial Bourquin. Elle l'est un peu
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il y a donc eu des avancées majeures M. Patriat les a précisées, je n'y reviens pas , mais il y a encore beaucoup de travail pour que les éléments soient complètement stabilisés, car la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen a pris, il y a quelque temps, une position qui n'est pas identique à celle que les États membres ont définie lundi soir, même si elle n'en est pas non plus très éloignée.
La commission de l'emploi et des affaires sociales, à la suite du travail très intéressant de notre compatriote Élisabeth Morin-Chartier, a en effet pris une position qui me paraît pouvoir se rapprocher rapidement de la nôtre, grâce à un dialogue ou, plus exactement, à un trilogue entre la Commission, les États membres et les députés européens. Je souhaite que cette discussion s'engage dès que possible, car, pour l'ensemble des États membres, pour l'ensemble des travailleurs européens, et non simplement français, ce texte représente une protection supplémentaire. Il importe donc qu'il puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible, et, pour cela, il faut que les discussions entre les acteurs encore autour de la table aient lieu dans les plus brefs délais.
J'ajoute que l'accord auquel nous sommes parvenus lundi soir rappelle que la directive s'applique aux travailleurs du secteur des transports ; mais, compte tenu des spécificités évidentes de ce secteur, des discussions interviendront pour préciser notamment les conditions dans lesquelles les contrôles s'appliquent aux travailleurs de ce secteur qui sont, par nature, mobiles. Il s'agit donc d'une discussion qui est devant nous et qui devra intervenir rapidement.
Je veux dire pour conclure, monsieur le président, que le travail effectué a été un travail de constitution d'une majorité européenne ; c'est un travail qui s'adresse à tous les partenaires de la France, non pas simplement aux partenaires les plus traditionnels et les plus importants par leur nombre ou par leur influence, mais, j'y insiste, à tous les partenaires de la France.
Ce qui a prévalu est donc une méthode : nous affichons et nous exprimons clairement nos ambitions, nous essayons de constituer des majorités avec un travail très fin, auprès de l'ensemble de nos partenaires, sans jouer de l'opposition, mortifère pour l'Union européenne, entre les pays de l'Ouest et ceux de l'Est, c'est un point sur lequel je veux insister. Dans la discussion qui est intervenue lundi soir, l'ensemble des pays ont veillé à ce que cette opposition ne prévale pas et à ce que des pays situés à l'est puissent rejoindre le compromis ; c'était précieux pour l'avenir de ce texte et c'est, à mon avis, précieux pour le reste de l'Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
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