Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRCE) publiée le 11/10/2017
Question posée en séance publique le 10/10/2017
M. Pierre Laurent. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Dans le cadre du projet d'absorption d'Alstom par Siemens, le ministre de l'économie et des finances, M. Le Maire, a annoncé son intention de ne pas lever l'option d'achat des actions détenues par le groupe Bouygues dans le capital d'Alstom. L'argument invoqué par le ministre de l'économie est que « l'État a un rôle à jouer dans l'économie, mais ce rôle [
] n'est pas d'être assis sur un strapontin
».
Cet argument désolant est irrecevable, car, en rachetant les actions détenues par Bouygues, l'État deviendrait le premier actionnaire d'Alstom avant son absorption par Siemens, ce qui lui permettrait de peser sur les choix stratégiques ultérieurs. M. Le Maire prétend que l'État serait plus efficace en se contentant de figurer dans un comité de suivi. Or, malgré la création d'un tel comité concernant le site de Belfort, les engagements pris sont loin d'être tenus.
Par ailleurs, lors de l'absorption d'Alstom-énergie par General Electric, des promesses avaient été faites par le groupe américain à M. Macron, alors ministre, de créer un millier d'emplois en France. À ce jour, General Electric en a, en fait, supprimé autant, comme à Grenoble dernièrement, où notre collègue Guillaume Gontard a apporté son soutien aux salariés de General Electric Hydro.
Une coopération étroite entre grands groupes industriels du ferroviaire est nécessaire, mais l'opération en cause n'est européenne que dans ses naïves intentions françaises, comme l'a écrit l'AGEFI. Il faut en finir avec ce dogme consistant à prétendre que, pour coopérer efficacement, il faut fusionner.
Avec l'absorption d'Alstom par Siemens, près de 2 milliards d'euros, qui pourraient servir à autre chose, seront dilapidés en dividendes et primes de contrôle aux actionnaires, soit l'équivalent de huit années du budget de R&D d'Alstom.
Tout se passe comme si le Gouvernement favorisait les intérêts financiers des actionnaires de contrôle du groupe Bouygues au détriment de l'intérêt national.
Monsieur le Premier ministre, ne dilapidez pas les atouts stratégiques d'Alstom ! Nous vous demandons instamment d'exercer l'option d'achat de l'État sur les titres détenus dans Alstom par le groupe Bouygues et de suspendre l'opération annoncée pour ouvrir un large débat démocratique sur les conditions d'une alliance effective entre égaux,
M. le président. Il faut conclure !
M. Pierre Laurent.
sans exclure a priori, pour des raisons idéologiques, l'idée d'un contrôle public de dimension européenne sur la nouvelle entité qui serait créée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement publiée le 11/10/2017
Réponse apportée en séance publique le 10/10/2017
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Vous avez raison, voilà un dossier dans lequel l'idéologie n'a pas sa place. En effet, quand il s'agit de créer un champion industriel européen, de défendre cette ambition européenne et les emplois concernés, nous ne devons pas avoir d'approche idéologique.
Lorsque l'État a négocié avec Bouygues les titres et le portage, son objectif était de stabiliser le capital de l'entreprise tout en l'accompagnant dans la conduite et l'élaboration de ce projet stratégique. Il poursuivait un seul objectif : trouver une garantie pérenne pour l'emploi et pour notre économie. Ce sera désormais chose faite, monsieur le sénateur, avec le rapprochement d'Alstom et de Siemens Mobility. L'État actionnaire a donc joué son rôle d'accompagnement de l'entreprise dans cette phase de transition stratégique alors nécessaire pour une entreprise qui était menacée.
La nouvelle entreprise aura un actionnariat stable, avec un ancrage franco-allemand solide, un projet stratégique clair reposant sur des positions et des technologies reconnues. Notre objectif est en effet que l'État puisse rester un acteur majeur pour la nouvelle entreprise grâce à la commande publique et en s'adossant sur les régions, lesquelles seront, là encore, des acteurs majeurs.
Dans ces conditions, la présence de l'État au capital en tant qu'actionnaire minoritaire n'aurait strictement aucun intérêt pour la gouvernance de cette entreprise. Nous avons préféré négocier des engagements clairs, qui permettent, dans le cadre de ce rapprochement, de faire émerger un champion européen, mais un champion européen qui s'engage.
L'accord avec Siemens reposait sur la condition que l'État ne lève pas cette option et ne soit pas au capital. C'est justement cette discussion qui a permis de dégager des garanties, qu'il s'agisse d'assurer la pérennité des emplois, de préserver l'équilibre de la gouvernance, de maintenir le siège en France ou de conserver une direction générale française.
M. le président. Il faut conclure !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. C'est au nom de cette ambition que l'État ne pratique pas la spéculation sur les titres de Bouygues. Nous avons un État stratège, qui vise un seul objectif : la pérennité des sites et des emplois ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.)
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