Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 28/09/2017
M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les conclusions du rapport de la Cour des comptes « sécurité sociale » 2017 concernant les dispositifs de modération des dépassements d'honoraires des médecins spécialistes libéraux mis en place sous la dernière mandature.
La Cour des comptes estime que le contrat d'accès aux soins (CAS) par lequel le praticien signataire s'engage à ne pas réduire la proportion de ses actes à tarif opposable et à stabiliser son taux moyen de dépassement, mis en œuvre en décembre 2013, a eu des effets limités pour un coût conséquent.
Ainsi, seul un quart des spécialistes, appartenant en grande partie aux spécialités aux dépassements les moins élevés, a souscrit la convention contre des incitations financières atteignant 183 millions d'euros en 2015. Si une amélioration en matière de dépassement d'honoraires a été observée entre 2012 et 2015, elle serait la conséquence de facteurs extérieurs.
Au final, la Cour des comptes estime que l'assurance maladie dépense dix euros pour éviter un euro de dépassement.
Malgré l'inefficience du dispositif, celui-ci a été reconduit en 2016 à travers la mise en place de l'« option de pratique tarifaire maîtrisé » (OPTAM) qui s'accompagne d'un renforcement des incitations financières. 438 millions d'euros sont ainsi prévus pour la revalorisation d'actes en faveur des spécialistes.
Afin de lutter efficacement contre les inégalités d'accès aux soins, le rapport recommande notamment d'instaurer un conventionnement sélectif des médecins spécialistes dans les zones sur-dotées en spécialistes de secteur 2 ou encore de réorienter l'option de pratique tarifaire maîtrisée vers les spécialités dont les taux moyens de dépassement sont les plus élevés.
Aussi, il lui demande les mesures qu'elle compte mettre en œuvre pour remédier à cette situation et prendre en compte les recommandations de la Cour des comptes.
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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 06/12/2018
Le Gouvernement partage l'inquiétude des élus et des patients face aux difficultés d'accès aux soins sur de nombreux territoires. Pour remédier à ces difficultés, le Premier ministre et la ministre en charge de la santé ont présenté dès le mois d'octobre 2017 un plan ambitieux pour favoriser la coopération et libérer du temps médical. De nouvelles mesures ont également été annoncées par le Président de la République lors de la présentation du plan « Ma Santé 2022 ». En ce qui concerne le conventionnement sélectif, le Gouvernement estime que ce n'est pas la bonne solution pour de multiples facteurs. La première limite est le fait que l'installation en libéral du professionnel de santé n'est pas son seul choix possible : plus de la moitié des médecins en exercice sont salariés, soit des établissements de santé, soit de structures de soins ambulatoires, soit de différents types d'organisme. Rendre coercitive l'installation rendra moins attractive l'activité libérale qui est souvent considérée, sauf pour quelques spécialités, comme peu attractive déjà. Par ailleurs, la coercition ne peut être une solution pour les zones sous dense que pour des professions avec une démographie dynamique. Aujourd'hui, en France, en libéral, il n'y a pas de remplacement de l'ensemble des médecins qui partent à la retraite. Interdire le remplacement de médecin existant sous prétexte de rééquilibrage démographique devrait poser des difficultés d'accès aux soins à leur patientèle actuelle. En général, dans les dispositifs coercitifs, les remplacements dans les zones denses sont acceptés et ce sont les excès d'installation qui devraient permettre le rééquilibrage. La coercition peut générer des stratégies d'évitement, lesquelles conduisent au bout du compte à passer à côté de l'objectif visé : installation des médecins à la frontière des zones où l'installation est proscrite ; aucun report d'installation des médecins dans les zones sous-denses ; découragement à l'installation et préférence pour le remplacement ; détournement des médecins vers des spécialités pour lesquelles ces mesures n'existent pas, voire à terme perte d'attractivité des études médicales parmi les jeunes étudiants. Enfin, la coercition requiert de définir de manière normative ce qu'on entend par territoire sur-dense puisqu'on ne sait pas dire de manière absolue quel est le bon niveau d'offre de soins. Le critère est donc forcément un critère statistique : un territoire sera considéré comme sur-dense s'il fait partie des X % de territoires les plus denses. Autant cette approche est acceptable pour orienter les aides à l'installation dans les territoires sous-denses, autant elle plus problématique quand il s'agit de définir les territoires dans lesquels l'installation n'est pas possible, comme le montre les débats dans plusieurs pays dans lesquels des dispositifs coercitifs existent.
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