Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - Socialiste et républicain) publiée le 14/09/2017

Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'initiative du gouvernement belge concernant le traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada (CETA).

En Europe comme en France, nos concitoyens s'inquiètent de la généralisation d'un libre-échange sans réelles convergences sociales et environnementales et des mécanismes d'arbitrage très contestables. Les mouvements d'opposition sont puissants. Ils redoutent notamment, à juste titre, l'extension de la libéralisation et de la mise en concurrence, le transfert de pouvoir des États vers des multinationales...

Le gouvernement fédéral belge, pour répondre à bien des questionnements, a souhaité saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de la compatibilité de ce traité avec les règles de l'Union européenne (UE), en particulier en ce qui concerne le mécanisme d'arbitrage d'investissement prévu dans le CETA.

Cette saisine porte en particulier sur : la compétence exclusive de la CJUE pour interpréter le droit de l'UE ; le principe d'égalité ; le droit d'accès aux tribunaux et aux différentes juridictions ; le droit de disposer d'un pouvoir judiciaire indépendant et impartial.

Sur ce dernier point, la Belgique demande un avis de la CJUE sur les aspects suivants : les conditions de rémunération des membres du tribunal et de l'organisme d'appel ; la désignation des membres et le caractère public de cette information ; les principes directeurs de l'association internationale du barreau sur les conflits d'intérêts dans l'arbitrage international et l'introduction d'un code de conduite pour les membres du tribunal et de l'organisme d'appel et les activités professionnelle extérieures relatives aux différends sur les investissements des membres du tribunal et de l'organisme d'appel.
Elle lui demande donc si la France compte entamer une démarche équivalente à celle du gouvernement belge auprès de la CJUE, ce qui aurait le mérite de donner plus de poids à cette initiative et de répondre aux interrogations légitimes des citoyens européens et de nombreux parlementaires sur le CETA et ses conséquences concrètes.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 30/08/2018

L'accord de libre-échange UE-Canada a été signé le 30 octobre 2016 et approuvé par le Parlement européen le 15 février 2017. Il est entré en vigueur de manière provisoire le 21 septembre 2017 pour une partie de ses dispositions, mais la ratification du parlement français sera nécessaire à l'entrée en vigueur définitive de l'accord, notamment le dispositif de règlement des différends investisseur-État. En réponse aux critiques suscitées par le règlement des différends entre investisseurs et États, le Gouvernement a proposé dès 2015 à la Commission européenne de réformer en profondeur ce dispositif dans le cadre des accords commerciaux négociés par l'Union européenne. La Commission, qui a très largement repris à son compte les propositions du Gouvernement, défend aujourd'hui auprès de ses partenaires de négociation une réforme ambitieuse de ce mécanisme de règlement des litiges de manière à garantir pleinement le droit des États à réguler et à instaurer une juridiction constituée de juges permanents, et non d'arbitres nommés par les parties, soumis à des règles éthiques strictes et dotée d'un mécanisme inédit d'appel des sentences. Ce dispositif prévoit également que les recours des investisseurs seront instruits par un tribunal, dont les décisions seront contrôlées par une cour d'appel qui veillera à la bonne interprétation de l'accord et contrôlera le bon déroulement des procédures. En outre, l'accent est mis sur la transparence des procédures, la place des juridictions nationales est clarifiée et les États disposent de plusieurs outils pour se prémunir contre les recours multiples et abusifs. Ce tribunal d'investissement (ou « Investment Court System ») sera prochainement instauré par les accords récemment conclus par l'Union européenne avec le Canada, Singapour et le Mexique. Le gouvernement français estime que les interrogations légitimes formulées par la Belgique trouvent des réponses dans cette approche profondément renouvelée du règlement des différends entre investisseurs et États, et que ce volet de l'accord économique et commercial global avec le Canada (AECG/CETA) est donc conforme au droit de l'Union. Enfin, la France soutient pleinement le projet d'établissement d'une véritable cour multilatérale pour le règlement des différends investisseur-État, qui fait aujourd'hui défaut dans le cadre de la mondialisation des flux d'investissement. Dans cet esprit, la France et l'Union européenne, aidées par le Canada, ont demandé à la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) d'engager une réflexion sur l'avenir de ces modes de règlement des différends et ont obtenu la création d'un groupe de travail. L'objectif de ces travaux, qui progressent déjà vers un large consensus sur la nécessité d'une réforme profonde, est d'instaurer à terme une cour multilatérale permanente dédiée aux litiges d'investissement. 

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