Question de M. LECONTE Jean-Yves (Français établis hors de France - Socialiste et républicain) publiée le 20/07/2017
M. Jean-Yves Leconte interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur l'effectivité toute relative de l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile de par la complexité de la procédure choisie en France pour transposer le 2 de l'article 15 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale.
En effet, cet article dispose que : « les États membres décident dans quelles conditions l'accès au marché du travail est octroyé au demandeur, conformément à leur droit national, tout en garantissant que les demandeurs ont un accès effectif à ce marché ».
Or, la réforme du droit d'asile, issue de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015, a permis l'adoption de l'article L. 744-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qui dispose quant à lui que : « l'accès au marché du travail peut être autorisé au demandeur d'asile lorsque l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), pour des raisons qui ne sont pas imputables au demandeur, n'a pas statué sur la demande d'asile dans un délai de neuf mois à compter de l'introduction de la demande. Dans ce cas, le demandeur d'asile est soumis aux règles de droit commun applicables aux travailleurs étrangers pour la délivrance d'une autorisation de travail. »
En pratique, cela renvoie aux règles applicables aux travailleurs étrangers non autorisés à exercer un emploi en France, et qui sollicitent une autorisation selon une procédure complexe nécessitant un grand nombre de documents et pièces à fournir par le futur employeur, et non aux ressortissants étrangers déjà autorisés au séjour en France, qui pour la plupart peuvent travailler sans solliciter d'autorisation de travail spécifique, leur titre de séjour autorisant leur titulaire à travailler.
Il s'avère donc que l'apparence de « règles de droit commun » évoquées dans la législation française de transposition du droit communautaire, s'avère dans les faits être un véritable parcours du combattant pour un demandeur d'asile qui n'aurait pas obtenu de réponse de l'OFPRA après neuf mois et qui souhaiterait exercer une activité professionnelle, pour laquelle il dispose souvent des diplômes et de l'expérience professionnelle acquise à l'étranger.
Il lui rappelle qu'il avait déposé et porté durant l'examen de la loi précitée des amendements permettant d'éviter une telle rédaction, qui fait manifestement obstacle à l'effectivité de l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile. Les associations spécialisées dans l'accompagnement des demandeurs d'asile lui font fréquemment part des difficultés insurmontables à constituer de tels dossiers de demandes d'autorisation de travail depuis l'entrée en vigueur de l'article L. 744-11 du CESEDA.
Dès lors, il lui demande de bien vouloir lui communiquer les chiffres relatifs au nombre de demandes d'autorisation de travail déposées en 2016 par des demandeurs d'asile au niveau national, ainsi que le nombre d'autorisations délivrées (toutes directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi - DIRECCTE - confondues), et ces mêmes chiffres sur la même période concernant plus particulièrement la DIRECCTE d'Île-de-France.
- page 2335
Transmise au Ministère de l'intérieur
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 18/07/2019
L'article L. 744-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) dispose que « l'accès au marché du travail peut être autorisé au demandeur d'asile lorsque l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, pour des raisons qui ne sont pas imputables au demandeur, n'a pas statué sur la demande d'asile dans un délai de six mois à compter de l'introduction de la demande. Dans ce cas, le demandeur d'asile est soumis aux règles de droit commun applicables aux travailleurs étrangers pour la délivrance d'une autorisation de travail ». Cet article, créé par loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015, a été modifié par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie afin de ramener le délai précité de neuf à six mois. Cette nouvelle disposition, plus favorable aux demandeurs d'asile, transpose l'article 15 de la directive 2013/33/UE du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale qui prévoit que « les États membres veillent à ce que les demandeurs aient accès au marché du travail dans un délai maximal de neuf mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale lorsque aucune décision en première instance n'a été rendue par l'autorité compétente et que le retard ne peut être imputé au demandeur ». L'article 15 de cette directive dispose également que « les États membres décident dans quelles conditions l'accès au marché du travail est octroyé au demandeur, conformément à leur droit national, tout en garantissant que les demandeurs ont un accès effectif à ce marché ». Si le délai de six mois prévu par l'article L. 744-11 du CESEDA ne permet pas aux demandeurs d'asile de bénéficier d'un accès immédiat au marché du travail, l'un des objectifs de la loi du 10 septembre 2018 est d'accélérer le traitement de la demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et de favoriser l'accès des réfugiés aux dispositifs d'intégration. En 2018, le délai moyen de traitement de la demande d'asile à l'OFPRA, toutes procédures confondues, était légèrement inférieur à cinq mois. Pour 2019, des mesures de renforcement des effectifs à l'OFPRA et de révision des procédures visent à réduire la durée de l'ensemble de la procédure (comprenant l'instruction devant l'OFPRA et la CNDA). Conformément à l'article L. 744-1 du CESEDA, les demandeurs d'asile ayant accepté l'offre de prise en charge lors de l'enregistrement de leur demande d'asile bénéficient des conditions matérielles d'accueil qui comprennent un hébergement et une allocation pour demandeur d'asile (ADA) qui leur permet de subvenir à leurs besoins. Le ministère de l'intérieur ne dispose pas de statistiques officielles relatives à l'effectivité de l'accès au marché du travail pour les demandeurs d'asile. Néanmoins, une enquête interne à la direction générale des étrangers en France réalisée auprès des directions régionales des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi a permis de constater qu'en 2016, 1 135 demandes d'autorisation provisoire de travail (APT) pour des demandeurs d'asile ont été déposées et 951 autorisations provisoires de travail ont été délivrées en métropole par les services de la main d'uvre étrangère. En 2017, 1 216 demandes d'autorisation provisoire de travail pour des demandeurs d'asile ont été déposées et 992 autorisations provisoires de travail délivrées. En Île-de-France, 447 demandes d'APT ont été déposées et 348 ont été délivrées en 2016 et 347 demandes d'APT ont été déposées et 239 délivrées en 2017.
- page 3883
Page mise à jour le