Question de M. LEROY Jean-Claude (Pas-de-Calais - Socialiste et républicain) publiée le 13/07/2017
M. Jean-Claude Leroy attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le projet de révision de la réglementation européenne sur l'agriculture biologique.
En effet, ce projet suscite des inquiétudes chez les agriculteurs français engagés dans ce mode de production.
Ils craignent ainsi que la culture en bac de certains produits soit étendue et autorisée à l'avenir, alors qu'elle n'est aujourd'hui accordée qu'à titre dérogatoire à certains pays. Le lien avec le sol et la rotation des cultures restent pourtant deux critères principaux de la culture biologique.
Par ailleurs, ils redoutent que l'allègement des contrôles et le passage d'un contrôle annuel à un contrôle bisannuel puisse remettre en cause des accords commerciaux ou altérer la confiance des consommateurs.
Enfin, ils s'interrogent sur la question des seuils de déclassement. Le projet de règlement entend assouplir les règles concernant la détermination du seuil de pesticides, en laissant plus de liberté à chaque État membre, notamment dans la façon de gérer les productions contaminées déclassées. La possibilité pour chaque État membre de fixer des seuils différents pourrait entraîner des distorsions de concurrence.
Ils considèrent donc que le label « bio » ne doit pas être accordé en fonction d'un contrôle a posteriori sur la présence de résidu chimique, mais sur la garantie d'un processus de culture biologique.
Aussi, alors que l'agriculture biologique se développe, il lui demande de bien vouloir lui indiquer sa position sur ce sujet.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 10/08/2017
Le 24 mars 2014, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil européen relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques, accompagnée d'un nouveau plan d'action pour l'avenir de la production biologique avec pour objectifs de : renforcer et harmoniser les règles applicables tant au sein de l'Union européenne qu'aux produits importés, en supprimant une grande partie des dérogations en matière de production et de contrôle ; améliorer l'efficacité des contrôles en les basant sur des analyses de risque ; faciliter l'accès des petits agriculteurs à l'agriculture biologique en leur offrant la possibilité d'adhérer à un régime de certification de groupe ; mieux prendre en compte la dimension internationale des échanges de produits biologiques grâce à l'ajout de nouvelles dispositions concernant les importations et les exportations ; simplifier la législation afin de réduire les coûts administratifs pour les agriculteurs et d'accroître la transparence. Lors des discussions menées dans le cadre de la procédure de codécision, les colégislateurs (États membres au sein du Conseil de l'Union européenne et Parlement européen) ont considéré que certaines de ces propositions n'étaient pas adaptées et risquaient de freiner le développement du secteur. Cependant d'une façon générale, la révision réglementaire aura permis d'aller plus loin dans la mise en place d'un cahier des charges européen plus harmonisé. Les principales avancées prévues à ce stade concernent : une plus grande harmonisation entre les États membres et la simplification des règles de production (meilleur encadrement des flexibilités possibles) ; une concurrence plus équitable entre la production communautaire et les importations et l'amélioration de la transparence et de la lisibilité pour le consommateur quant aux conditions d'importation des produits biologiques en se référant dorénavant uniquement au cahier des charges européen pour les pays tiers avec lesquels un accord d'équivalence n'a pas été conclu ; un système de contrôle plus robuste avec les nouvelles règles sur les contrôles officiels (meilleur ciblage des contrôles et clarification des règles de contrôle) ; une portée élargie des règles biologiques (nouveaux produits tels que le sel, le liège, la cire d'abeille) et règles de production détaillées (par exemple cerf, lapin) ; l'introduction de règles permettant la certification de groupes de producteurs également dans l'Union européenne, favorisant ainsi la certification des petits producteurs. La position française défendue depuis le début des discussions vise à aboutir à des conditions de production permettant le développement des filières biologiques européennes tout en donnant toutes les garanties nécessaires au consommateur. Concernant les dispositions particulières évoquées dans la question écrite : s'agissant du lien au sol et de la possibilité d'octroyer certaines dérogations pour la culture en bac, la France a toujours réaffirmé que la culture en bac contrevenait aux principes mêmes de la production biologique. Il s'agit là d'un point délicat des discussions. Afin de permettre l'adoption du texte, la France peut accepter que des dérogations strictement encadrées pour les pays du Nord ne permettant pas le développement de ces pratiques puissent être données pour une période de temps limitée comme prévu, à ce stade, dans le texte de l'accord en trilogue du 28 juin 2017 ; concernant la fréquence des contrôles, la France a demandé le retour à une fréquence minimale annuelle des contrôles sur place alors que la proposition de la Commission européenne prévoyait une fréquence de contrôle déterminée uniquement par analyse de risque. Les discussions auront permis de réaffirmer le principe d'une inspection physique par an et par opérateur tout en autorisant pour les opérateurs présentant peu de risque de non conformité d'espacer ces contrôles d'au plus vingt-quatre mois ; concernant les mesures à prendre en cas de détection de substances non autorisées, il faut rappeler que des prélèvements pour analyse sont effectués régulièrement par les opérateurs et les organismes certificateurs afin de vérifier la non-utilisation de produits interdits en agriculture biologique (pesticides, organisme génétiquement modifié ). Dans la plupart des cas, on ne trouve pas de résidus. S'il y en a, la cause de la contamination va être recherchée. Ces situations amènent d'ores et déjà à des déclassements (interdiction de vendre avec la mention « biologique ») qui tiennent compte de la responsabilité de chacun. Dans tous les cas, des mesures correctives et préventives sont mises en place. LaCommissioneuropéenneproposaitd'harmoniser les pratiques existantes en imposant la commercialisation dans le circuit conventionnel en cas de présence de pesticides dépassant le seuil fixé par la directive applicable aux aliments pour bébés (soit 0,01 mg/kg hors seuils spécifiques) et d'ouvrir la possibilité de paiements nationaux ou d'utilisation des instruments offerts par la politique agricole commune pour indemniser les agriculteurs biologiques des pertes subies. Les colégislateurs ont préféré renvoyer cette question à une clause de rendez-vous constatant le manque de préparation de la mise en place d'un tel système : absence d'une vraie réflexion autour de la valeur pertinente de seuil (quels seuils appliquer pour les produits transformés, séchés.) ; absence d'encadrement proposé en terme de méthode (liste des contaminants recherchés, incertitude prise en compte dans les analyses) ; absence de système de compensation opérationnel pour les agriculteurs victimes de contamination extérieure. Cependant prenant en compte le fait que des États membres avaient déjà mis en place des seuils de déclassement automatique et demandaient à pouvoir les conserver, le texte tel qu'il est prévu autorise ces États membres à le faire pour leur propre production et permet à tous les États membres de mettre en place des mesures visant à éviter la présence de substances non autorisées. Les évolutions prévues s'inscrivent dans un processus constant d'accompagnement du développement du secteur de la production biologique, d'harmonisation des règles applicables et de renforcement des garanties apportées aux consommateurs débuté en 1991 avec la mise en place de la réglementation biologique européenne. Elles devront contribuer à la poursuite du développement des filières biologiques européennes. L'accord en trilogue doit être confirmé par l'adoption formelle du texte après les votes du Parlement européen et du Conseil européen prévus pour la fin de l'année.
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