Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 06/07/2017

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le nécessaire maintien d'une présence judiciaire équilibrée dans le territoire de l'Aisne. Dans le cadre de la préparation de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, les ministères de la justice et des affaires sociales ont rendu conjointement, en février 2016, un rapport sur le transfert de contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS), tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI) et commissions départementales d'aide sociale (CDAS) vers les nouveaux pôles sociaux des tribunaux de grande instance, l'objectif recherché étant – selon ce rapport - « d'offrir une justice de qualité, proche des citoyens ». L'intention est louable. Sachant, d'une part, que le département de l'Aisne compte deux TASS, l'un à Laon, l'autre à Saint-Quentin et que, d'autre part, la comparaison des affaires en stock entre ces deux juridictions montre une meilleure évacuation des affaires en faveur du tribunal de Laon, ce rapport prévoit néanmoins l'absorption du TASS de Laon par celui de Saint-Quentin (p.69). Cette disposition aboutirait à la concentration exceptionnelle d'un pôle économique et social dans cette dernière ville, au détriment de la ville-préfecture, faisant fi de l'éloignement géographique qui augmenterait considérablement pour de nombreux justiciables (parfois plus de 200 km aller-retour), faisant fi de l'efficacité avérée du TASS de Laon, et faisant fi des locaux du conseil de prud'hommes de Laon qui sont en capacités logistiques et immobilières d'accueillir le TASS de Laon au sein d'un pôle cohérent et efficace. Cet exemple illustre les risques liés à l'avenir et à l'organisation des juridictions en matière d'accès au droit pour l'ensemble des justiciables et des professionnels du droit, ainsi que s'agissant du maintien d'une présence judiciaire équilibrée dans ce département.
Il lui demande par conséquent quelles actions elle compte mettre en place afin de consolider la présence d'un pôle social à Laon, et au-delà quels moyens et décisions elle compte prendre afin de garantir cet équilibre judiciaire au niveau des territoires.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 26/07/2017

Réponse apportée en séance publique le 25/07/2017

M. Antoine Lefèvre. Madame le garde des sceaux, en ma qualité de rapporteur spécial du budget de la mission « Justice » pour la Haute Assemblée, je ne connais que trop vos problématiques budgétaires, mais je souhaite appeler votre attention sur le nécessaire maintien d'une présence judiciaire équilibrée sur nos territoires, en particulier dans le département de l'Aisne, que je représente ici.

Dans le cadre de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, les ministères de la justice et des affaires sociales ont rendu conjointement, en février 2016, un rapport sur le transfert du contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale, les TASS, des tribunaux du contentieux de l'incapacité, ou TCI, et des commissions départementales d'aide sociale, ou CDAS, vers les nouveaux pôles sociaux des tribunaux de grande instance, les TGI. Selon ce rapport, l'objectif est d'« offrir une justice de qualité, proche des citoyens » : l'intention est louable.

Or, bien que soulignant, d'une part, que le département de l'Aisne compte deux TASS, l'un à Laon, l'autre à Saint-Quentin, et que, d'autre part, la comparaison des affaires en stock entre ces deux juridictions montre une meilleure évacuation des affaires au tribunal de Laon, ce rapport prévoit pourtant l'absorption du TASS de Laon par celui de Saint-Quentin.

Cette disposition aboutirait à la concentration exceptionnelle d'un pôle économique et social dans cette ville au détriment de la ville préfecture, faisant ainsi fi de l'éloignement géographique qui augmenterait considérablement pour de nombreux justiciables – parfois plus de 200 kilomètres aller-retour –, de l'efficacité avérée du TASS de Laon, et des locaux du conseil de prud'hommes de Laon, qui ont la capacité logistique et immobilière d'accueillir le TASS de Laon au sein d'un pôle cohérent et efficace.

Cet exemple atteste que l'avenir et l'organisation des juridictions sont un facteur de risque non négligeable pour l'accès au droit de l'ensemble des justiciables et des professionnels du droit, ainsi que pour le maintien d'une présence judiciaire équilibrée dans le département de l'Aisne.

Je vous demande par conséquent, madame le garde des sceaux, quelles actions vous comptez entreprendre pour consolider la présence d'un pôle social à Laon et, au-delà, quels moyens et quelles décisions vous comptez mettre en œuvre pour garantir l'équilibre judiciaire au niveau des territoires.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Lefèvre, le rapport interministériel que vous évoquez énumère effectivement le cas de départements dans lesquels existent actuellement plusieurs tribunaux de grande instance et où le contentieux social qui relevait auparavant des TASS, des TCI et des CDAS devra, aux termes de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, adoptée en 2016, être regroupé en janvier 2019 au sein d'un pôle social constitué dans un TGI par département. Néanmoins, à ce stade, je tiens à vous le dire, monsieur le sénateur, aucune décision n'est prise quant à l'implantation des futurs pôles sociaux.

Étant donné l'importance, que je ne méconnais nullement, des choix à opérer pour les justiciables, mais également pour le personnel qui travaille dans ce secteur, nous avons souhaité mettre en place des comités locaux de pilotage. Ces derniers sont composés, notamment, de représentants des TGI, des TASS, des TCI, des cours d'appel, des CDAS, des caisses primaires d'assurance maladie, des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et des directions départementales de la cohésion sociale. Ces comités ont notamment un rôle d'analyse de la situation de chacune des entités concernées et ont fait remonter à la Chancellerie, ces dernières semaines, leurs observations.

La désignation des juridictions qui assumeront le rôle de pôle social s'appuiera bien entendu sur les conclusions de ces comités locaux, qui sont en cours d'analyse par mes services et qui me seront ensuite présentées ; cette désignation s'inscrira, je ne vous le cache pas, dans le cadre de la réflexion globale que je souhaite conduire sur l'organisation du réseau judiciaire. Cette réflexion globale sera menée de pair avec la simplification, la dématérialisation et la numérisation des procédures, l'ensemble formant un tout.

Je peux néanmoins vous assurer que je veillerai au maintien de l'équilibre judiciaire territorial dans votre département et que je serai extrêmement attentive à la proximité et à l'accessibilité des différentes juridictions.

J'ajoute que, pour ce qui concerne l'Aisne, les nouvelles dispositions que nous envisageons seront de nature à assurer aux justiciables une meilleure accessibilité à la justice, puisque, pour des contentieux qui relèvent actuellement du TCI d'Amiens, ils pourront à l'avenir se rendre au pôle social du TGI de leur département. Il me semble donc que, de ce point de vue, il y aura une amélioration de l'accessibilité.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Je veux remercier Mme le garde des sceaux de sa réponse précise. Elle m'a rassuré en indiquant que rien n'était décidé à ce jour.

Le 17 juillet dernier, ici même, le Président de la République indiquait, dans le cadre de la conférence des territoires, croire « profondément que, dans la très grande majorité des cas, les territoires en réalité savent mieux l'organisation qui est la plus pertinente pour eux ».

Vous rappeliez il y a un instant le rôle des comités locaux mis en place ; j'espère que ce sera l'occasion d'illustrer cette volonté de faire confiance à l'intelligence des territoires. Je sais pouvoir compter sur votre attention en ce domaine, notamment dans le cadre de l'élaboration de la loi de programmation que vous venez d'annoncer pour la période 2018-2022.

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