Question de M. LE SCOUARNEC Michel (Morbihan - Communiste républicain et citoyen) publiée le 06/04/2017
M. Michel Le Scouarnec attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les écarts de rémunération entre les producteurs de lait et les industriels de la transformation. Un tiers des 63 000 fermes laitières françaises serait en grande financière. En parallèle, les grands groupes industriels affichent des résultats en nette progression en 2016, avec par exemple 213 millions d'euros de bénéfices pour le groupe Bel, 3ème groupe mondial des fromages ou Savencia, avec un excédent net de 104 millions d'euros. Le groupe Lactalis, numéro un mondial du lait contrevient également à la législation en ne communiquant pas ses comptes. Toutefois, son président vient d'être classé au rang de 8ème fortune française selon le magazine Forbes. Les principaux syndicats agricoles, FDSEA, Modef, Confédération Paysanne, Coordination Rurale, saluent les initiatives gouvernementales d'aides à la filière laitière mais soulignent que « les exploitations survivent par des rééchelonnements de prêts et des ouvertures de crédit ». Ainsi, une dualité catastrophique s'installe, avec d'un côté des éleveurs laitiers exsangues qui travaillent dur pour ne rien gagner et de l'autre, des groupes industriels qui profitent du faible coût de leur matière première pour accroître leurs marges. Ce déséquilibre n'est pas nouveau et malheureusement s'aggrave. Les producteurs laitiers ne demandent pas des moyens démesurés mais simplement la juste reconnaissance de leur travail par des prix rémunérateurs et adaptés. Aussi, le prix de base moyen constaté au premier semestre s'établit à 310€ la tonne alors que le montant de 350€ est avancé comme base minimum nécessaire à la survie des exploitations. C'est pourquoi, au-delà des mesures précédemment prises, il lui demande ce qu'il entend entreprendre afin de rééquilibrer les relations entre producteurs laitiers et groupes industriels dans l'objectif de mieux gérer l'offre laitière, afin de tenir compte du coût de revient de la production et de construire le juste prix qui ne condamne pas les agriculteurs à l'abandon mais au contraire, leur permettre de vivre décemment grâce à une juste rémunération de leur travail.
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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 11/05/2017
Les filières agricoles, en particulier d'élevage, ont traversé une période très difficile principalement due à des prix bas, liés en partie à des tensions sur les marchés européens et mondiaux, mais également aux difficultés structurelles d'organisation des filières et aux relations commerciales peu équilibrées au détriment des producteurs. Pour aboutir à des relations commerciales plus transparentes avec les producteurs, le Gouvernement a formulé des propositions très concrètes reprises dans la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Le texte comporte des dispositions permettant des avancées importantes pour les agriculteurs. Elles visent à assurer une meilleure répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière alimentaire grâce à des relations commerciales plus transparentes, à un renforcement du poids des producteurs dans la négociation et à une contractualisation rénovée entre, d'une part, les producteurs agricoles et les entreprises agroalimentaires et, d'autre part, les entreprises agroalimentaires et les distributeurs. Ainsi, pour les filières soumises à contractualisation écrite obligatoire comme la filière laitière, le texte prévoit la mise en place d'un accord-cadre entre les acheteurs (transformateurs) et les organisations de producteurs ou associations d'organisation de producteurs afin de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs. Des dispositions sont également prévues pour prendre en compte des indicateurs de marché et de coût de production dans les contrats d'achats aux producteurs. De nouvelles dispositions imposent également que les conditions générales de vente relatives à des produits alimentaires comportant un ou plusieurs produits agricoles non transformés devant faire l'objet d'un contrat écrit, indiquent le prix prévisionnel moyen proposé par le vendeur au producteur de ces produits agricoles. Le texte précise que les critères et modalités de détermination de ce prix prévisionnel moyen peuvent faire référence à un ou plusieurs indices publics de coût de production en agriculture et à un ou plusieurs indices publics des prix de vente aux consommateurs des produits alimentaires. Cette disposition s'applique aussi aux contrats de moins d'un an, et notamment aux contrats de marques de distributeurs. La loi précise aussi les missions de l'observatoire de la formation des prix et des marges (OfPM) des produits alimentaires pour accroître la transparence des marchés. L'OfPM est désormais chargé d'examiner la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et peut saisir le président du tribunal de commerce afin que ce dernier adresse une injonction assortie d'une astreinte à toute société commerciale transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires qui n'aurait pas procédé au dépôt des comptes dans les conditions et délais impartis par la législation. Fin mars 2017, M. Philippe Chalmin, président de l'OfPM, a utilisé cette possibilité offerte par la loi Sapin 2 : il a saisi par courrier les tribunaux de commerce de Rennes et de Laval, afin que ceux-ci enjoignent à certaines sociétés du groupe Lactalis de publier leurs comptes. De plus, la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 a institué la médiation des relations commerciales agricoles dont le rôle consiste à construire un consensus sur un possible équilibre économique pour les filières. Le médiateur est nommé par décret et peut être saisi de tout litige relatif à la conclusion ou à l'exécution d'un contrat ayant pour objet la vente ou la livraison de produits agricoles, ou la vente ou la livraison de produits alimentaires destinés à la revente ou à la transformation, y compris les litiges liés à la renégociation du prix prévue à l'article L. 441-8 du code de commerce ou à un accord-cadre prévu au I de l'article L. 631-24 du présent code. Il prend toute initiative de nature à favoriser la résolution amiable du litige entre parties. Sur demande conjointe des ministres chargés de l'économie et de l'agriculture, il peut émettre des recommandations sur les modalités de partage équitable de la valeur ajoutée entre les étapes de production, de transformation, de commercialisation et de distribution des produits agricoles et alimentaires. Ces avis et recommandations précisent comment sont pris en compte les différents modes de production, de transformation et de commercialisation, notamment ceux des produits issus de l'agriculture biologique ou bénéficiant d'un autre signe d'identification de la qualité et de l'origine. Il peut saisir la commission d'examen des pratiques commerciales prévue à l'article L. 440-1 du même code.
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