Question de M. BOCQUET Éric (Nord - Communiste républicain et citoyen) publiée le 01/02/2017

Question posée en séance publique le 31/01/2017

M. Éric Bocquet. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Permettez-moi quelques mots de poésie dans ce climat lourd : « Envoyez-moi vos fatigués, vos pauvres, vos cohortes aspirant à la liberté, envoyez-moi les rejetés de vos rivages, de ma lumière j'éclaire la porte d'or. » Ces vers d'Emma Lazarus, gravés sur une plaque posée sur le socle de la statue de la Liberté à New-York, tissent le lien historique de la France et des États-Unis, comme chacun sait.

Presque 115 ans plus tard, les valeurs d'accueil et de solidarité américaines ne s'appliquent plus pour les ressortissants de sept pays du Moyen-Orient. Parce que M. Donald Trump, devenu locataire de la Maison-Blanche, a signé ce décret d'interdiction infâme, Irakiens, Iraniens, Yéménites, Libyens, Syriens, Soudanais et Somaliens ne sont plus les bienvenus sur le sol américain.

Ce décret interdit pendant 90 jours toute entrée sur le territoire américain aux ressortissants de ces sept pays. Il bloque également, pendant la même période, les entrées de réfugiés en provenance de ces États.

Face à cet acte, les réactions nationales et internationales ont rapidement couvert les quelques soutiens de la mesure, y compris de la part d'élus de la République française. La juge fédérale Ann Donnelly a partiellement annulé le décret. Le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a invité les réfugiés à opter pour le Canada, à défaut des États-Unis. Enfin, Mme Angela Merkel a donné une leçon de droit humanitaire à Donald Trump.

La réponse de notre pays n'a pas été la plus rapide dans ce concert des réactions internationales, et beaucoup s'interrogent sur ce retard pris par la France.

Nous pensons pour notre part, monsieur le Premier ministre, que la France a le devoir de faire entendre sa voix avec la plus grande clarté et la plus grande fermeté, au nom des valeurs humanistes qu'elle porte toujours dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 01/02/2017

Réponse apportée en séance publique le 31/01/2017

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le sénateur, ce que vous dites n'est pas juste. Nous avons réagi très vite après la publication de ce décret, qui est choquant en raison des principes qu'il pose, à l'encontre de toutes les valeurs que portent les États-Unis et que nous portons nous-mêmes depuis plusieurs siècles.

Depuis 1793, nous offrons la protection de notre pays à tous ceux qui sont persécutés, rejetés, poursuivis, menacés d'être exécutés dans leur propre pays. Telle est notre conception de ce que nous devons offrir à tous ceux qui viennent sur notre territoire pour échapper à ces persécutions.

Nous avons été extrêmement prompts à réagir. Jean-Marc Ayrault lui-même l'a fait très vite avec beaucoup d'honnêteté. Il a également pris contact avec ses homologues européens, pour faire en sorte que nous puissions porter très haut et très loin notre voix et nos valeurs, avec les autres pays de l'Union européenne.

Ce décret sera de surcroît inefficace en termes de lutte contre le terrorisme, objectif pourtant revendiqué par le président américain. En effet, on ne luttera pas contre le terrorisme et les désordres du monde en interdisant aux ressortissants de certains pays la possibilité de bénéficier d'une protection aux États-Unis, en contravention avec tous les principes qui ont, jusqu'à présent, guidé cette grande nation éprise de liberté.

On y parviendra en faisant en sorte, dans la maîtrise et la responsabilité, de renforcer les échanges de renseignements entre les grands services, ainsi que les coopérations en matière de lutte antiterroriste, et d'agir ensemble là où sont les foyers susceptibles de déstabiliser nos continents, comme nous le faisons au Levant dans la coalition. Pour que la stabilité du monde soit renforcée, point n'est besoin de multiplier les déclarations qui créent chaque jour davantage de tensions.

C'est ce que nous avons dit avec la plus grande clarté et c'est ce que nous continuerons à dire avec force au sein de l'Union européenne et avec cette dernière, au nom de valeurs que porte notre pays, comme l'ont fait Jean-Marc Ayrault et le Président de la République. En effet, nous représentons la France, qui porte un message universel, que les peuples du monde attendent d'elle.

Sur ces valeurs et ces principes que vous partagez, je le sais, monsieur le sénateur, nous serons fermes, actifs et intraitables. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

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