Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - Communiste républicain et citoyen) publiée le 20/10/2016
Mme Brigitte Gonthier-Maurin souhaite interpeller M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics sur la fermeture de la totalité des centres de recherche et développement (R&D) de l'entreprise américaine Intel d'ici 2017.
Elle rappelle que près de 750 postes doivent être supprimés, soit près de 80 % des effectifs en France du géant mondial des semi-conducteurs, dans le cadre d'un plan de restructuration. Les sites de recherche et développement de Toulouse, Sophia-Antipolis, Montpellier, Aix et Rennes sont concernés.
Cette décision suscite d'autant plus d'incompréhension que le groupe américain avait fait du site toulousain son pôle mondial en matière d'objets connectés, pour atteindre 280 salariés. Intel avait d'ailleurs bénéficié d'une prime à l'aménagement du territoire de 650 000 euros de fonds publics en 2009 pour l'ouverture du site toulousain.
Elle souligne qu'Intel a également bénéficié du crédit impôt recherche (CIR), permettant une baisse très conséquente du « coût » du chercheur, afin de rendre attractive l'installation de centres de R&D en France.
Enfin, elle indique que, dans le même temps, Intel a réalisé un chiffre d'affaires annuel de 55 milliards de dollars, dégageant 12 milliards de bénéfices, ce qui lui aurait permis de verser 7,6 milliards de dividendes à ses actionnaires en 2015.
Elle demande donc ce que le Gouvernement compte faire pour les emplois que ces fermetures de sites vont détruire, et ce, alors qu'Intel a bénéficié du CIR.
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Transmise au Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie et des finances, chargé de l'industrie
Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie et des finances, chargé du numérique et de l'innovation publiée le 22/02/2017
Réponse apportée en séance publique le 21/02/2017
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la secrétaire d'État, je veux d'abord déplorer que ma question, initialement posée au ministre du budget, qui fut mon interlocuteur lors de la commission d'enquête sénatoriale sur le crédit impôt recherche, ait été redirigée vers le secrétariat d'État chargé de l'industrie.
L'été dernier, Intel, géant mondial des semi-conducteurs, a annoncé la fermeture de la totalité de ses centres de recherche et développement en France. Les sites de recherche et développement de Toulouse, Sophia-Antipolis, Montpellier, Aix-en-Provence et Rennes sont concernés.
Cela signifie la disparition de 80 % de leurs effectifs sur notre sol. Il s'agit d'un véritable plan de suppressions d'emplois, qui vise 750 postes, pour l'essentiel des chercheurs et ingénieurs.
Or, Intel, en plus d'avoir bénéficié en 2009 d'une prime à l'aménagement du territoire de 650 000 euros sur des fonds publics pour l'ouverture du site toulousain, a également bénéficié du crédit impôt recherche. Je le rappelle, l'un des objectifs du crédit impôt recherche est de permettre la création du type d'emploi qu'Intel supprime aujourd'hui ! Le magazine Challenges évoque, pour le géant américain, des créances de crédit impôt recherche de 8 millions d'euros en 2015 et s'élevant même à 28,5 millions entre 2010 et 2015.
Ce dispositif fiscal permet en effet une baisse très importante du « coût » du chercheur afin de rendre « attractive », nous dit-on, l'installation de centres de recherche et développement en France.
Or le même magazine constate que si « le crédit d'impôt recherche a attiré en France de nombreux géants de la tech » pour ces entreprises technologiques, « ces centres sont une aubaine pour soigner leur popularité en France et cultiver leurs liens avec les pouvoirs publics ». L'article de conclure à une « mesure dispendieuse aux faibles retombées ».
Dans le cas d'Intel, cela se solde par une casse sociale et un gaspillage d'argent public.
La situation est d'autant plus intolérable qu'en 2015 Intel a réalisé un chiffre d'affaires de 55 milliards de dollars, dégageant 12 milliards de dollars de bénéfices, ce qui lui aurait permis de verser 7,6 milliards de dollars de dividendes à ses actionnaires.
J'ai pris l'exemple d'Intel, madame la secrétaire d'État, mais il est loin d'être isolé. Ma question est donc simple : pourquoi ne pas avoir accepté de vous interroger sur l'efficacité de ce dispositif fiscal ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation. Madame la sénatrice, les sites français d'Intel sont aujourd'hui affectés par un plan mondial de réorganisation du groupe qui conduit à une réduction globale des effectifs à l'échelon international de 11 %, soit l'équivalent de 12 000 emplois.
Ce plan s'inscrit dans une réorientation de la stratégie du groupe par rapport à des activités initialement liées à la fabrication de mobiles et de tablettes et dans une logique de rationalisation consistant à fermer les centres de recherche et développement composés de moins de 500 salariés.
C'est ainsi que, en France, Intel prévoit la suppression d'environ 750 emplois sur le millier que compte la société dans notre pays.
Situés au cur d'écosystèmes dynamiques dans le domaine de la microélectronique, les sites de Toulouse et de Sophia-Antipolis constituent les sites de référence de la société en France, avec respectivement près de 280 et 380 salariés. Les compétences de ces derniers dans le domaine des communications mobiles et sécurisées sont reconnues à l'échelon mondial et sont pleinement adaptées pour relever les défis technologiques de la société numérique d'aujourd'hui et de demain : objets connectés, villes et infrastructures intelligentes, véhicules autonomes, industrie 4.0
La restructuration d'Intel bénéficie d'un suivi très attentif du secrétariat d'État chargé de l'industrie et de mes services au sein de la direction générale des entreprises, en particulier du bureau chargé de l'innovation et du numérique. Les dirigeants d'Intel pour l'Europe ont ainsi été reçus à plusieurs reprises par Christophe Sirugue et par moi-même. Le Gouvernement a demandé au groupe d'étudier toutes les alternatives au plan tel qu'il a été initialement annoncé. Il lui a notamment demandé de préserver l'activité sur les sites de Toulouse et de Sophia-Antipolis. Les pouvoirs publics sont pleinement mobilisés pour apporter leur appui et leur expertise aux projets devant permettre de préserver l'emploi.
À ce jour, des projets de reprise sérieux ont été identifiés. La question du remboursement des primes d'aménagement du territoire sera minutieusement examinée.
Madame la sénatrice, je ne peux évoquer la réforme du crédit d'impôt recherche dans le peu de temps qui m'est imparti, mais soyez assurée de notre entière détermination à maintenir une activité industrielle sur les sites d'Intel, dont celui de Toulouse. Nous restons en particulier vigilants quant au respect par Intel de ses obligations sociales, d'une part, et de l'obligation de revitalisation des bassins d'emploi touchés, d'autre part, prévue par la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse. Même à Bruxelles, le CIR est vu comme un « outil de dumping fiscal ». Les travaux que j'ai conduits dans le cadre de la commission d'enquête sur le crédit d'impôt recherche appelaient aussi à envisager une harmonisation de la fiscalité des entreprises. Selon les services du commissaire européen Pierre Moscovici, « il n'y aura pas de régimes dérogatoires nationaux, il faut nettoyer les niches ». Certes, madame la secrétaire d'État, on constate une légère progression du nombre de projets de recherche-développement étrangers en France, mais les créations d'emplois correspondantes stagnent. On peut vraiment s'interroger sur la pertinence d'un tel investissement de fonds publics au regard de l'efficacité du dispositif.
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