Question de Mme BOUCHOUX Corinne (Maine-et-Loire - Écologiste) publiée le 24/06/2016
Question posée en séance publique le 23/06/2016
Mme Corinne Bouchoux. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
La publication de l'arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat a réintroduit le débat relatif à la possibilité d'obtenir ce diplôme par la validation des acquis de l'expérience, la VAE. Nous en soutenons le principe. Cette possibilité est ancienne. Déjà offerte par la loi du 17 janvier 2002, elle suscite cependant aujourd'hui l'inquiétude de certains universitaires, docteurs et doctorants.
Les diplômés des grandes écoles bénéficient d'une grande employabilité en France. Nous nous en réjouissons. En revanche, certains d'entre eux rencontrent parfois des difficultés à l'étranger, où c'est le doctorat qui est pleinement reconnu. Ainsi, leur sont parfois préférés des docteurs.
La VAE, dont nous soutenons, je l'ai dit, le principe, pourrait-elle se développer en faveur des étudiants des grandes écoles, sans qu'ils effectuent, pendant un certain nombre d'années, des travaux de recherche approfondis ? Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous rassurer sur ce point ?
Enfin, quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer l'employabilité des docteurs ? Il avait été ici évoqué que les docteurs pourraient accéder à certains concours de la fonction publique par des voies adaptées. Où en sont les décrets ?
Pour le dire autrement, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes attachés au rapprochement harmonieux entre universités et grandes écoles, mais sans que les uns soient lésés au profit des autres. Pouvez-vous également nous rassurer sur ce point ? (M. Jean Desessard applaudit.)
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 24/06/2016
Réponse apportée en séance publique le 23/06/2016
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur la réforme doctorale, qui a effectivement fait l'objet d'un arrêté publié en mai dernier et au sujet de laquelle un décret est en cours de préparation.
Vous le savez mieux que quiconque, cette réforme est absolument indispensable. Les docteurs ne sont pas reconnus en France, aujourd'hui, à leur valeur, qu'il s'agisse du privé comme du public, et cet arrêté marque un certain nombre de progrès significatifs.
D'abord, il prend en compte les spécificités disciplinaires, qu'il s'agisse du nombre d'encadrants possible pour un enseignant chercheur ou qu'il s'agisse de la durée minimale des thèses fixée à trois ans.
Il rend beaucoup plus exigeante la formation doctorale qui est mise en uvre par les écoles doctorales.
Il favorise l'ouverture des thèses à l'international, donc le développement des cotutelles.
Enfin, il permet d'accroître l'employabilité des docteurs dans le privé avec un référentiel d'acquis en termes de compétences transférables.
J'observe d'ailleurs qu'une réforme de cette importance, préparée par de longs et riches débats, a été adoptée à la suite d'un vote massif du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le fait est suffisamment rare pour être souligné et montre bien l'attachement de la communauté à cette réforme.
Pour ce qui est de votre question, notamment de la validation des acquis de l'expérience professionnelle pour l'obtention d'un doctorat, j'ai entendu les critiques dont vous vous faites l'écho. Elles sont assez surprenantes et empruntent bien trop peu à la rigueur qui sied à l'esprit scientifique.
D'abord, vous l'avez rappelé, ce dispositif existe depuis 2002. Il n'autorise en rien la délivrance de diplômes au rabais, puisque les dossiers sont examinés par la communauté universitaire avec beaucoup de rigueur ; un tiers des dossiers seulement sont acceptés.
Ensuite, un directeur de recherche est désigné au sein des personnels de l'université habilités à cet effet.
Enfin, la procédure de soutenance de thèse se déroule selon les règles qui s'appliquent à n'importe quelle thèse.
Il faut remettre les choses à leur place. Ce dispositif concerne 0,4 % des thèses soutenues chaque année, soit quinze cas sur 4 000. Il y a là assez peu de risques de concurrence déloyale.
Pour ce qui est de l'élargissement de l'accès des docteurs aux concours de la fonction publique prévu dans la loi de 2013, je vous rappelle que le concours de l'agrégation de l'enseignement secondaire a déjà été ouvert pour ces docteurs. Par ailleurs, un certain nombre de corps de l'administration - l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, l'IGAENR, le corps des mines - s'ouvrent aux docteurs et, avec Mme la ministre de la fonction publique, nous faisons une démarche systématique, ministère par ministère.
M. le président. Il faut conclure !
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Donc, l'ensemble de ces mesures produit déjà des résultats concrets. Nous en rendrons compte en octobre prochain, à l'occasion du bilan d'un an de l'action en faveur de l'emploi des jeunes docteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour la réplique.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le secrétaire d'État, dans le cas d'espèce, votre réponse tend à me rassurer. Vous nous dites que ce phénomène est marginal, bien encadré et qu'il ne saurait y avoir de dérives.
Du coup, je me demande s'il ne s'agit pas davantage d'un problème de communication. Nous savons que la vie politique actuelle est complexe, rude, que les temps sont difficiles. Peut-être pourrait-on collectivement entreprendre un effort de communication sur ces mesures, afin d'apaiser certaines craintes qui, visiblement, ne sont pas fondées ? Nous devons continuer à valoriser les docteurs, de sorte qu'on n'ait pas l'impression d'une progression asymétrique.
Dernier point, on m'a signalé qu'il était proposé à des étudiants de l'École nationale d'administration, l'ENA, de faire des doctorats. Je pense que c'est une bonne idée. L'ENA connaissant des difficultés financières, il me paraîtrait souhaitable, à titre personnel, que la formation des élèves de l'ENA soit assurée par l'université, en région parisienne et à Strasbourg. Cela reviendrait sûrement moins cher à l'État et contribuerait à forger la culture commune entre les grandes écoles et l'université que nous appelons tous de nos vux. (M. Joël Labbé applaudit.)
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