Question de M. ZOCCHETTO François (Mayenne - UDI-UC) publiée le 15/06/2016
Question posée en séance publique le 14/06/2016
M. François Zocchetto. Monsieur le Premier ministre, notre pays, une fois encore, est la cible d'un crime abject. Deux de nos compatriotes ont été sauvagement assassinés à leur domicile par un terroriste. Nos pensées vont vers les proches de ce commandant de police et de son épouse, vers leur jeune enfant, sauvé par les policiers du RAID et vers leurs collègues, qui exposent leur vie chaque jour pour assurer notre sécurité.
C'est un sentiment terrible que nous ressentons : personne n'est à l'abri. Daech nous frappe, il frappe nos alliés, avec cette tuerie atroce survenue aux États-Unis, il frappe nos symboles, il frappe des innocents avec toujours plus de barbarie et toujours plus de violence.
L'assassin était connu de la justice, ayant été condamné à trois ans de prison. On nous dit que le tueur avait respecté l'ensemble des obligations édictées par le tribunal, qu'il était suivi par les services de renseignement, qu'il était sur écoutes téléphoniques, et pourtant tout cela n'a pas empêché son passage à l'acte
Dans une telle situation, la France est plongée dans un abîme de perplexité et d'inquiétude. Malgré les nombreuses dispositions que nous avons votées, ici même, au Sénat, ce nouvel événement n'est-il pas le signe que la surveillance et les moyens de renseignement, notamment concernant les 13 000 individus radicalisés, sont encore largement insuffisants ?
De surcroît, les forces de sécurité, exténuées, ne semblent plus en mesure de faire leur travail. À Paris, à Rennes, à Nantes, à Marseille, elles sont harcelées par les contestataires de toutes sortes, casseurs, zadistes et hooligans.
Quelle politique, monsieur le Premier ministre, allez-vous maintenant proposer aux Français, en accord avec le Président de la République, pour que cesse l'escalade de la violence, pour que notre pays retrouve la sérénité, le calme et la fraternité républicaine sans lesquels il ne sera pas possible de combattre les assassins barbares ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 15/06/2016
Réponse apportée en séance publique le 14/06/2016
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Zocchetto, je vais vous répondre, comme à l'ensemble des groupes, à propos de ce drame. Évidemment, le ministre de l'intérieur aurait également pu le faire.
Nous faisons face à une menace globale, à un ennemi extérieur que nous combattons en Irak et en Syrie. La France y est pleinement engagée, et l'État islamique recule, mais nous savons qu'il a encore des capacités de frapper partout dans le monde, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même rappelé. En outre, nous combattons cet ennemi intérieur sur notre sol. Ce sont d'ailleurs les mots que j'avais moi-même prononcés, ici au Sénat, à l'automne 2015. C'est une guerre, un combat de très longue haleine qui, évidemment, secoue en profondeur la société française.
Face à cette menace globale, il faut faire preuve de beaucoup de détermination, de sang-froid, d'unité et de rassemblement. C'est pour cela que les sénateurs dans leur immense majorité ont voté, comme leurs collègues députés, l'ensemble des textes proposés : trois lois en matière d'antiterrorisme et deux sur le renseignement. C'est aussi pour cela que nous avons augmenté les moyens en faveur de la police, de la gendarmerie, des forces armées et du renseignement.
C'est pour cela encore que nous travaillons ensemble, quand nous nous rencontrons, tous les quinze jours à Matignon, pour faire le point sur ces questions. Les ministres, en particulier Bernard Cazeneuve, sont évidemment à votre disposition, comme ils sont - je le suis également - à la disposition de la délégation parlementaire au renseignement, dont est membre le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui l'a présidée en 2015.
Toutefois, c'est un combat de longue haleine ! On me l'a parfois reproché, monsieur Zocchetto, mais j'ai dit, ici même, comme devant les Français, qu'il y aurait d'autres répliques.
Nous faisons face à un ennemi particulièrement déterminé, qui ne craint pas la mort et qui agit sous des formes différentes : des attentats organisés depuis la Syrie ; des personnes seules, qui n'ont pas besoin d'aller à l'extérieur, en Syrie ou en Irak, se dissimulent, décident de passer à l'acte et agissent, parce qu'elles sont fanatisées.
Vous avez repris, presque mot pour mot, la description de cet individu et de son parcours de ces dernières années qu'a fournie le procureur François Molins. Comme d'habitude, ce dernier, qui, je le rappelle, a la responsabilité de cette enquête, a fait une intervention extrêmement détaillée et il ne manquera pas d'intervenir chaque fois que nécessaire.
Nous avons été frappés et nous savions que nous le serions. En effet, il n'y a pas de risque zéro, et nous sommes engagés à 100 %. Nous savons que nous pouvons être frappés et que nous le serons de nouveau ! Croyez bien d'ailleurs, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il me coûte de prononcer ces mots.
Bien sûr, le ministre de l'intérieur et moi-même, ainsi que le Président de la République, nous partageons cette angoisse, parce qu'elle concerne directement nos compatriotes.
Dans ces moments-là, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'inventer de nouvelles mesures. Il faut que les moyens que nous avons décidés, que vous avez décidés, soient clairement mis en uvre. Il faut que tous les moyens soient donnés, comme nous l'avons fait. En effet, pour suivre autant d'individus, il faut que les services de renseignement soient dotés de plusieurs dizaines, de plusieurs centaines de postes supplémentaires. C'est ce dispositif qui est en train d'être mis en uvre et qui monte en puissance.
C'est cela notre responsabilité collective, devant les Français, qui sont, évidemment, touchés et effrayés par ce qui se passe en Tunisie, aux États-Unis, à Bruxelles il y a quelques mois et, de nouveau, sur le sol national.
Il nous faut faire preuve d'unité, pas simplement parce qu'il faut le faire dans ces moments-là, pas pour prononcer des mots qui seraient vides de sens, mais parce que le terrorisme veut nous diviser, nous fracturer et jeter les Français les uns contre les autres. Je suis convaincu que vous êtes parfaitement réceptif à ce que je suis en train de dire et que vous le partagez au plus profond de vous-même.
Dans ce moment-là, nous devons faire preuve de sang-froid, de maîtrise, et combattre cet ennemi par tous les moyens de l'État de droit et de la démocratie, au nom même des libertés que, dans cette Haute Assemblée, vous chérissez. C'est comme cela que nous vaincrons cet ennemi, mais ce sera long et difficile, parce que c'est la fragilité des démocraties qu'il cherche à atteindre.
Forcément, il y a le goût d'en faire plus, les mots qui vont plus loin. Regardez ce qui se passe aux États-Unis ! Je l'ai dit tout à l'heure à l'Assemblée nationale, il n'y aura jamais, en France, le retour de la peine de mort. Il n'y aura pas de distribution d'armes ou de Guantanamo ! En effet, la meilleure arme pour lutter contre le terrorisme, c'est l'État de droit et ce que nous avons mis en uvre.
Bien sûr, cela doit être évalué, amélioré, approfondi. Le Gouvernement se tient toujours à la disposition du Parlement pour essayer de faire évoluer les choses et être plus efficace.
Nous savions que nous pouvions être frappés et que ce type d'individus existe. Nous devons des explications aux Français et nous devons aussi être fermes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est ce que je vous invite à continuer de faire avec nous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
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