Question de Mme TASCA Catherine (Yvelines - Socialiste et républicain) publiée le 15/06/2016
Question posée en séance publique le 14/06/2016
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, il y a deux jours, nous étions frappés d'horreur à l'annonce du carnage survenu à Orlando dans un club gay, horrifiés par l'ampleur de la tuerie et par le fait qu'elle était explicitement ciblée contre la communauté LGBT.
Ces faits confirment, s'il en était besoin, que l'État islamique et ses prolongements s'en prennent, bien au-delà des considérations religieuses, à un certain mode de vie dit « occidental » et aux libertés que nous défendons.
Hier, c'est chez nous que la terreur a frappé, en France, à Magnanville dans les Yvelines, par le massacre à leur domicile de deux fonctionnaires de police, qui fait aussi un petit orphelin.
Au nom de mon groupe, je veux exprimer notre solidarité et adresser nos condoléances profondément émues aux familles des victimes et à la communauté policière. Le 8 avril dernier, M. le ministre de l'intérieur était venu inaugurer le nouveau commissariat des Mureaux. Tous les personnels avaient vécu l'arrivée de cet équipement comme une juste reconnaissance de leur travail. Ils sont maintenant dans le deuil. Nos pensées vont aussi aux élus de Magnanville et des Mureaux.
Au-delà, tous les citoyens sont également atteints par ce drame et par la peur que suscitent ces attaques commises au nom d'une interprétation dévoyée de l'islam.
Monsieur le Premier ministre, nous savons tous l'attention que vous portez à la difficile mission des forces de l'ordre, trop souvent décriées, et à leurs conditions de travail.
Pouvez-vous nous dire où en est l'enquête sur ces deux meurtres abominables, sur la personnalité du tueur, son parcours, la nature de ses liens avec les organisations terroristes, et quelles mesures vous envisagez de prendre pour mieux protéger celles et ceux qui œuvrent avec tant de courage pour défendre nos libertés, tout en protégeant efficacement les citoyens ? (Applaudissements.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 15/06/2016
Réponse apportée en séance publique le 14/06/2016
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Tasca, oui, le terrorisme a de nouveau frappé, à Orlando, le 12 juin, où 49 personnes ont perdu la vie dans ce terrible attentat terroriste et homophobe. Hier, par notre présence à l'ambassade des États-Unis, nous avons, le Président de la République et moi-même, marqué notre solidarité à l'égard de ce peuple ami une nouvelle fois éprouvé par le terrorisme.
À Magnanville, hier, un individu a tué dans des conditions atroces un fonctionnaire de police et sa compagne, elle-même fonctionnaire dans un commissariat, laissant deux enfants orphelins.
N'oublions pas non plus que le terrorisme frappe chaque jour en Irak et en Syrie.
Vous m'interrogez plus précisément sur le double assassinat de Magnanville. Bien sûr, nos pensées vont d'abord à Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, à leurs proches et à cet enfant qui devra grandir sans son père ni sa mère.
Ce policier a été attaqué et tué simplement parce qu'il représentait la Nation. En retour, comme vient de le dire avec force le président Gérard Larcher, c'est bien entendu toute la Nation qui se joint à nous pour rendre hommage à ce policier, à cette fonctionnaire et à leur famille, et plus largement pour rendre hommage à notre police et à notre gendarmerie, ainsi qu'à tous ceux qui, quotidiennement, sont prêts à payer de leur vie pour défendre les Français contre le terrorisme.
Cet hommage, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, ce soutien et cette solidarité vis-à-vis de la police ne doivent pas s'exercer uniquement lors de tels événements, mais quotidiennement. En effet, ce sont les mêmes policiers et gendarmes qui font face à la violence de notre société. Il ne peut pas y avoir la moindre complaisance à l'égard de la violence exercée à l'encontre des forces de l'ordre, policiers et gendarmes, comme nous en avons encore une illustration cette après-midi.
La police de la République forme un tout : ce sont les mêmes qui sont victimes du terrorisme et qui sont victimes de la violence. Nous le redisons une nouvelle fois, nous serons, le ministre de l'intérieur et moi-même, d'une intransigeance absolue à l'égard de ceux qui ne respectent pas les forces de l'ordre, lesquelles incarnent l'État de droit, la démocratie et la France aujourd'hui touchés en leur cur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Madame Tasca, les éléments de l'enquête demeurent encore parcellaires, et nous devons respecter le rythme décidé par le Procureur de la République, François Molins, qui s'est exprimé voilà un instant.
D'ores et déjà, nous savons que le meurtrier était lié aux filières djihadistes. Interpellé en mai 2011, il a été incarcéré et condamné en 2013 pour participation à une association de malfaiteurs à caractère terroriste, sans avoir lui-même quitté le territoire national. Il a bien entendu été suivi et a d'ailleurs respecté les différentes obligations auxquelles il était soumis.
Depuis août 2015, il avait de nouveau fait l'objet d'une judiciarisation, et il faudra attendre les conclusions de cette enquête pour tirer éventuellement les enseignements qui s'imposent et, surtout, pour comprendre, car nous devons toute la vérité aux victimes, à leurs proches, mais aussi à nos compatriotes.
Chaque fois que des éléments le permettent, des investigations et des surveillances judiciaires sont lancées. Je rappelais tout à l'heure à l'Assemblée nationale que 295 dossiers judiciaires, concernant 1 216 individus, sont actuellement ouverts à la Direction générale de la sécurité intérieure. Au cours des seuls quinze derniers jours, seize personnes soupçonnées d'activités terroristes ont été interpellées et présentées aux magistrats antiterroristes.
Il faut laisser à la justice le temps de mener l'enquête avec méthode, pour établir comment et quand l'assassin a conçu son projet, avec quel degré de planification, de complicité ou de soutien il a agi, et le cas échéant avec quelles méthodes de dissimulation il est parvenu à en cacher l'existence.
Madame Tasca, la menace est élevée, diffuse et protéiforme, mais, je veux le rappeler, le Gouvernement a mis en uvre tous les moyens nécessaires pour y répondre : des moyens financiers et humains, bien sûr, avec la création de 1 680 emplois supplémentaires et l'allocation de 425 millions d'euros de crédits supplémentaires sur trois ans pour nos services de police, de renseignement et pour la justice ; des moyens procéduraux, également, puisque deux lois ont été adoptées pour renforcer notre arsenal antiterroriste, afin de l'adapter au niveau de menace : une loi visant à renforcer la procédure pénale et deux lois sur le renseignement.
Toutefois, il faudra du temps pour lutter contre la radicalisation, car c'est l'affaire d'une génération. Les terroristes n'ont qu'un seul objectif : imposer la peur, et nous devons répondre avec la plus grande force et la plus grande détermination, avec des moyens, bien entendu, mais aussi dans le respect de l'État de droit et de la démocratie, de nos valeurs qui sont touchées et attaquées par le terrorisme.
Parce que nos compatriotes sont forts face à l'épreuve, nous devons l'être nous aussi, dans l'unité et dans le rassemblement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
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