Question de M. RICHARD Alain (Val-d'Oise - Socialiste et républicain) publiée le 27/05/2016
Question posée en séance publique le 26/05/2016
M. Alain Richard. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, nous recevons des nouvelles économiques encourageantes. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Je constate que mon propos fait mouche ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Mais, dans le même temps, nous voyons que le climat social est altéré par trois difficultés, sur lesquelles je souhaite vous interroger.
Tout d'abord, en marge des manifestations syndicales, se poursuivent les agissements de groupes violents que l'on continue par habitude à appeler « casseurs », mais que je préférerais appeler « agresseurs ». On observe en effet semaine après semaine que leur objectif est non pas de détruire du mobilier urbain ou des biens privés, mais de s'en prendre directement, agressivement, aux représentants des forces de l'ordre. Voilà une première difficulté.
M. Cédric Perrin. Les difficultés, c'est pour le PS !
M. Albéric de Montgolfier. Mais non ! Ça va mieux ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Richard. Ensuite, un certain nombre d'installations et de sites classés par la loi, du fait de leur importance vitale pour la Nation, sont actuellement occupés, de manière certes sporadique, mais réelle. Si la loi a procédé à ce classement, qui est en vigueur depuis bien des années, c'est évidemment pour que les pouvoirs publics puissent en toute circonstance assurer la continuité des activités nécessaires à la vie économique et sociale. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)
Enfin, nous observons, de manière également dispersée, des cas d'occupation de la voie publique visant à entraver la circulation des citoyens et des acteurs économiques, en particulier aux abords des plus grands sites d'activité.
À nos yeux, ces modes d'action sont des déformations et des dénis du droit de manifestation et du droit de grève, que nous respectons pleinement l'un et l'autre.
M. Christophe Béchu. Temps écoulé !
M. Alain Richard. Monsieur le Premier ministre, nous savons que vous agissez. Nous savons que vous travaillez à maintenir le dialogue. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. Mon cher collègue, veuillez poser votre question !
M. Alain Richard. Le moment me paraît propice pour que vous nous présentiez la méthode suivie par le Gouvernement pour mettre un terme à ces agissements problématiques tout en maintenant le dialogue social ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 27/05/2016
Réponse apportée en séance publique le 26/05/2016
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, chacun a évidemment le droit d'exprimer ses options, de défendre ses convictions et, à cette fin, de manifester ou de faire grève.
Il s'agit de droits fondamentaux. Même si nous traversons une période extrêmement difficile, même si la menace terroriste impose la prolongation de l'état d'urgence, d'ailleurs votée par le Sénat, le Gouvernement les respectera toujours. M. le ministre de l'intérieur, qui rend aujourd'hui hommage aux quatre gendarmes décédés au cours d'un accident d'hélicoptère survenu dans les Hautes-Pyrénées, aurait pu vous le dire. Certes, des manifestations, notamment de la part de groupes violents, peuvent être frappées d'interdiction.
Les opposants au projet de loi « travail » s'expriment, manifestent et organisent des journées d'action. Ils le font en ce moment même. Mais, bloquer des sites pétroliers ou des ports, empêcher des Français de faire leur plein d'essence, leur imposer des files d'attente interminables, ajouter, pour les salariés, de l'angoisse à un quotidien déjà difficile, au nom même de leur défense, c'est inacceptable !
On ne peut pas bloquer un pays. On ne peut pas s'en prendre ainsi aux intérêts économiques de la France.
Vous soulignez à juste titre que des violences se produisent en marge de ces manifestations. Nous les avons observées et vécues la semaine dernière. Ces agissements sont inadmissibles, qu'ils visent le mobilier urbain ou des permanences de parlementaires. Au demeurant, je n'entends pas beaucoup de condamnations de ces actes,...
M. Roger Karoutchi. Mais si !
M. Manuel Valls, Premier ministre. ... qui s'attaquent au cur même de la démocratie.
Mme Nicole Bricq. Exactement !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces violences sont évidemment intolérables quand elles tendent à « casser » du policier, à tuer des policiers et des gendarmes. Elles méritent une réponse extrêmement ferme, que ce soit de la part des forces de l'ordre, ce qui est le cas, ou de la justice. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Fouché. Mais on libère les coupables !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous entends bien. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur le sujet, dans le respect de la justice. L'État de droit, c'est également le respect de la justice. Le parquet a fait appel.
Je le répète, la place de quiconque s'en prend à la vie d'un policier est en prison. Naturellement, il appartient à la justice de se prononcer à cet égard. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Les forces de police et de gendarmerie interviennent depuis vendredi dernier pour évacuer les dépôts bloqués, pour rétablir l'ordre public. Elles continueront à agir en ce sens. Dans ces circonstances particulièrement difficiles, je tiens à saluer leur travail et leur sang-froid.
Quand on se dit patriote et attaché à l'intérêt général, quand on regarde la situation objectivement, on ne peut que dresser un constat. Nos forces de l'ordre doivent déjà assumer leurs missions quotidiennes pour faire reculer la délinquance. Elles doivent garantir le maintien de l'ordre public. Elles doivent préparer l'Euro de football 2016. De surcroît, elles doivent faire face à la menace terroriste. Dans un tel contexte, chacun devrait prendre ses responsabilités et comprendre que des manifestations quotidiennes pourraient à terme poser problème au regard des missions des forces de l'ordre. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Je comprends l'exaspération des Français. Je sais les difficultés qu'ils éprouvent. Mais je tiens à les rassurer.
M. Henri de Raincourt. Ah !
M. Bruno Sido. Il n'y a pas de problème ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Manuel Valls, Premier ministre. Tout est fait pour permettre l'acheminement du gasoil et de l'essence, pour que nos concitoyens puissent faire leur plein de carburant. Par ailleurs, les stocks sont suffisants pour répondre aux besoins. À ce titre, nous serons intraitables. Je n'hésiterai pas à employer tous les moyens que me donne l'État de droit pour faire respecter l'intérêt général et la libre circulation, afin que les sites d'intérêt national puissent être totalement dégagés et protégés.
Je le dis clairement : faute d'avoir obtenu ce qu'elle voulait par le biais des manifestations, une organisation minoritaire, la CGT,...
M. Jean-Pierre Bosino. C'est le Gouvernement qui est minoritaire !
M. Manuel Valls, Premier ministre. ... veut faire plier le Gouvernement, au détriment de l'intérêt général. Au fond, ce qui est en jeu, c'est une certaine conception de la démocratie et du dialogue social.
M. Christian Favier. Et le respect du Parlement ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Moi, j'ai fait le doigt... (Rires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) J'ai fait le choix...
M. Christian Favier. Du 49.3 !
M. Manuel Valls, Premier ministre. ... du dialogue responsable avec l'ensemble des partenaires sociaux. Mme la ministre du travail et moi-même y avons consacré plusieurs jours. Les syndicats réformistes ont accepté le compromis que nous avons bâti ensemble.
M. Pierre Laurent. Mais 70 % des Français sont contre !
Mme Éliane Assassi. Oui, 70 % !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Des organisations l'ont refusé. Le projet de loi que la Haute Assemblée examinera dans quelques jours continuera son parcours. Il n'y aura pas de retrait. C'est une réforme nécessaire à notre pays, non seulement pour lutter contre la précarité et le chômage de masse, mais aussi pour protéger les salariés !
M. Christian Favier. C'est une réforme contre le Parlement !
M. Manuel Valls, Premier ministre. C'est une réforme de progrès social, qui met en uvre de grandes avancées !
Le compte personnel d'activité, vous êtes pour ou contre ? La Garantie jeunes, vous êtes pour, ou contre ? La lutte contre le détachement illégal, vous êtes pour, ou contre ? Le dialogue dans l'entreprise, vous êtes pour, ou contre ?
Oui, dans le syndicalisme, dans la gauche et dans le pays, il y a deux conceptions.
Mme Éliane Assassi. Ça suffit, les raisonnements binaires ! Arrêtez le manichéisme !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la sénatrice, drôle de conception de la démocratie que de chercher à m'interrompre ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. C'est vous qui avez interrompu le débat à l'Assemblée nationale !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette réforme a été bâtie avec les syndicats réformistes.
À ce sujet, je reprendrai les mots du secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger : défendre les salariés, c'est défendre ce projet de loi !
Le débat donnera lieu à des confrontations dans cet hémicycle. C'est normal ; c'est la démocratie. À ce moment-là, nous verrons quelle est la vision de la majorité sénatoriale du dialogue social, de la place de ce dernier au sein de nos entreprises, du rôle des acteurs de terrain ou des droits des salariés. Sur tous ces points, le Gouvernement assumera les désaccords et défendra la réforme !
Pour le deuxième mois consécutif, le chômage baisse ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Patriat. Cela semble vous attrister, chers collègues !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette fois-ci, il a baissé de 20 000 personnes. Il y a 70 000 chômeurs de moins depuis le début de l'année. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça suffit ! Personne n'y croit !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons une baisse du chômage globalement. Chacun devrait s'en réjouir ! Le chômage recule. Cela signifie que nous obtenons des résultats. Cela signifie que notre politique économique et sociale va dans le bon sens.
Monsieur Richard, vous pouvez compter sur mon engagement, sur ma détermination et sur ma cohérence pour défendre jusqu'au bout ce projet de loi et sa philosophie, qui est au cur de l'article 2, c'est-à-dire la négociation dans l'entreprise ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du RDSE.)
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