Question de M. GUÉRINI Jean-Noël (Bouches-du-Rhône - RDSE-R) publiée le 14/04/2016
M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les cas encore trop nombreux de syndrome d'alcoolisation fœtale (SAF).
En effet, chaque année, 8 000 enfants naissent victimes de ce syndrome, à des degrés divers. Il s'agit d'un ensemble de malformations et troubles du comportement, provoqués par la consommation d'alcool de la mère durant la grossesse et donc évitables. Un rapport de l'académie nationale de médecine sur « l'alcoolisation fœtale », adopté le 22 mars 2016, rappelle que l'exposition prénatale à l'alcool est particulièrement dévastatrice, puisque l'éthanol passe directement dans le placenta, sans que le foie encore immature du fœtus puisse le métaboliser, d'où des effets tératogènes et neurotoxiques. On estime à 500 000 le nombre de Français qui présentent les séquelles d'une exposition prénatale à l'éthanol. En France, en 2010, 23 % des femmes enceintes continuaient pourtant de consommer de l'alcool pendant leur grossesse, alors que, comme le souligne le rapport, il n'y a aucune preuve de risque zéro ou de quantité d'alcool « tolérable ».
En conséquence, il lui demande comment elle compte faire connaître et appliquer le « mot d'ordre » de l'académie nationale de médecine : « tolérance zéro alcool pendant la grossesse ».
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Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé publiée le 13/10/2016
La Cour des comptes a rendu en juin 2016 un rapport public thématique sur les politiques de lutte contre les consommations nocives d'alcool issu d'un travail comprenant notamment l'audition de l'ensemble des parties prenantes, y compris des représentants du secteur économique, et d'experts indépendants. La Cour constate entre autres qu'il existe une double limite à la baisse de la consommation globale à savoir l'augmentation de comportements à risques et le fait désormais établi qu'une consommation régulière et non excessive peut elle aussi emporter des risques. Partant de ces éléments, la Cour recommande trois mesures principales : l'élaboration d'un programme de lutte contre les consommations nocives d'alcool fondé sur des preuves scientifiques, une meilleure information sur les risques des consommations nocives d'alcool et un renforcement de l'impact des leviers d'action existants. Concernant la consommation en France, le ministère des affaires sociales et de la santé souhaite rappeler que si la consommation moyenne d'alcool pur pour une personne de 15 ans et plus est en baisse depuis les années 1960, elle demeure néanmoins l'une des plus élevées d'Europe et du monde : elle représente environ 25 grammes d'alcool pur par personne par jour, tous les jours de l'année. Près d'un adulte sur deux consomme de l'alcool au moins une fois par semaine et 10 % chaque jour, en particulier les plus de 50 ans. Les plus jeunes consomment moins régulièrement mais de façon plus excessive et ponctuelle avec des épisodes d'ivresse. Parmi les 18-25 ans, entre 2005 et 2014, la proportion ayant connu une ivresse dans l'année est passée de 33 % à 46 % et la part de ceux en ayant connu au moins trois a presque doublé, passant de 15 % à 29 %. Chaque année, l'alcool est impliqué dans 40 % des violences familiales, dans 25 % des faits de maltraitance à enfants et 30 % des viols et agressions sexuelles. L'alcool reste la deuxième cause de mortalité prématurée évitable après le tabac ; il est directement responsable d'environ 49 000 morts par an. Il contribue de façon directe ou indirecte à 14 % des décès masculins et à 3 % des décès féminins chaque année. Il est en cause dans un accident mortel de la circulation sur trois, un quart des tués ayant entre 18 et 24 ans. Chez ces jeunes adultes, les accidents de la route constituent la première cause de mortalité. L'alcool est également responsable de 10 % des décès par cancer, soit environ 15 000 par an. Ces données mettent en évidence la nécessité d'une politique volontaire sur un sujet crucial pour la santé de nos concitoyens. Aussi, le ministère des affaires sociales et de la santé est mobilisé autour de cet important enjeu sanitaire et social afin notamment de mieux protéger les plus jeunes ainsi que les femmes enceintes, mais aussi l'ensemble des presque 4 millions de personnes en difficultés avec l'alcool. Le ministère des affaires sociales et de la santé mène des actions en matière de lutte contre l'usage nocif d'alcool en population générale et en ciblant certaines populations vulnérables, en matière de prévention et de prise en charge. D'une part, le cadre juridique a évolué récemment. En effet, la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 contient un certains nombres de mesures visant à endiguer le phénomène de « biture expresse » qui est croissant chez les jeunes et à limiter la consommation d'alcool par les mineurs : interdiction de la vente et de l'offre aux mineurs d'objets incitant directement à la consommation excessive d'alcool (coques de smartphones, t-shirts, etc. faisant l'apologie de l'ivresse) ; interdiction de l'incitation à la consommation excessive d'alcool durant les bizutages ; obligation d'exiger une preuve de la majorité lors de toute vente d'alcool. D'autre part, des actions de prévention et de réduction des risques sont menées depuis plusieurs années. Le dispositif Alcool info service comprend une ligne téléphonique dédiée aux problèmes d'alcool ainsi qu'un site internet et un chat. Santé publique France a produit et diffusé, en 2012 et 2013, des campagnes à destination du grand public et des jeunes, des campagnes d'information sur les consultations jeunes consommateurs (CJC) en 2015. Actuellement, une campagne de communication multicanal est en cours depuis le 9 septembre 2016 à l'occasion de la journée mondiale de sensibilisation au syndrome d'alcoolisation ftale pour rappeler les effets néfastes de la consommation d'alcool pendant la grossesse et la nécessité d'adopter le réflexe « Zéro alcool pendant la grossesse ». Des actions de terrain sont également menées par les partenaires associatifs soutenus par la direction générale de la santé (DGS) ou avec les agences régionales de santé (ARS), en matière de réduction des risques en milieu festif mais également d'amélioration des pratiques professionnelles, de formation et d'intervention de proximité (travail, milieu carcéral, milieu scolaire, etc.). Par ailleurs, la prise en charge a été améliorée. Un outil a été élaboré par la haute autorité de santé en 2015 pour aider les médecins généralistes au repérage précoce et à l'intervention brève (RPIB) en cas de consommation de cannabis, de tabac et d'alcool. De plus, un dispositif médico-social de 450 structures spécifiques (centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ) ainsi qu'un dispositif hospitalier dédié, constitué de consultations en addictologie et d'équipes de liaison et de soins en addictologie (ELSA) assurent la prise en charge de seconde ligne. Ces deux dispositifs ont été étoffés depuis 2012. En outre, les 250 consultations jeunes consommateurs (CJC), mises en place à partir de 2004 ont fait l'objet d'un renforcement et d'une mise en lien avec les autres acteurs depuis 2012. Ils offrent un espace d'accueil, d'écoute, de prise en charge et d'orientation aux jeunes usagers de substances psychoactives, dont l'alcool. En termes de formation, pour l'année 2015, les programmes prioritaires de développement professionnel continu (DPC) comprenaient un volet RPIB. Enfin, depuis 2014, le ministère chargé de la santé, et plus particulièrement la DGS, est engagé dans les travaux de l'action conjointe de l'Union européenne Reducing Alcohol Related Harm. Ces travaux, qui seront finalisés en fin d'année, portent sur la comparabilité des enquêtes sur l'usage nocif d'alcool au niveau européen et sur l'élaboration de repères de consommation d'alcool à moindre risque. Récemment, la DGS s'est associée à la MILDECA pour saisir l'Inserm afin de disposer d'une revue de l'état des connaissances scientifiques sur les dommages sanitaires et sociaux associés à l'alcool assortie de recommandations pour la prévention et le soin. Cela permettra dès 2017 de disposer des connaissances récentes nécessaires à l'élaboration de politiques publiques en matière de lutte contre l'usage nocif d'alcool, tel que recommandé par la Cour.
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