Question de M. KERN Claude (Bas-Rhin - UDI-UC) publiée le 01/04/2016

Question posée en séance publique le 31/03/2016

M. Claude Kern. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Je voudrais tout d'abord saluer la présence dans nos tribunes de nombreux entrepreneurs, qui participent à la Journée des entreprises du Sénat. Ils ne manqueront pas d'être intéressés par votre réponse, monsieur le Premier ministre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Le Gouvernement a tranché en faveur du recours à un appel d'offres pour le renouvellement des trains Intercités, au lieu d'appliquer les contrats-cadres existants. Cette décision suscite les plus vives inquiétudes parmi les salariés d'Alstom Transport des sites d'Ornans, du Creusot, de Tarbes, de Villeurbanne, de Belfort et de Reichshoffen. Et pour cause ! Avec cette décision, vous signez l'arrêt de la production sur ces sites en 2017 et vous mettez en péril des milliers d'emplois, au sein du groupe et chez ses partenaires. Pour un gouvernement se disant soucieux de l'emploi, permettez-moi de vous dire que les bras m'en tombent ! (M. Alain Gournac applaudit.)

Les dégâts ne s'arrêtent pas là, puisque cette décision aura également pour conséquence le renchérissement de 800 millions d'euros du coût d'acquisition du matériel et des retards de quatre ans dans les livraisons.

En définitive, tout le monde est victime de cette décision : les salariés, les finances publiques et les voyageurs, qui subissent la vétusté de ces trains.

Certes, gouverner, c'est prendre des décisions difficiles, mais gouverner, c'est aussi, et surtout, faire preuve de bon sens, de pragmatisme !

Dans sa réponse à un courrier adressé par des parlementaires, le secrétaire d'État Alain Vidalies avance des raisons de sécurité juridique pour justifier ce choix. Effectivement, l'application des contrats-cadres existants présentait un risque juridique, mais les meilleurs juristes ont souligné combien celui-ci restait mesuré. Faut-il entendre, monsieur le Premier ministre, que ce risque modéré pèse plus lourd dans la balance que les conséquences économiques et sociales induites par le lancement d'un nouvel appel d'offres ?

Quelles mesures allez-vous mettre en place pour répondre à la détresse des salariés d'Alstom et aux difficultés des territoires concernés ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique publiée le 01/04/2016

Réponse apportée en séance publique le 31/03/2016

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord souligner que, conformément d'ailleurs aux positions que vous défendez dans cet hémicycle et ailleurs, la meilleure manière pour Alstom de remédier à ses problèmes de compétitivité, c'est précisément de se donner les moyens de conquérir de nouveaux marchés et de se rendre progressivement moins dépendant de la commande publique !

C'est la première réponse qui peut être apportée, et c'est celle qui vaudra sur le long terme. En effet, les problèmes actuels d'Alstom tiennent à une trop grande dépendance à l'égard de la commande publique, qui a été surabondante au cours des années passées. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne rendrons service à personne si nous considérons que la seule réponse doit être de maintenir un tel schéma ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. - MM. Jean-Pierre Raffarin et Henri de Raincourt applaudissent également.)

Nous nous employons à rassurer les salariés de l'entreprise en accélérant la modernisation de l'appareil productif. Je pense ici au projet de « TGV du futur » que nous soutenons dans le cadre de la démarche de la Nouvelle France industrielle. Avec la SNCF et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, nous avons accéléré la procédure d'appel d'offres et mis l'argent nécessaire à disposition.

Il importe aussi de conquérir de nouveaux marchés, au Maghreb, aux États-Unis ou ailleurs. Nous avons justement créé de nouveaux volumes d'affaires, que ce soit en ingénierie ou en production, pour l'entreprise.

Enfin, il convient de s'assurer de la santé financière de l'entreprise. À cet égard, nous avons veillé à ce que l'opération entre General Electric et Alstom participe au désendettement du groupe, afin de permettre de nouveaux investissements et de nouveaux projets.

Voilà ce que, en réalité, nous devons à Alstom pour lui permettre d'améliorer sa compétitivité.

S'agissant des commandes en cours, comme nous nous y étions engagés au mois de juillet dernier, nous avons privilégié le cadre du contrat existant entre la SNCF et Alstom. Gouverner, c'est aussi respecter le droit !

M. François Grosdidier. Sauf pour la déchéance de nationalité !

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous serions immanquablement attaqués si nous allions au-delà.

Alain Vidalies a confirmé, le 19 février dernier, la commande de trente-quatre rames Coradia, pour un montant de 510 millions d'euros - les premières seront livrées en fin d'année - et annoncé l'acquisition de trente rames supplémentaires dans le cadre du contrat entre Alstom et la SNCF.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. Cette commande évoluera en fonction des travaux que le préfet Philizot mène, à la demande du Premier ministre, avec les régions. Plus les régions contribueront à la commande publique, plus nous pourrons étendre celle-ci et donner de la visibilité à l'entreprise. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour la réplique.

M. Claude Kern. Je note que le Gouvernement fait néanmoins le choix de la prudence excessive, en sacrifiant un fleuron de l'industrie nationale et des milliers d'emplois. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain. - M. André Reichardt applaudit.) Le véritable courage politique eût été d'affronter le risque que vous évoquez, monsieur le ministre, et d'appliquer les contrats-cadres existants au-delà des trente rames. J'ajoute que les parlementaires des territoires concernés attendent toujours une réponse à leur demande de rendez-vous, après plusieurs relances. (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

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