Question de M. CABANEL Henri (Hérault - Socialiste et républicain) publiée le 17/02/2016

Question posée en séance publique le 16/02/2016

M. Henri Cabanel. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.

Crise laitière, crise de l'élevage, épidémies de grippe aviaire, fièvre catarrhale ovine, sécheresse : la crise que connaît l'agriculture depuis quelques mois est complexe et dramatique. Elle se poursuit, comme en témoigne l'actualité, avec la mobilisation de nombreux agriculteurs, qui sont prêts à tout et même au pire.

En tant que parlementaire, je condamne ces actions dangereuses. En tant qu'agriculteur, je ne peux que comprendre le désarroi de ces entrepreneurs, travailleurs de la terre qui ne peuvent plus vivre dignement de leur travail et qui voient des exploitations parfois construites de génération en génération s'anéantir.

Les causes de cette crise, qui dépasse largement nos frontières françaises, sont multiples. Aux difficultés sanitaires propres à l'agriculture se sont ajoutés une surproduction, qui fait chuter les cours, l'embargo russe, qui nous prive de débouchés essentiels, ainsi que l'effondrement du marché chinois, pourtant prometteur. La suppression des outils de régulation du marché décidée dans le cadre de la politique libérale de l'Union européenne aggrave encore la situation. La seule stratégie qui en découle est la loi du marché : au vu des enjeux inhérents à l'agriculture, cela ne peut pas fonctionner !

Beaucoup d'efforts ont été faits par le Gouvernement, en particulier sous votre égide, monsieur le ministre, depuis le début de cette crise. Le 8 février dernier, avec le ministre de l'économie, vous avez encore indiqué aux entreprises de la distribution et de la transformation qu'il n'était pas acceptable que les négociations commerciales conduisent en 2016 à des baisses de prix pour les filières en difficulté. Ce sont ainsi plus de 4,6 milliards d'euros d'allégements et de baisses de charges sociales qui auront été consacrés à l'agriculture en 2017.

En outre, le 11 février dernier, le Président de la République a annoncé des mesures supplémentaires de baisse des charges sociales. Certains diront que ce n'est pas assez. Ils feront monter les enchères. Est-ce raisonnable ? Ne faut-il pas, pour redonner confiance aux agriculteurs, leur montrer que nous pouvons, sur la cause nationale qu'est l'agriculture, nous retrouver sur toutes les travées et construire ensemble, sans faire de politique politicienne ?

M. le président. Posez votre question !

M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre, vous avez défendu hier les intérêts de la France au conseil européen des ministres de l'agriculture. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Votre question !

M. Henri Cabanel. Ma question est la suivante : pouvez-vous éclairer nos agriculteurs sur les pistes que vous avez ouvertes hier avec vos collègues européens ? Les avez-vous convaincus de la nécessité d'une véritable stratégie européenne pour sauver notre agriculture ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 17/02/2016

Réponse apportée en séance publique le 16/02/2016

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous êtes vous-même un exploitant agricole. Vous êtes familier d'une telle situation : il y a plusieurs années, la viticulture, que vous connaissez bien, a elle aussi subi des difficultés.

Nous sommes dans un moment extrêmement difficile. À la crise de l'élevage, que vous avez évoquée et qui touche plusieurs productions, s'ajoutent des problèmes sanitaires et la sécheresse - cela constitue ce qu'on peut appeler le lot commun.

La crise qui nous concerne est également liée à la situation des marchés internationaux. Je pense en particulier au lait et au porc, ainsi qu'à la situation spécifique de la viande bovine. Pour le lait, c'est très clair : alors que les prix sont bas, la production européenne ne cesse aujourd'hui de croître, et ce à un rythme extrêmement élevé, entre 5 % et 7 %. De ce fait, l'offre de lait dépasse aujourd'hui la demande, elle-même inférieure à ce qui avait été anticipé ; vous avez sur ce point évoqué le fameux marché chinois.

Dès lors, il faut mener une réflexion globale pour savoir comment freiner ce qui est en train de se passer. Tel était l'objet de la discussion européenne d'hier : que chacun prenne bien conscience de cette nécessité à l'échelle de l'Union européenne tout entière. Chacun des vingt-huit ministres présents a pris la parole sur ce sujet ; une douzaine d'entre eux ont clairement exprimé qu'ils partageaient l'analyse faite par la France - il fut un temps où le commissaire européen à l'agriculture considérait qu'il n'y avait pas réellement de crise...

Je rappelle que le sommet extraordinaire de septembre dernier s'est tenu à la demande de la France. Il a permis de débloquer 500 millions d'euros ; j'avais alors annoncé que ce montant ne suffirait pas.

M. le président. Il va falloir penser à conclure !

M. Stéphane Le Foll, ministre. On est aujourd'hui à ce niveau.

Les États membres de l'Union européenne doivent mieux coopérer et mieux se coordonner pour éviter ce qui se passe aujourd'hui, à savoir une espèce de course à la production et à la concurrence entre pays européens, pour le plus grand désastre de l'agriculture et des agriculteurs en Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)

M. Didier Guillaume. Eh oui !

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