Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 05/11/2015

M. Cyril Pellevat attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les fraudes à l'assurance maladie par les professionnels de santé.
Le montant des fraudes à l'assurance maladie a bondi de 17 % sur un an, atteignant 196,2 millions d'euros en 2014. Il s'élevait à 167,1 millions d'euros en 2013. Derrière ce nouveau record, une surprise de taille : les professionnels de santé sont ceux qui ont le plus fraudé, avec 73,1 millions d'euros, soit plus du tiers (37%) du total. Arrivent ensuite les établissements de santé (52,6 millions d'euros soit 27 % du total. Et les assurés, souvent montrés du doigt, sont en fait les derniers : 38,8 millions d'euros, soit moins de 20 %. Des fraudes par les professionnels de santé eux-mêmes sont inadmissibles. Il lui demande ce que le Gouvernement compte faire pour lutter contre ces fraudes.

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Réponse du Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes publiée le 21/01/2016

La lutte contre les fraudes à la sécurité sociale constitue un impératif au regard des objectifs d'équilibre financier de la sécurité sociale, de préservation des conditions de concurrence entre entreprises et de garantie des droits sociaux des salariés. Les actions menées en termes de lutte contre la fraude à la sécurité sociale tiennent en premier lieu à une meilleure détection de la fraude en 2014 : plus de 818,4 millions d'euros de fraude ont été détectés par les organismes de sécurité sociale du régime général, de la caisse nationale du RSI, de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole et des régimes spéciaux, soit une augmentation de plus de 27,5 % par rapport à 2013. Des plans institutionnels de lutte contre la fraude sont mis en œuvre dans les principaux régimes (caisse nationale des allocations familiales (CNAF), CNAV, CNAMTS, caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), caisse nationale du régime social des indépendants (CNRSI) ). Ces nouvelles organisations, fondées sur la création de services dédiés à la lutte contre la fraude au niveau national et sur la mise en place de « référents fraudes » dans la plupart des organismes locaux, sont naturellement plus efficaces. Par ailleurs, les nouvelles formes de fraude faisant l'objet d'une attention particulière, l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a mis en place en 2012 une cellule dédiée à la lutte contre la fraude transnationale. Pour accompagner cette nouvelle organisation, le cadre législatif et réglementaire a été modifié de manière à ce que les organismes de protection sociale disposent d'une part de moyens d'investigation plus performants et d'autre part d'une gamme de sanctions plus adaptée. Concernant les moyens d'investigation, les échanges d'informations entre les diverses institutions ont été facilités. Ainsi les organismes de protection sociale peuvent-ils notamment partager des renseignements avec : la direction générale des finances publiques pour les fraudes aux ressources et à la résidence ; la direction générale du travail et l'office central de lutte contre le travail illégal pour la lutte contre le travail dissimulé ; les services du ministère de l'intérieur pour les fraudes documentaires et à l'identité. De plus, le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, est désormais déployé dans l'ensemble des régimes. Les organismes de protection sociale disposent également, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, d'un droit de communication auprès d'un certain nombre d'organismes ou d'entreprises, en particulier les établissements bancaires, les fournisseurs d'énergie et les opérateurs de téléphonie. Le Gouvernement prévoit de travailler sur plusieurs axes pour poursuivre cette amélioration des résultats. En matière de ciblage des informations, il encourage le développement de nouvelles techniques de détection reposant sur l'exploitation des données dont disposent les organismes (datamining), améliorant ainsi l'efficacité des actions de contrôle. Quant aux dispositions juridiques relatives à la lutte contre la fraude, elles ont été progressivement renforcées par les lois de financement de la sécurité sociale. Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, le Gouvernement a proposé d'harmoniser à l'ensemble des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale les moyens et prérogatives de lutte contre la fraude. Il est également proposé une mesure permettant de faciliter l'exploitation et la mutualisation des enquêtes entre branches, quel que soit le régime considéré (régime général, régime social des indépendants, mutualité sociale agricole). Le renforcement des sanctions de la fraude constitue un autre volet des actions mises en œuvre. Concernant les fraudes aux prestations famille et vieillesse, le Gouvernement a encouragé la mise en place d'un système de sanctions plus cohérent afin de permettre une plus grande effectivité des pénalités prononcées. Pour lutter contre le travail illégal, l'échelle des sanctions a été renforcée dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 par la création de facteurs aggravants (infraction commise à l'égard de plusieurs personnes ou d'une personne dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance sont apparents). En matière de fraudes aux cotisations et contributions sociales, les infractions constatées peuvent donner lieu à des sanctions administratives (annulation des exonérations ou réductions de cotisations, application de majorations de retard et de pénalités), mais aussi à des poursuites pénales. Par exemple, les infractions dans ce domaine font l'objet de plus de 3000 procès-verbaux par an dressés par les agents du recouvrement ; la progression est constante. L'Assurance maladie recourt de plus en plus aux sanctions administratives, qui ont augmenté de 66,67% en montant et les juridictions pénales. De plus, en 2014, les juridictions pénales ont prononcé des condamnations et des sanctions financières plus importantes qu'en 2013. Cette amélioration s'inscrit dans la durée grâce aux objectifs fixés dans les COG. De fait, la COG conclue par l'État et l'ACOSS pour la période 2014-2017 détermine une nouvelle stratégie de détection des fraudes. Celle-ci combine la poursuite des contrôles dans les domaines encore insuffisamment couverts (travailleurs indépendants, emplois à domicile) et l'identification de nouveaux risques de fraude à forts enjeux financiers (notamment au niveau international). Les Unions de recouvrement des cotisations sociales et d'allocations familiales (Urssaf) maintiennent en outre leurs contrôles aléatoires dans les secteurs ou les entreprises jugés à risque (construction, hôtellerie, restauration). Ainsi que le recommande la Cour des comptes, les COG prévoient le déploiement, d'ici la fin de la période conventionnelle, du plan de contrôle des cotisations de retraite complémentaire obligatoire. Celui-ci sera mis en œuvre par les Urssaf pour le compte des organismes gestionnaires. Dans la COG conclue avec l'État pour la période 2014-2017, la CNAV se voit fixer des objectifs renforcés en matière de lutte contre la fraude en France et à l'étranger. D'une part, elle s'engage à mettre en œuvre une plateforme d'échange d'informations entre les différents régimes de retraite. D'autre part, l'amélioration des contrôles des pensions de retraite versées dans les Etats européens sera permise par la mutualisation des certificats d'existence des assurés. Concernant la CNAMTS, ses objectifs ont été déterminés dans la COG pour 2014-2017 : les coopérations inter-régimes et inter-institutions devront être encouragées. De plus, les contrôles devront être davantage ciblés sur les thématiques à fort enjeu financier, tout en accroissant la politique existante de mise sous accord préalable des professionnels de santé ayant réalisé un volume atypique de prescriptions ou d'actes. La COG 2013-2017 pour la CNAF définit quant à elle 4 objectifs de lutte contre la fraude : identifier les indus frauduleux sur la base de critères de qualification et de règles de comptabilisation harmonisés ; approfondir les travaux d'évaluation de la réalité de la fraude et des risques pesant sur certains dispositifs et processus de gestion ; mieux utiliser les nouvelles technologies et les rapprochements de fichiers pour prévenir et détecter les actes frauduleux ; développer les partenariats avec les autres institutions. L'amplification de la lutte contre la fraude produit des résultats, les chiffres étant en continuelle augmentation. Il convient cependant de rappeler que ces chiffres ne traduisent pas nécessairement une augmentation de la fraude mais une meilleure détection de celle-ci. Par ailleurs, le terme générique de fraude recouvre des situations très différentes et qui ne doivent pas être amalgamées. En effet, si une partie de la fraude aux déclarations sociales des entreprises traduit une volonté délibérée de contourner la législation et doit donc être sévèrement réprimée, l'ensemble des rapports souligne également l'existence de fraudes involontaires par méconnaissance des règles et de leur complexité. Enfin, il existe également ce que la CNAF qualifie de « fraude de survie », qui est en augmentation, et qui est le fait de personnes très modestes, bénéficiaires de prestations sous conditions de ressources et le plus souvent de minima sociaux et qui traduisent les difficultés sociales rencontrées par nos concitoyens. En tout état de cause, l'objectif de lutte contre la fraude demeure un objectif prioritaire assigné par le Gouvernement à l'ensemble des organismes de sécurité sociale car il contribue à l'effectivité de l'égalité d'accès aux droits mais est également de nature à rétablir l'acceptabilité des contributions sociales pour la pérennité de notre système de protection sociale universelle.

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