Question de M. GORCE Gaëtan (Nièvre - Socialiste et républicain) publiée le 05/11/2015

M. Gaëtan Gorce attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur la situation fiscale des régies de quartier ou de territoire. D'après le 1 bis de l'article 206 du code général des impôts, « ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 € ».
De son côté, l'article 261 du code général des impôts précise à son 7. 1° b. que « les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 et qui en remplissent les conditions, sont également exonérés [de la taxe sur la valeur ajoutée] pour leurs autres opérations lorsque les recettes encaissées afférentes à ces opérations n'ont pas excédé au cours de l'année civile précédente le montant de 60 000 € ».

Ces dispositions peuvent se révéler très préjudiciables pour des structures comme les régies de territoire qui se retrouvent inévitablement pénalisées alors qu'elles constituent pour des territoires en difficulté une réponse appropriée à la montée du chômage.

Cette situation est encore aggravée par l'interprétation des services fiscaux qui mettent en avant le principe de concurrence.
Ainsi, la direction départementale des finances publiques (DDFiP) de la Nièvre a estimé que « les activités de la régie constituent des prestations individualisées susceptibles de concurrencer les entreprises du secteur privé », étant donné qu'elles sont « exercées dans des conditions similaires » et que « le produit peut être proposé par des entreprises ».
Cette appréciation ne prend manifestement pas en compte les spécificités sociales d'une régie : une demi-journée hebdomadaire de formation avec un plan de formation individualisé, une politique de recrutement construite avec les services publics de l'emploi, un suivi personnalisé par une conseillère en insertion professionnelle et un tuteur technique. C'est ignorer également l'effort de solidarité des collectivités dont le seul but ici est de favoriser l'embauche de personnes très éloignées de l'emploi.
Or, la même DDFiP estime que le public visé « n'est pas différent de celui auquel s'adressent les entreprises commerciales, artisanales ou agricoles exerçant des activités identiques » et « est aussi concerné par l'offre d'emploi traditionnelle ». Mais on ne peut ignorer que ces entreprises ne sont pas en situation de proposer du travail à des chômeurs de longue durée ou de plus de cinquante ans, ni d'offrir des contrats à durée indéterminée à des jeunes peu qualifiés nécessitant formation et accompagnement.

Concernant enfin le prix pratiqué, la DDFiP mentionnée estime que la tarification et les salaires sont similaires à ceux du secteur marchand, oubliant que le prix de revient pour une régie est supérieur au prix facturé, compte tenu notamment d'un sur-encadrement qui est le garant de l'efficacité technique et d'une meilleure insertion. À ce stade, il convient de rappeler que l'équilibre économique d'une régie, combinant vente de prestations et subventionnements, est difficile à comparer à une entreprise privée.

Dans ces conditions, il souhaite savoir s'il est en mesure de lui présenter une interprétation différente afin d'éviter de pénaliser les entreprises intermédiaires, en particulier les régies, dans l'exercice de leurs missions essentielles sur un terrain social qui ne cesse de se dégrader, sachant que la fiscalisation d'une régie augmente de près de 20 % ses tarifs et éloigne du coup les clients potentiels.

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Transmise au Ministère de l'économie et des finances


Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 22/09/2016

Les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent notamment un caractère social et dont la gestion est désintéressée sont susceptibles d'être exonérées de TVA en application du b du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts (CGI). Le bénéfice de cette exonération est cependant conditionné au fait que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales. Sous réserve que le caractère désintéressé de la gestion de l'organisme soit respecté, une activité sera considérée comme non lucrative lorsqu'elle est exercée dans des conditions différentes de celles d'une entreprise au regard des critères dits des « 4 P » (produit, public, prix, publicité). Les régies de quartier ou de territoire, constituées sous la forme d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901, sont des organismes qui contribuent, d'une part, à la réinsertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi, notamment par la formation par le travail, et d'autre part, qui participent au développement de leur tissu social en proposant une offre d'activités et des services variés adaptés aux spécificités de leur territoire (entretien d'espaces verts, de sites patrimoniaux, services à domicile, collecte de déchets…). Elles sont ainsi susceptibles de concurrencer les entreprises d'insertion organisées sous la forme de sociétés qui sont assujetties aux impôts commerciaux dans les conditions de droit commun. Les régies de quartier ou de territoire doivent donc être soumises à un régime fiscal similaire à ces entreprises lorsqu'elles exercent leurs activités dans les mêmes conditions que celles-ci. L'exonération ne peut ainsi s'appliquer qu'aux régies de quartier ou de territoire exerçant leur activité dans des conditions s'éloignant significativement de celles qui prévalent pour une entreprise du secteur lucratif, par exemple en s'adressant exclusivement à une population de personnes en exclusion qui nécessitent un encadrement supplémentaire ou une adaptation coûteuse des postes de travail, de telle sorte qu'il ne puisse exister aucune entreprise du secteur lucratif susceptible d'exercer durablement la même activité. Ainsi, seule une appréciation in concreto, au cas par cas, des conditions d'exercice des activités des régies de quartier ou de territoire est à même de définir le régime fiscal qui leur est applicable afin de garantir les règles de concurrence et d'équité fiscale entre les différents acteurs économiques. En tout état de cause, il est rappelé que s'agissant de l'exonération de TVA mentionnée au deuxième alinéa du b du 1° du 7 de l'article 261 du CGI, le seuil de recettes de 60 540 € ne s'applique qu'aux organismes dont les activités non lucratives restent significativement prépondérantes et encaissent, de manière accessoire seulement, des recettes d'exploitation d'activités lucratives.

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