Question de M. GABOUTY Jean-Marc (Haute-Vienne - UDI-UC) publiée le 27/11/2015
Question posée en séance publique le 26/11/2015
M. Jean-Marc Gabouty. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
L'Occident n'a peut-être pas encore tiré toutes les leçons de ses interventions calamiteuses en Irak et en Libye. Nous cultivons, semble-t-il, une véritable obsession consistant à remplacer des régimes autoritaires et dictatures militaires, au mieux par le chaos, au pire par des dictatures religieuses.
Les pays occidentaux et la France en particulier ont très largement diabolisé Bachar el-Assad et son régime, alors que ce dernier a tout de même l'avantage d'être laïc et protecteur de certaines minorités qui nous sont chères. Nous nous sommes en revanche très peu interrogés sur les ambiguïtés le mot est faible des agissements et des objectifs de certains pays de la région, comme la Turquie, l'Arabie saoudite ou le Qatar.
Hier, le Sénat a approuvé à l'unanimité la prolongation de l'intervention de nos forces aériennes en Syrie. Toutefois, vous le savez, la victoire sur Daech nécessite une intervention lourde au sol. Sur qui pouvons-nous compter dans cet engagement terrestre ? Nous ne pouvons pas uniquement compter sur un ensemble hétéroclite de groupes rebelles allant des modérés jusqu'aux plus extrémistes des salafistes proches d'Al-Qaïda.
Il reste heureusement les Kurdes, mais leurs ambitions territoriales sont limitées, ainsi que l'armée régulière syrienne, affaiblie, mais soutenue par la Russie et l'Iran, des pays que nous devons aujourd'hui considérer comme des partenaires majeurs dans les solutions militaires et politiques à mettre en œuvre. Ces constats m'amènent à formuler deux questions.
Premièrement, quelles forces armées pourraient intervenir au sol pour reconquérir le territoire occupé par Daech ?
Deuxièmement, quel pourrait être le périmètre de la réconciliation civile en Syrie que M. le ministre des affaires étrangères évoquait hier dans cet hémicycle ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 27/11/2015
Réponse apportée en séance publique le 26/11/2015
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous avez eu ce débat hier, et je ne doute pas que nous le poursuivrons. M. le Président de la République aura bien sûr l'occasion d'en rendre compte et d'établir un bilan, dont nous espérons tous qu'il sera positif, après ses nombreuses initiatives.
Je veux insister sur ce qu'a rappelé M. le ministre des affaires étrangères ici même, ou sur ce que j'ai développé moi-même à l'Assemblée nationale à l'occasion de ce débat important. La donne a changé, malheureusement, le 13 novembre dernier, avec les attentats de Paris, et depuis la constatation par les Russes, au lendemain des attentats qui nous ont frappés, que l'explosion d'un avion d'une compagnie russe au-dessus du Sinaï était bien due à un attentat, d'ailleurs revendiqué par Daech.
Nous avons toujours adopté une attitude très solidaire, mais en matière de coopération et d'échange d'informations, nous sommes enfin allés plus loin avec les Américains pour nos frappes en Syrie comme en Irak.
Les choses ont changé pour ce qui concerne les Russes, mais laissons le Président de la République et Vladimir Poutine en parler ce soir à Moscou, puisqu'une résolution voulue par la France a été votée à l'unanimité par le Conseil de sécurité des Nations unies. Il faut maintenant des actes. L'objectif du Président de la République est, comme auparavant, de détruire Daech.
La France n'a jamais frappé le régime syrien au cours de ces deux dernières années, particulièrement au cours de ces derniers mois. Nous n'avons fait que frapper Daech depuis un an dans le cadre d'une coalition engagée en Irak, et depuis quelques semaines en Syrie, où nous avons intensifié ces frappes ces derniers jours.
Il faut réunir une coalition sans exclusive, sans réanimer les fractures, déjà bien vivantes, entre chiites et sunnites, car c'est l'une des clefs de compréhension du problème. Il serait extrêmement dommageable que de nous appuyer uniquement sur un axe chiite ou sur un axe Moscou-Bagdad-Téhéran. Ce n'est pas du tout ce que vous proposez, mais ce serait une erreur fondamentale pour la suite. Quant à l'idée, que vous n'avez pas évoquée, de combattre au sol ou de s'allier par exemple au Hezbollah, elle mérite, me semble-t-il, une certaine réflexion...
Il faut que tout le monde clarifie ses objectifs, et sur ce point vous avez parfaitement raison. C'est pourquoi, dans cette coalition, comme c'est le cas en Irak, où les Russes ne sont pas présents, nous obtenons des résultats, même si c'est très difficile et que cela le restera. Des frappes ont lieu et des troupes agissent au sol - les troupes irakiennes, les milices chiites et les valeureux combattants kurdes, qui ont repris certaines villes, coupant ainsi des axes stratégiques entre Mossoul et Raqqa. Il faut continuer et agir de même en Syrie.
Si nous voulons être efficaces, il faut en effet, de la part de l'opposition modérée, des Kurdes, de tous ceux qui s'engageront, mais sans que nous reproduisions les mêmes erreurs qu'en Libye ou en Irak, éviter toute ambiguïté. Autrement dit, tous les pays, y compris la Turquie, doivent dire bien que l'objectif, c'est Daech. La condition sine qua non pour réussir cette guerre est de sortir des ambiguïtés, d'entrer dans une coalition, dans une coordination, avec ce seul objectif : détruire Daech ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. - Mme Françoise Laborde et M. Michel Mercier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour la réplique.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de votre réponse. Effectivement, il faut faire preuve de cohérence entre l'intervention militaire et la solution politique qui suivra, car l'une conditionne l'autre. Bien entendu, toute réconciliation vise à rapprocher des personnes aujourd'hui opposées. Un effort s'impose donc dans ce domaine. (M. Jean-Marie Bockel applaudit.)
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