Question de Mme BENBASSA Esther (Val-de-Marne - Écologiste) publiée le 13/11/2015
Question posée en séance publique le 12/11/2015
Mme Esther Benbassa. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, les médias ont commencé à faire état d'exfiltrations de réfugiés souhaitant passer en Angleterre, de Calais vers des centres de rétention administrative, exfiltrations visant non à traiter les effets dramatiques d'une crise migratoire majeure, mais juste à désengorger Calais en cette veille d'échéances électorales.
Mme Natacha Bouchart. Il faut arrêter de dire n'importe quoi ! C'est incroyable !
Mme Esther Benbassa. Le 10 novembre dernier, en visite au centre de rétention administrative de Paris-Vincennes, j'ai rencontré des gens perdus, exténués, humiliés, n'ayant rien à faire là. Certains ont été arrêtés dans les gares parisiennes pour empêcher leur départ vers Calais et, à les en croire, traités sans ménagement dans les commissariats. D'autres ont été ramassés à Calais même et parfois séparés de leurs proches.
Mme Natacha Bouchart. Taisez-vous !
Mme Esther Benbassa. Tous sont non expulsables vers leurs pays d'origine.
Les arrivées se sont échelonnées : le 29 octobre, puis le 3 novembre, puis le 8. Une centaine de personnes en tout ont été pour partie libérées, mais pour être aussitôt remplacées par d'autres ! D'autres arrivées sont attendues les 15, 21 et 26 de ce mois.
L'Association service social familial migrants, qui s'occupe des centres de rétention administrative, juge que les choses ont pris « un tour particulièrement effrayant dans un État de droit » et que les mesures prises, « au mieux ubuesques, au pire illégales », témoignent d'un mépris flagrant des droits élémentaires des personnes concernées.
Au centre de rétention administrative de Paris-Vincennes, sept réfugiés ont entamé mardi dernier une grève de la faim. D'autres se joignent à eux.
Monsieur le ministre, ma question est double. Quand sera-t-il mis fin à une manipulation attentatoire à la dignité des personnes, qui ternit l'image de la France ? Quand sera donc mise en œuvre une solution de fond garantissant aux réfugiés un accueil conforme au droit et aux riverains de la « jungle » de Calais la tranquillité à laquelle ils peuvent prétendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 13/11/2015
Réponse apportée en séance publique le 12/11/2015
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je vais répondre très précisément à votre question en évoquant le volet humanitaire.
Pourquoi n'avez-vous pas mentionné dans votre question que, depuis dix jours, mille personnes relevant du statut de réfugié en France et en Europe et se trouvant à Calais bénéficient de mesures de protection sur le territoire national, avec un accompagnement social exceptionnel, qui permet à ces personnes en situation de très grande vulnérabilité l'accès à la langue et leur offre les conditions propices à une intégration ?
Vous êtes allée visiter le centre de rétention administrative de Vincennes. Je vous invite à vous rendre dans les centres d'accueil et d'orientation que nous avons mis en place à Vitry-le-François ou ailleurs. Pourtant, vous n'y faites pas référence dans votre question.
Bien entendu, il s'agit toujours pour vous de noircir le tableau,...
M. Roger Karoutchi. Oui !
Mme Bariza Khiari. Évidemment !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. ... d'évoquer les sujets les plus difficiles, sans jamais rien dire de ce qui est fait sur le plan humanitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.) Dans le contexte actuel, c'est faire preuve d'une très grande irresponsabilité !
Madame la sénatrice, il aurait été honnête, convenable, digne, puisque vous donnez des leçons de dignité, de rappeler dans votre question que 300 personnes avaient demandé l'asile à Calais en 2013, qu'elles étaient 1 000 en 2014 et qu'elles seront 2 000 à la fin de l'année 2015, parce que les services qui sont sous ma responsabilité souhaitent que tous ceux qui relèvent du statut de réfugié en France puissent y avoir accès dans les meilleures conditions, justement parce que nous sommes la France. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
Pourquoi n'avez-vous pas non plus indiqué que le Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre et à sa demande, a créé à Calais 1 500 places d'accueil pour ceux qui sont en situation de vulnérabilité, qu'un accueil de jour a été mis en place, que nous avons installé des sanitaires, que nous avons récemment prévu des conditions de nettoyage de ce camp qui n'existaient pas, non pas parce que le tribunal administratif nous l'a demandé, mais parce que nous avions décidé de le faire depuis des mois ?
Vous ne le dites pas. Pourquoi ? Parce que votre préoccupation, madame la sénatrice, comme celle d'autres, d'ailleurs, qui siègent plutôt de ce côté de l'hémicycle... (M. le ministre désigne la droite de l'hémicycle. - Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.) Non, rassurez-vous, je ne parle pas de vous ! Je parle de ceux qui se trouvent tout en haut, à l'extrême droite, et de ceux qui parfois leur emboîtent le pas, ceux dont la préoccupation est d'instrumentaliser la question migratoire à des fins politiques (Protestations sur les mêmes travées), au lieu de dire la vérité sur ce que nous faisons ! Dans notre pays, on réserve les meilleures conditions d'asile à ceux qui ont droit à l'asile en France ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE. - Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
J'aurais aimé vous entendre dire cela, madame la sénatrice, mais pour cela il aurait fallu que vous convoquiez la vérité. On en était loin ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. - Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
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