Question de M. MARC Alain (Aveyron - Les Républicains-R) publiée le 04/11/2015

Question posée en séance publique le 03/11/2015

Monsieur le Premier ministre, je souhaite, une fois n'est pas coutume, vous féliciter d'avoir entendu le président du Sénat et mon groupe. Ces derniers jours, nous avons attiré votre attention sur le caractère illisible et les conséquences inconnues de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, que votre gouvernement souhaite proposer. (Bravo ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

À la baisse brutale des dotations des collectivités, vous voulez ajouter, à coûts constants, une réforme de la DGF sans être en mesure de fournir des simulations exploitables. Or une réforme de cette ampleur ne peut passer en douce : ses conséquences doivent être non seulement claires, mais aussi expliquées.

Bien que vous en ayez reporté l'application, vous souhaitez que les grands principes de cette réforme soient arrêtés dans le projet de loi de finances pour 2016. De deux choses l'une : soit des incertitudes existent sur les conséquences de ce texte, et je vois mal comment les parlementaires pourraient se prononcer en connaissance de cause ; soit vous estimez qu'il n'y a aucune incertitude, et je comprends mal le sens de ce report.

Votre position, monsieur le Premier ministre, ne répond à aucune logique. La réforme de la DGF est un sujet suffisamment important pour faire l'objet d'une loi autonome. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de tirer toutes les conséquences de l'incapacité du Gouvernement à fournir des simulations fiables en reprenant entièrement le processus de réforme et en organisant – autrement que dans l'urgence – un grand et vrai débat sur ce sujet. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 04/11/2015

Réponse apportée en séance publique le 03/11/2015

Monsieur le sénateur, le Gouvernement a engagé une réforme de la dotation globale de fonctionnement des communes et des intercommunalités - vous l'avez souligné - dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016.

La mission conduite par Christine Pires Beaune et votre très regretté collègue Jean Germain a établi un diagnostic que nous pourrions au moins partager (M. Bruno Sido acquiesce.), issu d'une large concertation menée très en amont avec les élus et l'ensemble des associations d'élus, selon lequel la DGF est profondément injuste.

Je veux de nouveau saluer la qualité de ce travail, que Marylise Lebranchu, André Vallini et Christian Eckert ont poursuivi et qui a permis d'engager la discussion sur des bases solides.

La DGF n'est pas seulement injuste et inéquitable, elle est aussi illisible. La réforme que nous souhaitons, comme de nombreux élus, quelle que soit leur couleur politique, répond à trois objectifs.

Il s'agit d'abord d'assurer une meilleure lisibilité de la DGF à travers une architecture plus claire, une dotation de base égale pour chaque commune et des dotations complémentaires pour tenir compte des charges de ruralité ou des charges de centralité.

Il s'agit ensuite de réduire les écarts de dotation injustifiés et d'accentuer les effets de la péréquation. Là encore, je crois que nous pouvons nous retrouver sur de tels objectifs de justice territoriale.

Une réforme est nécessaire pour rétablir équité et justice dans l'attribution des ressources des collectivités, lesquelles participent aussi à l'effort de lutte contre les déficits publics.

Parce que cette réforme est importante, parce qu'elle doit s'inscrire dans la durée, parce que nous voulons agir différemment de ceux qui ont réformé la taxe professionnelle, sans simulation, rapidement et de manière autoritaire (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.), nous souhaitons prendre le temps nécessaire.

J'ai entendu les arguments des parlementaires de la majorité comme de l'opposition, ainsi que des grandes associations d'élus. Nous avons décidé de définir les principes pour marquer la volonté de nous inscrire dans cette réforme, et de mettre en œuvre celle-ci au 1er janvier 2017.

Il est vrai qu'un travail de simulation reste à faire. La direction générale des collectivités locales, Bercy et les cabinets des ministres concernés ont déjà fourni un effort considérable qui nous permet d'ores et déjà de disposer de premiers éléments de très grande qualité. Il nous faut cependant continuer à nous inscrire dans la durée au regard des budgets pluriannuels.

Par ailleurs, de nombreux élus, présidents d'association ou d'intercommunalité m'ont rappelé que la carte intercommunale sera achevée le 31 mars 2016.

M. Philippe Dallier. Eh oui !

Mme Catherine Deroche. Justement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vais donc dans le sens demandé par beaucoup d'élus : au mois d'avril prochain, sur la base de cette nouvelle carte intercommunale et des travaux que nous aurons menés, nous serons en mesure de boucler cette réforme de la DGF et de l'inscrire pleinement dans le projet de loi de finances pour 2017.

Ce que nous souhaitons, c'est engager maintenant cette réforme, qu'elle s'inscrive dans la durée et sur des bases de très grande transparence.

Nous réformons. Nous réformons nos territoires. Nous réformons la fiscalité locale. Nous réformons les dotations aux collectivités territoriales. Il y aura une majorité de gagnants ; il peut y avoir - je n'aime pas beaucoup ce mot - une minorité de perdants.

M. François Grosdidier. Il y aura plus de perdants que de gagnants !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Non ! Il y aura plus de gagnants que de perdants ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ne polémiquez pas de manière absurde ! N'utilisez pas ce sujet à des fins politiques, alors que je suis en train de vous dire que je suis dans l'écoute, que nous travaillons à une réforme durable et que nous faisons exactement le contraire de ce que vous avez fait sur la taxe professionnelle ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Gérard Cornu. Et c'est nous qui polémiquons !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il s'agit d'une réforme juste, d'une réforme équitable qui s'inscrit dans la durée et d'une réforme lisible pour l'ensemble des élus locaux. Vous devriez être d'accord et applaudir deux fois ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.

M. Alain Marc. Monsieur le Premier ministre, vous le savez, les collectivités locales réalisent 70 % de l'investissement public. Or aujourd'hui, entre baisse des dotations de l'État et réformes diverses - telle la réforme des rythmes scolaires -, cette capacité d'investissement va s'amenuisant.

C'est aux parlementaires d'élaborer la mise en place d'une nouvelle DGF. De l'avis même du président du Sénat, cette réforme doit faire l'objet d'un texte spécifique.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout à fait ! Il faut faire les choses sérieusement !

M. Alain Marc. C'est ce à quoi je vous exhorte ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

Je vous prie de bien vouloir être bref, monsieur le Premier ministre, je cherche à équilibrer les règles du jeu.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je les respecte, monsieur le président !

Je n'ai pas encore eu le temps de le faire, mais je vais bientôt envoyer un courrier à l'ensemble des maires de France. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Je dirai encore un mot des dotations. Monsieur le sénateur, mettez-vous d'accord avec vos amis. Quand on propose de réduire les déficits publics de 100 à 150 milliards d'euros supplémentaires, il faut dire quelles dépenses sont visées ! Or vous savez très bien que les collectivités seront concernées ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

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